Parlement européen : ronron des eurosatisfaits et double langage des socialistes

mardi 19 juillet 2011.
 

La semaine dernière au parlement européen continuait le ronron des eurosatisfaits, extra terrestres peu sympathiques et même franchement inquiétants. On vota comme un troupeau le dispositif laxiste à pleurer autorisant la libre circulation des produits financiers toxiques, le passeport d’entrée libre pour les agences de notation, un texte sur les ventes de produits financiers à découvert et ainsi de suite. Toutes ces folies manifestent que ces braves gens sont déjà en retard de six mois sur les évènements. Ils continuent à permettre et encourager des pratiques catastrophiques. Vous trouverez le détail de l’analyse de ces textes dans la rubrique de mon blog où sont stockées mes fiches d’analyse des délibérations du parlement européen. Pour l’heure je n’en retiens qu’une qui doit souligner en ces temps de débats et de primaires au PS l’ampleur du double langage que pratiquent ses dirigeants.

Il s’agit d’un rapport de Pervenche Bérès (eurodéputée socialiste française) pompeusement présenté comme « Les recommandations du Parlement européen sur la crise ». On me dira que ce texte n’ayant aucune valeur législative, il est inutile d’aller plus loin que le titre. Mais on doit voter sur le texte et aussi sur les amendements que des forcenés maintiennent jusqu’en séance ! La droite, les verts et les socialistes ont passé des heures à faire des compromis pour présenter et voter ensemble ce texte ! Il y a donc un intérèt à savoir sur quoi ils sont prèts à s’entendre. Et puis tout de même, ce rapport d’initiative est le résultat des travaux de la commission parlementaire spéciale sur la crise. Rien que ça ! Le texte ne comporte pas moins de 108 articles au style ronflant. La rapporteure socialiste s’est félicitée de ce rapport en annonçant qu’il exprimait…une exigence de démocratie ! Hum ! Voyons.

Tout le début est de pauvre intérêt. Une description du fonctionnement de la commission qui a produit le rapport. La suite est faite de l’habituel mélange de bons sentiments sans conséquence et d’affirmations inacceptables. Au chapitre des bons sentiments la dénonciation du creusement des inégalités économiques et la demande de "l’adoption de mesures visant à réduire les inégalités de revenus, en s’attaquant notamment au chômage des jeunes". On imagine que Barroso attendait ce rapport pour y penser ! De même quand vient la mise en cause de la responsabilité des banques dans la crise juste après un vote qui prolonge les moyens de la fête comme je viens de le raconter. Il y a des moments où la conjugaison fournit des recours au conditionnel qui en disent long sur la mauvaise foi des rédacteurs. Ainsi quand le rapport tortille autour du thème des services publics :"bien qu’il soit nécessaire de consolider les finances publiques, il pourrait également être souhaitable de sauvegarder les services du secteur public et de maintenir, par conséquent, les niveaux existants de protection sociale". Il pourrait être souhaitable, mais ce n’est pas sûr… Et des socialistes français votent ça !

Les amis du projet socialiste, dont tous parlent sans jamais se référer à son contenu, seront heureux de savoir que leurs camarades au parlement européen votent pour "atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020" et prônent tout au long du texte les "réformes structurelles adaptées", bien sûr ! Ils seront contents de savoir que dorénavant le Parti socialiste se félicite des décisions de l’Union européenne à propos des agences de notations au moment où on leur a donné un passeport européen. Ils se réjouiront de savoir que leur parti se "félicite du principe du semestre européen" et ce tout au long du texte. Et même qu’ils demandent un "alignement accru des budgets nationaux affectés à des objectifs communs" ce qui est le principe même du Pacte euro plus.

Le meilleur du socialisme reste à venir dans ce texte. Les électeurs socialistes seront-ils ravis d’apprendre que leurs élus demandent le "démantèlement des barrières commerciales mondiales" ? Au contraire du « projet » qui, lui, réclame des « écluses douanières ». C’est Montebourg qui va être content d’apprendre ça ! Et le pompon, que dis je, l’apothéose c’est le moment où le texte déclare que " la concurrence fiscale est acceptable dans la mesure où elle ne met pas en péril la capacité des États membres de percevoir les recettes qu’ils sont raisonnablement en droit d’attendre" Ce qui ne veut rien dire. Rien. Absolument rien. A part que la concurrence fiscale est acceptable, bien sûr ! Le reste est fait de crime secondaire comme cette demande de hausse du budget de l’UE et parallèlement de baisse des budgets nationaux. On comprend dès lors que le texte des socialistes et de la droite mette en garde « contre les risques d’un repli dans une Union fragmentée vulnérable au protectionnisme et au populisme". Evidemment il n’y a pas de danger plus grave…

Le pire quand même si c’est possible c’est le moment où cette prose laisse percer le front compassionnel de ses auteurs et révèlent l’idée qu’ils se font de la solidarité dans le moment dramatique que nous vivons. Ces gens-là ne changeront jamais. La démocratie chrétienne n’est pas pour rien la principale fondatrice de cette Union Européenne. Ainsi quand le texte "fait remarquer que les femmes, en particulier, courent un risque accru de vivre dans la pauvreté ; constate que la pauvreté des enfants a augmenté dans plusieurs États membres pendant la crise ; souligne le fait que cela est inacceptable, et que ces tendances négatives doivent être inversées ;" Tout cela est bel et bon. Et que propose le rapport pour répondre à cette situation ? Il n’en appelle pas à l’Union européenne, pas aux Etats membres, mais…aux ONG ! Mais oui ! Il "appelle par conséquent les organisations non gouvernementales existantes, en particulier, à former un réseau solide pour éradiquer la pauvreté des enfants moyennant des approches centrées sur les enfants, des objectifs spécifiques aux enfants, et à accorder une importance toute particulière aux droits des enfants". Eradiquer la pauvreté devient la mission des ONG. On se demande à quoi sert l’Etat. Mais précisément pour les sociaux libéraux comme pour la droite, l’Etat est toujours de trop.


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