Les leçons antiracistes des révoltes citoyennes dans les pays arabes (Mouloud Aounit, MRAP)

dimanche 31 juillet 2011.
 

Nombre de pays du monde arabo-musulman ont connu ou connaissent encore des révoltes populaires. Si certaines ont conduit au départ des dictateurs au pouvoir, il est encore difficile de mesurer toutes les répercussions de ces révoltes, victorieuses ou non. En tout état de cause, il y aura un avant et un après ce que l’on nomme le « printemps arabe ».

A l’opposé d’une vision essentialiste, ces révoltes par leurs modalités différentes ont démontré que les Arabes, les peuples arabes n’étaient pas réductibles à une seule et même "identité".

Cependant, si le caractère spécifique de ces révoltes ne doit pas être sous-estimé, il est possible dès à présent d’en tirer des enseignements majeurs sans pour autant préjuger de l’avenir :

- Ces révoltes arabes marquent d’abord l’irruption des peuples sur la scène politique et la maturité de leurs actes et de leurs revendications.

- Elles ont pris de court les observateurs patentés et les milieux gouvernementaux occidentaux. En quelques semaines, ces révoltes ont fortement modifié l’image-cliché véhiculée jusqu’à lors des peuples arabo-musulmans, incapables de se soustraire à la fatalité des dictatures, pour lui substituer la réalité de peuples luttant pour retrouver une liberté et une dignité bafouées par des pouvoirs illégitimes avec la complicité agissante des gouvernements occidentaux.

Face à ces révoltes, la France, dans un premier temps, s’est montrée, comme bien d’autres pays, incapable d’anticiper les événements, il n’est qu’à rappeler les déclarations provocatrices, désolantes et irresponsables de la ministre des Affaires étrangères d’alors. L’incapacité de prendre la mesure de la situation et de répondre positivement aux demandes du peuple tunisien sont autant d’éléments à charge contre un gouvernement français toujours prisonnier d’une vision post-coloniale de l’Histoire.

En réponse à la lutte collective d’un peuple pour son émancipation, la France ferme ses portes aux immigrants tunisiens et manquant aux devoirs les plus élémentaires d’humanité et de solidarité, laisse dans une situation sanitaire déplorable les quelque 20 000 d’entre eux qui ont pu entrer -la Tunisie, au même moment, malgré ses problèmes économiques, accueillait sur son territoire 200 000 réfugiés de Lybie.

Cependant, l’impact des révoltes arabes est déjà mesurable en France, où l’image de l’Arabe, du musulman se trouve positivement modifiée, les révoltes arabes, en mettant à mal nombre de clichés et de stéréotypes, ont participé comme par ricochet à la lutte contre les préjugés.

Ces luttes, si elles ont redonné la dignité aux peuples de ces pays, ont également donné fierté et dignité à toutes les populations d’origine arabo-musulmanne vivant ici en France. Et cette dignité retrouvée, cette positivation de l’image représente une nouvelle donne, une occasion que le gouvernement se doit de saisir pour établir de nouveaux rapports avec des populations qui, victimes d’une islamophobie diffusée depuis le sommet de l’Etat, ne comprendraient pas que l’on continue à les discriminer et à les stigmatiser,

Plus largement, le regard qui enfermait ces peuples dans la soumission au destin, à la religion ou à la dictature a changé.

Leur aspiration à la dignité, à la liberté qu’ils partagent avec tous les autres peuples du monde, leur refus de toute dictature, civile, militaire, religieuse, dynastique montrent bien que les peuples arabo-musulmans ont en commun avec tous les autres peuples les mêmes désirs d’émancipation et de citoyenneté en revendiquant un universalisme qui n’est pas uniquement l’apanage de" la patrie des droits de l’Homme" ou du seul Occident.

En cela la théorie du "Choc des civilisations" -l’opposition censée irréductible entre un Occident démocratique et moderne et un monde arabo-musulman rétrograde et voué à la tyrannie religieuse- vient de voler en éclats tout comme se trouve démentie l’incompatibilité supposée entre Islam et modernité.

Alors que ces régimes semblaient inébranlables, ces révoltes prouvent une nouvelle fois que c’est bien le peuple qui reste moteur d’une Histoire qui continue à s’écrire malgré les pseudo-théoriciens qui prédisaient la fin de l’Histoire.

Aujourd’hui, si nombre de gouvernements occidentaux sont contraints de se féliciter des progrès démocratiques dans le monde arabe, ils n’en restent pas moins inquiets que ces exemples ne fassent "tache d’huile" jusqu’à "contaminer" l’Arabie Saoudite et les monarchies pétrolières, le gouvernement israélien allant même jusqu’à regretter la chute de régimes dictatoriaux lui garantissant un statu quo qui lui permettait de "geler" la question palestinienne.

Par leur courage, leur opiniâtreté, l’exemplarité de leurs luttes et malgré la répression, aujourd’hui les peuples arabes ont redonné espoir à tous les peuples et démontré que, malgré les difficultés, il est toujours possible de changer le cours du monde par les luttes déterminées des peuples.


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