Point de vue de Christophe Aguiton sur les cultures différentes entre la gauche « partisane » et la gauche « mouvementiste »

samedi 23 décembre 2006.
 

"Le passage en force du PCF laissera des traces"

Militant syndical ( SUD) et associatif (nouvelle majorité d’ATTAC), membre de la Ligue communiste révolutionnaire, Christophe Aguiton analyse les cultures différentes entre la gauche « partisane » et la gauche « mouvementiste » (1).

L’alliance entre la gauche radicale des partis (PCF, LCR, LO) avec la gauche mouvementiste est-elle finalement impossible ?

En lançant l’expérience des collectifs unitaires, il y avait deux handicaps à surmonter. Le premier, conjoncturel, était de résister au vote utile pour le PS, qui ne saurait manquer de s’exprimer face à un gouvernement de droite particulièrement agressif.

Le second renvoie à des questions plus fondamentales. Il s’agit de réaliser la synthèse de deux cultures : celle du PCF, qui a longtemps représenté sur le plan électoral la partie radicale de la gauche, mais en restant respectueux des institutions, avec un appareil constitué de militants aguerris et de nombreux élus ; et celle issue de l’extrême gauche, marquée par le féminisme, l’écologie, et qui remet en cause les hiérarchies de la société.

Mais elle n’est pas récente...

L’alliance de ces deux cultures a été rendue possible par une décennie de luttes où nous nous sommes retrouvés ensemble dans les mobilisations. Une décennie qui commence à l’hiver 1995 avec les grandes grèves contre le plan Juppé et que l’on retrouve en 2006 avec le combat contre le contrat première embauche de Dominique de Villepin. Elle s’est alimentée des luttes pour les « sans » (les sans-papiers, les mal-logés, les chômeurs, etc.) et du rejet de la mondialisation libérale et d’une construction européenne qui s’accommode de cette mondialisation. Cette alliance a rendu possible un rapprochement électoral lors du référendum de 2005 et la tentative d’avoir une candidature commune pour la présidentielle de 2007.

Mais ces gauches ne sont-elles pas en train de rompre ?

Le passage en force du PCF, qui veut imposer sa secrétaire nationale comme candidate du rassemblement antilibéral, et, à une autre échelle, le refus de la direction de la LCR de s’engager dans ce processus laisseront des traces. Cela dit, on ne peut être que frappé par l’ampleur de la dynamique des collectifs antilibéraux. Quand on pense que, en quelques mois, près de 700 collectifs se sont mis sur pied et que de très nombreux militants du PCF s’y sont engagés avec la conviction qu’il ne serait possible de réussir que si l’on trouvait un ou une candidat(e) qui soit un « trait d’union » entre les différentes composantes de la gauche antillibérale, on peut prédire que ce mouvement perdurera et sera capable de changer la donne politique à gauche.

Certains n’ont-ils pas cherché une recomposition de la gauche de la gauche sur les ruines du PCF ?

Oui, mais elle ne s’est pas faite et c’était une illusion, car il faudra recomposer en tenant compte des expériences et des histoires collectives. Le jeu des appareils a existé et continue de peser. Mais la grande majorité des militants des collectifs avait bien conscience que cette nouvelle alliance demanderait une réflexion sur les questions programmatiques et politiques en s’appuyant sur les propositions novatrices issues des mouvements sociaux et du mouvement altermondialiste.

Vous parlez d’illusion...

Toute l’ambition du rassemblement était de dépasser la fracture entre une gauche radicale mais aussi gestionnaire, que représente bien le PCF, et une gauche tribunitienne, campée dans la protestation. LO, la LCR et le PCF veulent perpétuer cette répartition des rôles. Bousculer ce schéma et rénover profondément la pensée politique de la gauche radicale, c’est l’enjeu de la bataille actuelle.

(1) Auteur de Quelle démocratie voulons-nous ? (la Découverte) et de la Planète altermondialiste (Textuel).


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