Crise financière acte II, scène 2. Un plan européen pour sauver qui et quoi ? (par Gauche Unitaire)

dimanche 14 août 2011.
 

La Grèce est sauvée répètent à l’envi nos dirigeants, contents de leur accord. Sauver la Grèce de quoi ? D’un défaut de paiement, de l’annulation de leur dette ? La belle affaire. Si le gouvernement grec décidait de ne pas honorer sa dette, que se passerait-il ? Pour la Grèce pas grand chose, sinon une dégradation de sa note par les agences de notation – les dettes souveraines grecques sont déjà descendues à CCC, signifiant que les taux d’intérêt sont à plus de 26% sur deux ans et les agences de notation continue de dégrader la note… – sans effets significatifs… pour elle. Par contre, les banques qui ont souscrit ou garanti les obligations de la dette grecque auraient dû afficher des pertes comme lors de l’acte I de la crise financière, début août 2007.

Le système bancaire était menacé, il fallait trouver des solutions. Non pas pour sauver la Grèce mais pour sauver, une fois encore, le système financier, plus exactement chaque institution financière. Aucun débat sur les possibilités de construire un autre système financier, d’utiliser l’argent public pour les intérêts communs des populations comme le réclame les mouvements sociaux en Grèce et ailleurs. La politique d’austérité a fait son temps. Il est à noter que les impératifs de la baisse des déficits ont été assouplis et, à leur tour, rééchelonnés. Ils ne sont plus à réaliser dans le court terme, mais à moyen terme. Les dirigeants des pays d’Europe se sont aperçus que c’était contre productif. En fait, il est surtout question de gagner du temps pour épuiser les mouvements sociaux.

Le gouvernement allemand, qui n’a pas voulu ce sommet, a été forcé de reculer devant la force à la fois des grèves générales et du mouvement des « indignés », un cocktail qui ne prend pas partout de la même façon. Comment comprendre les tergiversations, les hésitations comme l’intransigeance de départ ? Pourquoi ne pas avoir accepté un sommet plus tôt comme l’ont proposé un certain nombre de gouvernements de la zone euro ? Une des explications réside dans les interrogations du gouvernement allemand. Une partie de cette classe dirigeante pense son avenir en dehors de la monnaie unique, et peut-être même en dehors de l’Union Européenne, pour ne pas avoir à payer pour les « pauvres ». C’est une option populaire parce qu’elle est simple et apparaît comme une solution de bon sens dans une crise qui secoue toutes les certitudes, toutes les constructions. Ce débat interne n’est pas tranché. Il pourrait resurgir. L’Allemagne, puissante dominante de la zone – euro comme celle de l’UE -, veut préserver ses intérêts, avec ou sans l’euro.

En revanche, la sortie de la Grèce n’est pas à l’ordre du jour quoiqu’en dise certains commentateurs. Le retour à la drachme serait dramatique. La crise monétaire serait immédiatement puissante et entraînerait une grave crise économique pour un pays qui a peu d’industries et où la compétitivité externe ne veut pas dire grand chose.

Le plan et ses arrières plans

Les 17 pays de la zone euro – un 18e s’était invité, la BCE – se sont donc mis d’accord, vendredi 22 juillet 2011, sur un plan d’urgence à la Grèce de 160 milliards d’euros, passant par le FESF, le fonds européen de stabilité financière pour 110 milliards – avec une participation ou non du FMI, pour l’instant on ne sait pas – et 50 milliards laissés à la charge du secteur privé. En mai 2010, la zone euro avait prêté à la Grèce 110 milliards d’euros, en lien avec le Fonds Monétaire International, le FMI. La scène 1 de cet Acte 2. A un taux de 5% et à condition que le gouvernement grec impose à sa population une politique d’austérité drastique. Les conséquences étaient prévisibles, la Grèce ne pourrait pas rembourser (1) d’un côté, de l’autre la récession serait profonde. Elle le fut : – 4,5% en 2010 et – 3,9% cette années suivant les experts du FMI. Pourtant, aucun bilan n’est présenté, aucune autre politique proposée. Il est évident, aux yeux de n’importe quel observateur, qu’il faudrait à la Grèce à la fois une politique de relance en privilégiant les augmentations de salaire pour faire repartir l’économie et répondre aux aspirations de la population, développer les services publics plutôt que de privatiser à outrance. La privatisation devrait rapporter 50 milliards d’euros d’ici 2015 lit-on dans les journaux – dans Le Monde par exemple daté du 24 juillet 2011 – sans que personne ne s’interroge sur la suite. C’est un fusil à un coup, l’endettement c’est une mitrailleuse, les réponses ne sont pas au même niveau que les questions. Et pour faire quoi ? Quel est l’intérêt ? Elle ne règle rien et approfondit les problèmes.

L’innovation la plus importante, en contradiction avec les traités – c’est du moins une zone grise – est de permettre au FESF, une société constituée par les 17 pays de la zone euro, de racheter des obligations de la dette souveraine sur le marché secondaire. Autrement dit, il est question de racheter les obligations « anciennes », déjà émises, pour diminuer l’encours total de la dette grecque. La BCE l’avait déjà fait, tout autant pour la Grèce que pour l’Irlande ou d’autres pays de la zone euro. Elle avait donc tout intérêt à une absence de dépréciation de la dette souveraine de la Grèce… En revanche, l’interdiction subsiste d’acheter les obligations nouvelles émises par le gouvernement grec. Ce que fait, de son côté la FED, la banque centrale étatsunienne. (2) Ce FESF pourra aussi participer à la recapitalisation (3) des banques comme l’avait fait chaque Etat lors de l’acte I de la crise financière. Les banques ne possèdent pas suffisamment de fonds propres pour faire face à leurs engagements. Elles n’ont tiré aucune leçon de l’acte I de la crise et les gouvernements quant à eux n’ont pas changé les règles. (4) Le risque de faillite généralisée est toujours présent. Les règles sont restées les mêmes, dans ce contexte inchangé les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Ce « plan » – un terme bien mal choisi pour une série de mesures de court terme – veut faire participer les créanciers privés et ce à la demande du gouvernement allemand. Le gouvernement français, à l’entendre, n’en voulait pas. La position de compromis a été le « volontariat obligé », accepté par les banques à commencer par BNP-Paribas et le Crédit Agricole. Ce dernier possède la banque grecque « Emporiki », menacé de faillite parce qu’elle possède une part importante des obligations de l’Etat grec…

Pour ces créanciers privés, ce serait – rien n’est sûr – une décote de l’ordre de 20% ou 25% du montant nominal de la créance. BNP-Paribas a déjà fait savoir – cf. Le Monde du 24 juillet 2011 – que ça lui coûterait autour de 1 milliard d’euros, si la décote était de 25%. Pour ces investisseurs, c’est un moindre mal. Les emprunts grecs à 10 ans – Le Monde opus cité – s’échangent autour de 50% de leur prix initial. Ces obligations sur le marché secondaire subissent le contre coup de la montée des taux d’intérêt. Les nouvelles obligations grecques affichent un taux d’intérêt à 13,7% après l’annonce du plan – il affichait, ce taux d’intérêt, 18% juste avant – alors que les anciennes avaient un taux d’intérêt beaucoup moins élevé. Les créanciers privés vendent massivement les anciennes obligations pour se procurer les nouvelles… Permettre au gouvernement grec de racheter ses anciennes obligations, fera baisser le montant total de l’endettement sans régler pour autant la question. Et si la décote est seulement de 20 ou 25%, ce sont les banques les gagnantes et pas l’Etat grec.

Cette décote c’est aussi l’aveu que le gouvernement grec ne paiera pas toute sa dette. Il est en défaut partiel de paiement. C’est grave docteur ? Peut-être. La question se déplace sur les CDS, les credit default swaps, des produits qui assure contre les risques de défaillance d’un débiteur. Ces CDS constituent un marché spéculatif alors qu’ils ne sont que des… produits d’assurance. Si les agences de notation sont suivis par les autorités – privées – des marchés dérivés dans la reconnaissance d’un défaut partie de paiement, les possesseurs de CDS pourront faire jouer leur assurance. Qui paie ?

Ce « plan » ne règle rien, il déplace les problèmes dans le temps…

Un exemple oublié.

Contrairement aux affirmations et des journalistes et des experts économiques, la faillite d’un Etat n’est pas possible. Comme une entreprise, il devrait soit disparaître soit faire l’objet d’un plan de redressement… Inenvisageable ! Le dernier exemple d’un pays en cessation de paiement, fut le Mexique en août 1982, avant cette déréglementation financière généralisée. On parlait alors plus justement de quasi-faillite pour signifier le surendettement d’un Etat. Les solutions envisagées sont les mêmes qu’aujourd’hui : rééchelonnement, soit le report de l’échéance et nouveaux prêts à des taux d’intérêt plus faible. La question, en 1982, était… de sauver le système bancaire et financier international sinon les faillites bancaires se seraient généralisées. C’était aussi la première intervention du FMI, comme pompier de l’endettement des pays dits émergents et surendettés. En contrepartie de son intervention, de son « sauvetage » – une fois encore comme aujourd’hui – une politique d’austérité drastique de baisse des dépenses publiques et d’une privatisation généralisée. Non seulement cette politique n’a pas combattu le surendettement mais elle a ouvert la porte à la crise financière de décembre 1994 qui incluait la nouvelle dimension de l’internationalisation des marchés financiers comme visage de la mondialisation. Crise financière qui provoquait, comme pour les pays d’Asie du Sud-Est, l’Argentine et le Brésil, en 1997-98, la plus profonde crise financière et économique – avec une dimension politique – pour l’ensemble de ces pays appelés « émergents ». S’il fallait tirer quelques leçons des politiques économiques, celles-là devraient faire la une de notre actualité.

Retour sur l’acte I de la crise

Début août 2007, les marchés financiers enregistrent une chute de l’envergure de celle de la fin de 1929. Les premières réactions viennent des banques centrales. Elles inondent le marché de crédit à bas prix, en baissant leur taux directeur et d’escompte. Elles prennent la place d’un système de compensation des banques entre elles devenu défaillant. En période « normale », les banques qui ont des liquidés prêtent aux banques qui en ont besoin, au jour le jour. Lorsque la crise financière se déclenche – et celle là visait surtout les banques -, ces banques n’ont plus confiance les unes dans les autres. L’une ou l’autre est directement menacée de disparition. Lui prêter serait un contre sens et les actionnaires ne l’accepteraient pas. Elles assèchent le système de compensation. Ce scénario se retrouve à chaque nouvelle réplique de la crise. Il accélère le mouvement de faillite. Une banque qui ne peut pas faire face à ses échéances au jour le jour peut disparaître provoquant un tremblement de terre économique en fonction de l’endettement généralisé de l’ensemble des agents économiques. Pour employer une image, « la croissance voguait sur un océan de dettes ». (5)

Les gouvernements quant à eux étaient dans le déni de la crise, ne voyant qu’une crise financière d’un côté, de l’autre croyant dans l’idéologie libérale. Christine Lagarde se faisant remarquer par son côté prophète à l’envers. Chaque fois qu’elle annonçait que le pic était derrière nous, c’était une nouvelle plongée des marchés financiers. Il a fallu la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, pour permettre la prise de conscience d’une crise similaire à celle des années 30. Les chiffres indiquent que, fort logiquement, celle d’aujourd’hui a été trois fois plus profonde que celle des années 30.

Après cette faillite, les gouvernements, aux côtés des banques centrales, sont intervenus massivement pour éviter une faillite généralisée. Mais, au lieu de sauver le système financier dans son ensemble, ils et elles ont décidé de sauver chaque banquier en lui fournissant les liquidités dont il avait besoin au jour le jour. Pour lui permettre de continuer à spéculer. Plus encore, les banquiers, le système financier dans son ensemble n’avaient pas besoin de cet afflux de liquidités. La crise, comme souvent était une crise de solvabilité et de profitabilité et non pas de liquidité. Toute la masse de capitaux virtuels accumulés dans la sphère financière demandait à être valorisée. De cette impossibilité a découlé la crise actuelle. Il fallait détruire le capital considéré par le capitalisme lui-même comme excédentaire. La crise, dans le capitalisme, est le moyen de réguler cette anarchie.

Sauver chaque banquier, chaque assureur était gros d’une crise encore plus importante. Pour le dire autrement, l’acte 2 était contenu dans l’acte 1. Cette politique a donné l’impression de fonctionner. La faillite généralisée était évitée. La question restait, que faire de toutes ces liquidités mises à la disposition de chaque banquier ? Prêter aux agents économiques, entreprises et ménages pour donner un nouvel élan à la croissance en revenant au métier traditionnel du banquier ? Mission impossible pour un banquier. Pour des raisons qui tiennent au fonctionnement même du système qui s’est mis en place dans les années 1980. La rentabilité, le retour sur investissement, le bénéfice. Prêter de l’argent à des entreprises qui ne sont pas assurés de leur profit ? Ou à des ménages considérés comme surendettés ? La réponse est dans la question. Les encours de crédit ont donc diminué. Dans le même temps, la dette devenait la question urgente à régler pour les entreprises. (6) L’investissement productif ne pouvait que régresser, les restructurations prendre un tour aigu avec leur cortège de suppressions d’emploi pour augmenter la productivité et ainsi retrouver un niveau de profitabilité.

Où un banquier pouvait-il avoir des possibilités de profit spéculatif, donc à court terme – ce courtermisme est le fonctionnement habituel des marchés financiers – sinon dans deux domaines, la dette souveraine et les matières premières.

Les Etats comme les banques centrales ont fourni les munitions pour le déclenchement de la crise actuelle. Chaque Etat a « sauvé » ses banquiers sans tenir compte des autres. Une composante de l’éclatement actuel.

Pourquoi l’euro ?

L’acte II de cette crise s’est cristallisé sur la zone euro. Pour plusieurs raisons. La principale tient dans les formes de la construction de l’union économique et monétaire. Le traité de Maastricht – repris tel que dans le traité de Lisbonne – faisait faire, avec la monnaie unique, un saut gigantesque dans l’inconnu.

En 1986 avait été décidée une programmation de 300 mesures qui devaient se réaliser de 1986 au premier janvier 1993. L’Acte Unique devait donner naissance au marché unique européen dans ce laps de temps. Or, au 1er janvier 1993, 80% des mesures avaient été adoptées. Manquait l’essentiel pourtant, l’homogénéisation fiscale. Chaque pays conservait son système fiscal et aussi sa politique budgétaire. Logiquement, l’urgence était, à ce moment là, à la négociation sur ce thème avant d’aller plus loin. La rationalité n’a pas triomphé. Il fallait aller de l’avant. Non pour des raisons économiques mais pour des raisons idéologiques, politiques. L’intérêt de la monnaie unique tenait dans l’imposition des politiques d’austérité synthétisées dans les critères à remplir pour participer à cette aventure. Les deux plus importants, des déficits publics qui ne devaient pas dépasser 3% du PIB – l’indicateur de la création de richesses – et la dette publique limités à 60% de ce même PIB. Comment y arriver sinon en comprimant toutes les dépenses publiques et les dépenses sociales déstructurant de ce fait toutes les solidarités collectives. Avec un maître mot : privatisation !

Les politiques d’austérité se trouvaient inscrites dans le marbre des traités. Des politiques qui se traduisent par des forces centrifuges. Chaque pays essayant de répondre à ces critères. Le processus d’éclatement était inscrit dans ces traités. Plus encore, la BCE devenait une banque quasi privée, indépendante de tout pouvoir politique et responsable de la politique monétaire. Sans lien avec les politiques budgétaires qui restent nationales tout en étant soumise aux mêmes impératifs.

La monnaie unique était donc une monnaie sans Etat, sans même la définition de politiques communes. Chaque Etat s’enfonçait dans la gestion des critères qui faisait office de politiques. L’idéologie libérale colorait le tout pour lui donner un semblant de rationalité.

La crise financière a fait éclater cette bulle. Le vrai visage de l’euro est apparu, une construction virtuelle qui reposait sur du sable. Il était donc possible, rentable de spéculer contre la monnaie unique dans un contexte où chaque Etat s’essayait à résoudre les problèmes posés par la crise globale.

Du coup, la crise des dettes souveraines devient à la fois une crise financière et une crise de l’euro, de toute la construction européenne qui reposait sur le libéralisme, sur la liberté des marchés, sur la compétitivité des entreprises. Cette construction est en train de s’écrouler.

Des politiques communes ?

Jean Pisani-Ferry, dans Le Monde du 24 juillet 2011, propose, après bien d’autres, de mutualiser les risques en émettant des euro-bonds, autrement dit de faire exister la zone euro comme une entité. Il est évident que ces euro-bonds seraient notés AAA par les agences de notation. Elles pourraient ainsi bénéficier des meilleures conditions d’emprunts et éloigner le spectre de la crise de l’endettement. Cette réalisation serait un pas en avant dans la solidarité et ferait reculer les éclatements. Elle ouvrirait la porte à d’autres relations avec les marchés financiers et les agences de notation qui ne pourraient plus impunément imposer leur loi.

Ces agences qui ont trompé tous les agents économiques en cotant AAA des produits financiers risqués et qui ne pouvaient que s’écrouler sur les marchés financiers. Logiquement, personne ne devrait leur faire confiance. Si elles prennent autant de place, c’est qu’elles jouent désormais un rôle politique et idéologique de premier plan. Elles viennent justifier la nécessité des politiques d’austérité. Les discours actuels des dirigeants français, Fillon ou Sarkozy, ne disent pas autre chose. Il faut accentuer, approfondir la politique d’austérité pour ne pas être déprécié comme la Grèce. Une justification bien faible qui ne peut convaincre les populations et qui entraîne une crise de légitimité de tous les gouvernements et oblige à définir une politique alternative crédible.

Sortir de l’euro ? Une solution qui ne permettrait de régler les problèmes des salariés européens. Revenir à la monnaie nationale pour dévaluer et ainsi avoir un avantage compétitif à court terme ne règle en rien ni la crise financière ni la crise économique même si elle pouvait donner un semblant de légitimité à un gouvernement… pour mettre en place une politique d’austérité renforcée ! Avec comme même prétexte idéologique la nécessité de faire baisser le niveau de l’endettement et, pour ce faire diminuer les dépenses publiques. Le retour au franc n’est aucunement une garantie de changement de politique. Il est nécessaire, et pour résister, de regarder du côté de la solidarité entre tous les salariés européens.

Pour des raisons qui tiennent à la compétitivité-prix, soit gagner des parts de marché sur les concurrents en baissant le prix de vente, des entreprises, il faudrait de nouveau et drastiquement baisser le coût du travail. Une fois encore ce serait la variable d’ajustement.

Il faut, de plus, intégrer le fait que l’Allemagne est le pays dominant de la zone euro et qu’il peut vivre, prospérer et rester puissance dominante sans l’euro.

Il est une chance, dans cette crise qui secoue le monde capitaliste et la construction libérale de l’Europe, de proposer une autre construction européenne qui permette la solidarité entre les populations en définissant à la fois un modèle démocratique – donc politique – et social.

Il faut intégrer dans le raisonnement la profondeur de la crise actuelle dans toutes ses dimensions, financière, économique – la récession est programmée pour le début 2012, en France du moins -, sociale, écologique, politique, idéologique pour appréhender les solutions. Cette crise structurelle, systémique marque la fin d’un capitalisme, celui qui s’est mis en place dans les années 1980, 90, celui dit du libéralisme. La crise de légitimité de l’idéologique libérale ouvre grand le champ des possibles. Le capitalisme, et c’est l’explication rationnelle de la poursuite et l’accentuation des politiques d’austérité, a besoin d’infliger une défaite à l’ensemble des salariés pour reconstruire des marges de profit suffisantes pour lancer une nouvelle accumulation. C’est valable pour tous les pays d’Europe. Les populations sont soumises aux mêmes diktats.

Les forces de la transformation sociale sont à l’œuvre partout. L’UE d’hier est en train de disparaître corps et biens. Les traités doivent être revus. En pratique, ce travail a commencé. Le plan qui vient d’être proposé s’éloigne des traités. Il faut aller plus loin. La BCE doit être une banque au service du développement. Monétiser le déficit serait un deuxième grand pas, après les euro bonds pour combattre le poids des marchés financiers.

Nationaliser les banques en créant un pôle public de financement, en développant les services publics – et dans un premier temps en les rétablissant -, en augmentant les salaires et en réduisant le temps de travail pour créer de l’emploi stable pour toutes et tous…(7) la solidarité internationale – au moins européenne – des salariés est vitale pour la réussite d’un projet de transformation sociale.

Les mouvements sociaux veulent casser l’enchaînement mécanique des scènes. La scène 3 de cet acte II risque d’être dramatique pour la Grèce tout autant que pour les autres pays d’Europe. Derrière la Grèce se profile l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et pourquoi pas la France. Les agences de notation, les marchés financiers pourraient s’inviter, tout comme la récession, dans la campagne présidentielle française… Une alternative politique de gauche est à l’ordre du jour. Immense perspective !

Sinon, les crises sont devant nous… Elles charrient avec elles xénophobie et la guerre de tous contre tous. L’extrême droite y trouve son terreau faute d’alternative politique crédible. François Hollande propose… la poursuite de la politique d’austérité sans comprendre le monde d’aujourd’hui. Lui aussi, comme Sarkozy, est resté coincé dans le monde d’hier…

Nicolas BENIES

Le 23 juillet 2011.

NOTES

(1) Voir mon article sur ce même site, à l’époque. Et ceux concernant la dette irlandaise.

(2) Le gouvernement américain ne craint pas de ce fait la baisse de notation des agences de notation. Elle aura peu d’influence sur ses taux d’intérêt…

(3) Soulignons juste une nouvelle incohérence. Les banques ont voulu à toute force et rapidement rembourser l’Etat, en France, qui, fin 2008 début 2009, les avait sauvées de la faillite. Rappelons que 360 milliards d’euros avaient été prévus pour faire face à ce risque. Certes, tout n’a pas été dépensé mais les milliards prêtés aux banques leur ont permis de passer un cap. Rembourser permettait deux choses, un montrer que l’Etat avait fait un bénéfice – les intérêts du prêt sans commune mesure avec les taux pratiqués sur le marché – et se libérer du peu de contraintes que l’Etat faisait peser sur elles. Mais ces banques n’ont pas recapitalisé pour autant et certaines d’entre elles – et pas seulement les banques grecques – vont avoir besoin d’un apport de capitaux…

(4) D’une manière paradoxale, la taxe Tobin n’a pas été un des éléments de la négociation. Or, le 14 juin l’Assemblée nationale française a voté la demande d’instauration de cette taxe sur les transactions financières aux pays européens, demande acceptée par le gouvernement allemand. Cette demande serait-elle simplement un effet d’annonce ? Ou réservée au G20 ? Elle permettrait de commencer à mettre en œuvre la réglementation nécessaire des marchés financiers pour mettre fin à ce type de capitalisme qui s’est instauré depuis les années 1980.

(5) Voir « le petit manuel de la crise financière et des autres », Nicolas Béniès, Syllepse, 2009.

(6) Il ne faut pas trop se laisser abuser par les profits énormes des grands groupes du CAC40. Ces profits proviennent à la fois d’une surexploitation des salariés de leur groupe et d’une mise en coupe réglée des sous-traitants obligés de produire aux prix fixés par la grande entreprise. Ces profits ne reflètent pas la bonne ou la mauvaise santé du capitalisme…

(7) Je renvoie à l’article de Michel Husson qui fait des propositions que je partage.


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