Des vices de la rigueur aux primaires socialistes

samedi 13 août 2011.
 

Ainsi l’austérité, ce racket des pauvres pour assurer la prospérité des fortunes dissimulées sous les masques anonymes des marchés, est-elle présentée comme la qualité indispensable aux candidats à l’élection présidentielle. Les concurrents 
à la primaire socialiste y cèdent presque sans résistance, 
le cœur battant de se trouver « sous le regard des marchés » comme en avertit l’économiste socialiste Pierre-Alain Muet, ou pire encore, dans l’évaluation des agences de notation, nouveaux pères Fouettard de la mondialisation. Le sérieux résiderait dans l’affirmation d’un objectif cardinal, redescendre à des déficits annuels de 3% du PIB, et l’honnêteté serait de refuser « une espèce d’échelle de perroquet où on va proposer plus », selon les mots de François Hollande.

Plutôt que sur le goût ou non des défilés martiaux, l’essentiel du débat politique devrait porter sur ce sujet. La gauche est-elle condamnée à reprendre à son compte la « rigueur » proclamée par le pouvoir  ? Devra-t-elle admettre les réductions d’emplois dans les services publics et l’éducation, et se contenter de maquiller de compassion les efforts infligés à ces dizaines de millions de Français qui tirent le diable par la queue  ? À nouveau l’espoir d’un changement démissionnera-t-il au pied du mur d’argent  ? Au sein du Parti socialiste même, des voix tentent de se démarquer, certaines par l’artifice comptable qui exclurait des « dépenses d’avenir » du pacte de stabilité, d’autres, comme Arnaud Montebourg, en prônant l’idée de démondialisation ou en réclamant avec Benoît Hamon de « tout mettre en œuvre pour changer des règles qui sont aberrantes ». En filigrane, c’est le sens même de la politique et l’ambition de changer la société qui sont questionnés. Dans des pays voisins, de la Grèce au Portugal en passant par l’Espagne, des gouvernants socialistes se sont moulés dans les cadres exigés par 
la finance mondiale. Ils ont poussé leur pays à la ruine, leur peuple à la révolte, leurs électeurs à les bouder.

Il convient au contraire de chasser les idées reçues sur l’austérité. La dette n’explose pas du fait d’une augmentation des dépenses publiques – les chiffres officiels témoignent qu’elles régressent –, mais parce que la compression de l’investissement public et social étouffe la croissance et réduit les recettes. Les gouvernements Fillon ont de surcroît diminué les impôts des plus riches. Pour être agréables aux banques, les États se sont imposés d’emprunter auprès d’elles, devenues également les juges de la conformité des politiques publiques par le biais de leurs agences de notation. Plus les taux d’emprunt sont hauts, plus les déficits se creusent, plus la spéculation se déchaîne et rend éprouvants les remboursements. Plutôt que d’accepter d’être le jouet de ce mécanisme infernal, la gauche doit oser imaginer une politique alternative. La Banque centrale européenne couperait l’herbe sous le pied des marchés financiers en prêtant aux États à bas taux d’intérêt. L’Union européenne pourrait aider à une restructuration des dettes publiques en plafonnant son règlement à un pourcentage limité du PIB. Enfin, une politique fiscale redistributive sur les revenus, la taxation des mouvements financiers spéculatifs, l’investissement dans l’emploi et les services publics seraient à même de dynamiser la croissance. Là seront les marqueurs d’une politique économique de gauche. Et aussi ce qui distinguera en son sein ceux qui veulent changer la vie 
et ceux qui veulent seulement changer de dirigeants.

par Patrick Apel-Muller, L’Humanité


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