Mai Juin 2011 au Chili : un mouvement étudiant d’ampleur historique, révolutionnaire antilibéral (11 articles)

mardi 15 mai 2012.
 

- 11 Six mois de lutte contre le pinochétisme dans l’éducation (23 novembre 2011)
- 9 Un mouvement de caractère révolutionnaire anti-néolibéral
- 8 Entretien avec Echeverría, responsable de PAIZ (Partido de la Izquierda)
- 7) Grève générale ouvrière et mouvement étudiant
- 6) Les étudiants chiliens descendent dans la rue (Le Grand Soir)
- 5) Au Chili, les étudiants prouvent leur talent (L’Humanité)
- 4) Au Chili comme ailleurs l’Education n’est pas à vendre !
- 3) Les étudiants chiliens contre l’ultra libéralisme (Témoignage Chrétien)
- 1) Solidarité avec le mouvement étudiant chilien ! (par France Amérique latine

11) Chili : Six mois de lutte contre le pinochétisme dans l’éducation

Déclaration de France Amérique Latine

Chili. Après plus de 6 mois de mobilisation de la jeunesse et face au retour du « pinochetisme », la solidarité internationale doit s’unifier pour s’intensifier !

Un mouvement social pour l’éducation fait trembler depuis maintenant plus de 6 mois le modèle néolibéral chilien. Un héritage empoisonné, géré -et parfois même perfectionné- durant les vingt dernières années, suite à la transition démocratique. Jusqu’au coup d’État de 1973, l’éducation publique de ce pays du Cône sud était connue pour sa qualité et gratuité. Désormais moins de 25 % du système éducatif est financé par l’État. Le reste est assumé par les familles : 70 % des étudiants doivent s’endetter et 65 % d’entre eux interrompent leurs études pour des raisons financières ou migrent vers l’Argentine. Et c’est la même logique que l’on retrouve dans tous les champs sociaux : santé, retraites, transports, médias, etc.

La rébellion de la jeunesse étudiante et lycéenne dévoile aussi le vrai visage de cette « nouvelle droite », incarnée par l’actuel président Sebastián Piñera. . Depuis des mois, l’exécutif a répondu par la répression aux légitimes revendications de gratuité, qualité, fin de la logique du profit et retour de l’État dans le système éducatif. Les actions violentes de la part des carabiniers sont permanentes. On compte des centaines de blessés, des milliers d’arrestations et même le décès de Manuel Gutiérrez (14 ans) assassiné par la police, à balle réelle. L’esprit du « pinochetisme » s’affiche d’ailleurs encore toutes voiles dehors. En septembre dernier, le maire de Santiago, Pablo Zalaquett avait même suggéré l’intervention des forces armées pour empêcher les manifestations le jour de la commémoration du coup d’État... Et Cristián Labbé, maire de Providencia (Santiago) et ancien membre de la police politique du régime militaire (DINA), qui avait annoncé qu’il fermerait les lycées occupés, continue dans la surenchère : il vient de rendre un hommage officiel à l’ex général de brigade Miguel Krasnoff, qui purge actuellement une peine de 100 ans de prison pour atteinte aux droits humains, séquestration et assassinats de citoyens durant la dictature. L’une des proches conseillères du président Piñera a d’ailleurs souhaité « les meilleurs souhaits de réussite » à Labbé, en vue de ce sinistre hommage, avant d’être désavoué par sa hiérarchie, face au scandale suscité !

France Amérique Latine réitère tout son soutien aux luttes du mouvement étudiant et lycéen chilien, une mobilisation qui rencontre un large appui au sein de la population. Nous appelons à continuer rassemblements, informations et pétitions en France, et en Europe, afin de manifester activement notre solidarité en faveur de ce mouvement qui réclame une éducation publique, gratuite et de qualité, mais aussi l’assemblée constituante qui pourrait mettre -enfin !- un terme à celle établie sous Pinochet en 1980. Le gouvernement doit cesser immédiatement sa politique répressive contre les mouvements sociaux et mettre en place de véritables réformes structurelles, qui prennent pour axe les revendications démocratiques de la jeunesse. D’autre part, fidèles à notre engagement pour la justice, la vérité et contre l’impunité, nous dénonçons aux cotés des familles de victimes, des organisations sociales et de défense des droits de l’homme, l’hommage qui vient d’être rendu à l’un des nombreux criminels de la dictature, reconnu comme tel par la justice. Plus globalement, nous appelons à la plus grande vigilance sur les velléités de certains secteurs de la droite politique chilienne, alliés du gouvernement en place, qui cherchent -une fois de plus- à faire pression pour légitimer le terrorisme d’État et les meurtres du régime militaire, annonçant ainsi ouvertement de nouveaux objectifs en termes d’impunité, mais aussi de répression des luttes du peuple chilien.

Paris, le 23 novembre 2011

10) Solidarité avec le mouvement étudiant chilien, signez la pétition

9) Révolution anti-néolibérale, sociale et étudiante au Chili (Manifeste d’historiens chiliens)

Partout au Chili, les rues, les places et les ponts de toutes les villes se sont transformés en artères où affluent et circulent des milliers d’étudiants et de citoyens entonnant et reprenant les revendications pour des changements structurels dans l’éducation, changements qui exigent des modifications substantielles du paradigme économique, du caractère et du rôle de l’Etat et, de façon générale, du pacte social constitutionnel du pays. Depuis des mois, les mobilisations n’ont pas cessé, reprenant à leur compte, en les adaptant parfois, des mots d’ordre d’autrefois qui touchent de façon critique au cœur du modèle néolibéral actuel : le marché, le crédit, l’endettement, le bénéfice, l’inégalité sociale et celle du système éducatif.

Au début, il a pu nous sembler qu’enfin les Alamedas [1] s’étaient ouvertes, marquant l’arrivée de l’heure historique annoncée par le discours final d’Allende [2]. Mais le développement des événements, avec la recrudescence de la répression policière, des menaces et des mesures prises contre les dirigeants et les dirigeantes du mouvement étudiant de la part des représentants du pouvoir ainsi que les provocations des policiers habillés en civil qui infiltrent les manifestations, nous rappellent que nous sommes dans un régime politique dirigé par la droite chilienne, qui est l’héritière des pratiques de la dictature militaire et la véritable fondatrice du régime néolibéral qu’elle cherche à imposer. Et alors que les jeunes prennent par surprise le corps social même du Chili et que la répression devient furieuse, le bruit des casseroles frappées par les citoyens qui les soutiennent se fait entendre, rappelant le temps des protestations.

Si le temps des alamedas n’est pas encore arrivé, la volonté de pouvoir de la jeune génération a poussé avec force pour exercer une pression sur ces allées afin qu’elles conduisent à une véritable « Ouverture historique ».

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Nous qui avons le devoir d’écrire l’histoire, nous nous interrogeons sur le caractère de ce mouvement et sur la signification de son irruption historique. S’agit-il encore d’une phase du mouvement estudiantin post-dictature ? Ses revendications correspondent-elles à des revendications essentiellement sectorielles ? Quelle est la façon de faire de la politique dans ce mouvement ? Quelle relation ce mouvement a-t-il avec l’histoire du Chili et sa fracture provoquée par le coup militaire de 1973 ? Comment ce mouvement s’articule-t-il avec le chemin et l’orientation de l’histoire longue du Chili ? Quelle mémoire sociale et politique citoyenne a-t-elle activé l’irruption du discours estudiantin dans la rue ?

S’il est en effet risqué de répondre à ces questions lorsqu’il s’agit d’un mouvement en marche, nous qui signons ce manifeste éprouvons la nécessité de témoigner, avec la pleine conviction que nous nous trouvons face à un événement national qui exige notre prise de position, qui s’ajoute à tant d’autres qui sont exprimées quotidiennement depuis différents fronts, aussi bien institutionnels que civils.

1. En premier lieu, nous considérons que nous nous trouvons face à un mouvement de caractère révolutionnaire anti-néolibéral. Les revendications du mouvement estudiantin émergent de la situation spécifique que connaît la structure du système éducatif du pays, basée sur le principe de l’inégalité sociale. Une transformation de cette structure – comme l’expriment parfaitement les cris de la rue – exige un changement systémique du modèle néolibéral, qui fait du principe d’inégalité (fondé sur la marchandisation de tous les facteurs et sur la capacité d’achat de chacun) la clé de voûte des relations sociales et du « pacte social ». Au cœur de ce principe organisateur, la figure politique de l’Etat néolibéral se profile comme un appareil médiateur, neutralisateur et garant de ce principe d’inégalité à travers ses propres politiques sociales.

Ainsi, il ne faut pas s’étonner que le mouvement estudiantin actuel rencontre un appui citoyen si large : la majorité des Chiliens qui crient et frappent leurs casseroles pour manifester leur appui aux étudiants se trouve dans la catégorie dichotomique de « débiteurs » face à un groupe légalement abusif et corrompu de « créanciers ». En effet, les étudiants ne sont pas seulement des « étudiants », mais ils sont aussi des débiteurs [les études impliquent un endettement massif pour la large majorité]. Ce ne sont pas que les étudiants qui vivent dans le principe d’inégalité, mais la majorité sociale chilienne actuelle qui souffre de cette situation dans sa chair. Le social en particulier et le social en général s’auto-appartiennent et s’auto-identifient mutuellement dans une unité qui se construit et se conscientise dans la lutte.

Ainsi, le mouvement étudiant, apparemment sectoriel, constitue un « mouvement social » qui, en touchant au nerf central du système, irradie vers la société civile élargie qui s’identifie alors à lui, reproduisant socialement la force de manifestation de son pouvoir, « décongelant » la peur et agglutinant les discours et les pratiques fragmentés.

Le mouvement étudiant actuel revêt un caractère radical dans la mesure où il cherche à remplacer le principe néolibéral de l’inégalité, sur lequel est construite la société actuelle, par le principe de l’égalité sociale (basé sur le système de « droits sociaux citoyens »), promesse indispensable de la modernité, en dépit de toute post-modernité . C’est ce principe qui, depuis la sphère du monde de l’éducation chilien, se propage comme la fragrance d’un nouveau printemps vers toutes les couches de la société.

2. Ce mouvement a commencé à se réapproprier le politique pour le rendre à la société civile, en remettant en question la logique de la politique intra-muros [qui échappe au regard des non-politiciens], et avec elle le modèle de pseudo-démocratie et de légalité qui n’a pas encore coupé le cordon ombilical avec la dictature.

Il s’agit d’une politique délibérative, dans le sens le plus plein du mot, qui transcende les schémas partidaires (à part les engagements militants personnels de certains dirigeants). Le mouvement montre comment, à travers les bases mobilisées elles-mêmes, avec l’appui des réseaux sociaux de communication (« politique en réseau »), le pouvoir des masses s’exerce sur la scène publique, en faisant pression pour la transformation des structures. Ce fait est en train de réexaminer les fondements du changement social historique, en remettant en question les modalités verticalistes et représentatives, propres à la prémisse moderne, favorisant ainsi activement des formes de démocratie directe et décentralisée.

En ce qui concerne la relation du mouvement avec le système politique et le gouvernement actuellement aux commandes, ce mouvement correspond également à un nouveau moment de sa trajectoire historique post-dictature, moment dans lequel le lien avec l’institution se réalise essentiellement depuis la rue, puisque celui-ci [ce mouvement] n’est pas entré dans la négociation institutionnelle menée dans les enceintes gouvernementales. Dans cette perspective, l’aspect nouveau de ce mouvement est la « politique ouverte » ou « politique dans la rue », qui, en même temps qu’elle permet de maintenir le contrôle du territoire appartenant à la société civile, diffuse et rend transparent pour tous les citoyens son discours, son texte et ses pratiques. La politique classique des gouvernements concertationistes [la Concertation, alliance entre le PS et la démocratie chrétienne, a gouverné le Chili de 1990 – 2009] d’ « invitation au dialogue » est devenue un piège inefficace pour le mouvement social actuel qui conserve la force de ses propres pratiques.

Ainsi, les mobilisations estudiantines et sociales – qui aujourd’hui ont lieu à partir de revendications en faveur de l’éducation – non seulement rendent « citoyen » le domaine de l’éducation en l’établissant comme base fondamentale d’un projet de société, mais témoignent également de la crise du système politique en remettant en question et en transgressant la « démocratie des accords », considérée comme le principal outil permettant de neutraliser et de repousser les revendications sociales.

Cette nouvelle politique trouve son expression manifeste dans un type de protestation sociale qui rompt les barrières imposées tant par la culture de la terreur de la dictature que par celle du « bien supérieur » de la transition. A travers une infatigable appropriation de l’espace public et, en général, de pratiques de non-violence active, le mouvement a organisé de multiples manifestations culturelles où le langage riche, plastique, inclusif et audacieux qu’il utilise interpelle le cordon de la répression policière et des médias qui cherchent à criminaliser la protestation.

3. Si ce mouvement correspond effectivement à un moment nouveau de la politique et de l’histoire sociale post-dictature, cela peut seulement se comprendre depuis la perspective plus ample de l’histoire du vingtième siècle du Chili. Au cours de celui-ci, dans les années 1960 et 1970, l’égalité dans l’éducation avait atteint, grâce aux limitations légales imposées au capitalisme anarchique, une maturation structurelle. Mais le processus, alors en pleine phase de consolidation, avait été interrompu brusquement par le coup d’Etat de 1973. Le mouvement social étudiant actuel est l’expression de la volonté de récupérer ce fil cassé de notre histoire. C’est l’irruption du bourgeon de la semence qui fut piétinée et enterrée par la botte dictatoriale et le néolibéralisme. C’est la renaissance, avec la nouvelle génération, du rêve et de la volonté de ses pères de fonder une société basée sur la démocratie, la justice sociale et les droits humains fondamentaux, parmi lesquels l’éducation constitue l’un des champs les plus fertiles.

En effet, le pacte social pour l’éducation, abouti dans les années soixante et septante, fut le fruit d’une longue lutte menée par plusieurs générations depuis le milieu du XIXe siècle. Ce processus de lutte a consisté fondamentalement dans la volonté politique progressive d’arracher les enfants prolétarisés au monde du travail pour les scolariser, afin d’aller vers une société plus égalitaire à travers l’émancipation sociale et culturelle. Ce trajet historique, qui a concerné toute la société, a réussi à produire des graines qui ont fructifié dans les décennies de 1960 et 1970, lorsque l’Etat et la société civile ont fait du pacte social pour l’éducation un de leurs plus coûteux projets de construction d’une nouvelle société démocratique. C’est cela le processus qui aujourd’hui fait à nouveau irruption dans le discours et dans la pratique du mouvement des étudiants. Il s’agit d’une génération qui n’accepte pas de redevenir un objet de marché et de se prolétariser à nouveau, que ce soit par le chemin de l’endettement ou d’une éducation de mauvaise qualité. Ce qui est en jeu aujourd’hui s’incarne dans ce mouvement, à savoir le « projet et pacte social éducatif républicain/démocratique » chilien, en tant que principe éthico-politique d’égalité sociale.

C’est ici que s’enracine la densité historique de ce mouvement qui provoque, à son tour, une irruption de mémoire historique chez les citoyens. La mémoire des pères et des grands-pères qui marchent et manifestent au bruit des casseroles leur appui à la nouvelle génération est en train de retrouver et de tisser à sa manière le fil de notre histoire.

Ainsi, par son triple caractère d’événement révolutionnaire anti-néolibéral, de processus de récupération du politique par la société civile et de connexion avec l’histoire profonde du mouvement populaire du Chili contemporain, le mouvement citoyen actuel – dont les étudiants de notre pays sont en train de prendre la tête avec force, décision et claire vocation de pouvoir – se réapproprie et remet à l’ordre du jour des dimensions plus fondamentales que la transition frustrée vers la démocratie [la période de la Concertation] a sacrifiées.

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A travers ces brèves réflexions, le groupe d’historiens et d’historiennes chiliens que nous sommes, appuyé par de nombreuses personnes, nous saluons le mouvement étudiant et adhérons aux revendications essentielles qu’il avance. Nous saluons les revendications de l’Assemblée Constituante [la revendication d’Assemblée Nationale Constituante se combine avec celles de changement du Code du travail et de renationalisation du cuivre afin de financer une éducation publique, gratuite, laïque et de qualité] et y souscrivons.

En même temps, nous appelons à ne pas considérer que ce mouvement agit uniquement dans la conjoncture de ce gouvernement de droite [3], mais à prendre conscience du fait que c’est un moment d’un processus historique déjà en marche, dont le fruit principal sera sans doute l’installation définitive de la revendication en faveur de réformes structurelles du néo-libéralisme et de la volonté irréductible des citoyens d’obtenir véritablement du pouvoir. Tout cela devant figurer à l’agenda des projets politiques immédiats et à venir.

Collectif-

Notes

[1] l’avenue centrale et symbolique de Santiago du Chili

[2] dans son dernier discours, le 11 septembre 1973, à 9h10, Allende déclarait : « …de nouveau s’ouvriront les grandes avenues – alamedas – par où passe l’homme libre, afin de construire une société meilleure »

[3] celui du grand entrepreneur Piñera, élu en janvier 2010

* Traduction A l’Encontre.

8) Etudiants et lycéens contre la Constitution Pinochet Entretien avec Armando Uribe Echeverría, responsable de PAIZ (Partido de la Izquierda, Parti de gauche)

Pour accéder à cet article, cliquer sur le titre 8 ci-dessus.

7) Chili : deuxième journée de mobilisation – « Il va tomber… il va tomber… le successeur de Pinochet »

Pour accéder à cet article, cliquer sur le titre 7 ci-dessus.

6) Les étudiants chiliens descendent dans la rue

Le Chili est rentré dans le mouvement mondial de la jeunesse qui est en train de transformer le monde petit à petit —le printemps arabe, les sit-in et les manifestations sur les places espagnoles, et la rébellion des jeunes de Londres.

Les semaines de manifestations et de grèves des étudiants chiliens ont commencé le 9 août, quand environ 100 000 personnes sont descendues dans les rues de Santiago. Rejointes par des professeurs et des éducateurs elles ont réclamé l’éducation gratuite pour tous, de l’école primaire à l’université.

Dans les confrontations violentes qui ont opposé les groupes de jeunes à la police, des gaz lacrymogènes ont été tirés sur les foules et 273 personnes ont été arrêtées. Le soir, dans Santiago, la capitale du pays qui compte 6 millions d’habitants, l’air frais d’hiver a résonné du bruit assourdissant des pots et des casseroles qu’on frappait en soutien aux étudiants.

Pendant la dictature de 17 ans de Augusto Pinochet, la plus grande partie du système d’éducation du Chili a été privatisé et même après qu’il ait quitté le pouvoir en 1990, l’éducation privée a continué de prévaloir. Aujourd’hui 70% des étudiants universitaires sont dans des institutions privées. L’éducation privée est inscrite dans la constitution rédigée sous le règne de Pinochet et les entrepreneurs éducatifs en ont tiré grand profit.

Camila Vallejo, la présidente élue de la Fédération des étudiants de l’université chilienne et une des principales dirigeantes de la protestation nationale a déclaré : "Nous avons besoin d’une éducation de qualité pour tous. C’est un droit. Les enfants de la société chilienne ne peuvent pas progresser sans cela."

20 étudiants de secondaire font actuellement la grève de la faim et sont prêts à renoncer à une année d’études académiques et même à mourir pour leur cause.

Alina Gonzales, qui participe à la grève des écoles secondaires qu’on appelle NAM a dit : "Nous ferons le necessaire pour changer ce système et nos vies."

Les étudiants font partie d’un mouvement plus large qui lutte pour la transformation du Chili. Ces derniers mois, les ouvriers d’une mine de cuivre se sont mis en grève, des mobilisations massives ont eu lieu pour arrêter la construction d’un énorme complexe de digues et de projets énergétiques dans la région Bio Bio du Chili du sud, des militants pour les droits des homosexuels et des femmes ont marché dans les rues et le peuple indigène Mapuche continue à réclamer la restitution de sa terre ancestrale.

Confrontés à l’intransigeance du gouvernement conservateur du multi milliardaire, le président Sebastian Pinera, le mouvement réclame un plébiscite* national. Camila Vallejo, qui est aussi membre de l’organisation des jeunes communistes a dit : "Si le gouvernement n’est pas capable de nous répondre, il nous faudra exiger une solution qui n’est pas prévue par les institutions : l’organisation d’un plébiscite pour que les citoyens puissent décider de l’avenir éducatif de leur pays."

42 organisations sociales regroupées sous la bannière "Démocratie pour le Chili" se sont ralliées au mouvement étudiant. Leur manifeste proclame : "Le système économique, social et politique vit une crise profonde qui a contraint les communautés à se mobiliser... Un mouvement historique sans précédent des citoyens remet en question les bases de l’ordre économique et politique qui nous ont été imposées en 1980" par la constitution de Pinochet.

Reprenant l’appel des étudiants pour un référendum*, le manifeste ajoute qu’il devrait être "multi-thématique" et permettre aux électeurs de décider de la convocation d’une assemblée constituante qui aurait le pouvoir de rédiger une nouvelle constitution.

Ces dernières années, on a vu grandir la demande d’en finir avec l’ordre néo-libéral et le système politique correspondant qui concentre les pouvoirs dans les mains d’une élite politique. Comme en Equateur, en Bolivie et au Venezuela, il y a un mouvement pour réorganiser le pays en le dotant d’une constitution qui permette une participation populaire à tous les échelons du gouvernement. Les droits fondamentaux y seraient reconnus, y compris le droit à une éducation gratuite, aux soins médicaux, à la culture et le droit de choisir son orientation sexuelle.

Le président Pinera a refusé d’organiser un plébiscite. Son taux de popularité est maintenant tombé à 26%. Le jour qui a suivi la manifestation de masse il a signé une loi symbolique appelant à une "éducation de qualité". Il a critique les supporters d’une éducation universelle gratuite en arguant du fait que cela profiterait aux plus privilégiés car "les pauvres devraient payer des taxes qui bénéficieraient aux plus fortunés" qui vont à l’université.

Le Chili est à un carrefour. Pendant les 20 années qui ont suivi la chute de la dictature, beaucoup de Chiliens ont succombé au consumérisme car les centres commerciaux et les cartes de crédit ont proliféré grâce au "miracle économique chilien" qui enregistrait une croissance de 6% par an. Mais beaucoup de Chiliens veulent une société qui a plus de sens. Ils se souviennent de la tradition chilienne du socialisme démocratique à laquelle a mis fin le renversement du président Salvador Allende le 11 septembre 1973.

De nouvelles mobilisations sont prévues pendant la semaine prochaine, dont une journée de grève. On a appelé à des manifestations similaires dans d’autres pays d’Amérique Latine aussi.

Roger Burbach

Roger Burbach est le directeur du Center for the Study of the Americas (CENSA).

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/burbach...

Traduction : Dominique Muselet pour LGS

5) Au Chili, les étudiants prouvent leur talent (L’Humanité)

Mobilisés depuis plus de trois mois, les jeunes Chiliens réclament un enseignement supérieur « sans but lucratif, à l’accès (et à) la qualité (…) garantis par l’État ».

Une nouvelle journée de mobilisation des Indignés chiliens s’est tenue ce 18 août 2011. Pour défendre l’éducation, ils se sont rassemblés dans les rues de Santiago, décidés à faire preuve d’esprit et de créativité.

C’est ainsi qu’on a pu voir un manifestant déguisé en Christ, portant une croix sur le dos et ce message  : « Mon père est charpentier, je ne peux payer mes études  ! » Privatisé sous la dictature de Pinochet, l’enseignement supérieur chilien est devenu très cher d’accès pour toute une génération. « Tu veux étudier  ? Joue à la loterie  ! » lisait-on.

Le président Sebastian 
Pinera semble quant à lui jeter de l’huile sur le feu, déclarant que « l’éducation est un bien de consommation » comme les autres et que, tout compte fait, « rien n’est gratuit dans la vie ». Mais la philosophie du milliardaire ne semble pas du goût des étudiants, qui répondent au cynisme par l’ironie. En juin dernier, ils étaient plus de deux mille devant le Parlement, déguisés en zombies, dansant impeccablement le Thriller de Michael Jackson pour pointer du doigt une éducation « morte vivante ».

En juin également, un marathon un peu spécial a débuté autour de la présidence. La banderole « Éducation gratuite tout de suite » est passée entre les mains de milliers d’anonymes. Elle ne devra achever sa course que fin août, remplissant l’objectif de soixante-quinze jours, soit 1 800 heures symbolisant le 1,8 milliard de dollars nécessaires pour assurer les études des étudiants défavorisés.

Le mois dernier, un autre marathon a fait sensation dans les rues de la capitale. Un marathon de baisers a vu un millier de jeunes s’embrasser sans fin sous une banderole « Pour l’éducation, avec passion ».

Plus tragiquement, certains ont décidé d’entamer une grève de la faim en attendant des 
résultats. « Nous sommes prêts à sacrifier notre santé pour obtenir une meilleure éducation », disait une lycéenne. En grève depuis une semaine maintenant, elle s’inquiète de l’état de trois autres grévistes jeûnant depuis un mois, dont une a déjà été hospitalisée. Ils n’acceptent pas le prix exorbitant de leurs études, qui les obligent à recourir au prêt. « Cinq ans à étudier, quinze à rembourser  ! » scandent-ils.

Invitée sur les plateaux télé, une des porte-parole du mouvement, Camila Vallejo, estime que « tous les étudiants doivent avoir la garantie de l’accès au travail ». Cette militante communiste, étudiante en géographie, peut compter sur le soutien d’une génération entière, qui continue de se battre pour la justice sociale et la qualité de l’enseignement supérieur.

Maxime de Abreu

4) Au Chili comme ailleurs l’Education n’est pas à vendre ! Communiqué des Alternatifs

Depuis bientôt trois mois, étudiants, lycéens et enseignants manifestent dans les rues des principales villes du Chili pour exiger des moyens accrus pour l’Education publique, protester contre l’augmentation vertigineuse des frais d’inscription à l’Université et exiger que « le droit à l’éducation » soit inscrit dans la constitution chilienne. Ce pays est en effet le second pays au monde où étudier coûte le plus cher et pour poursuivre leurs études, les étudiants se voient dans l’obligation de s’endetter sur de très longues périodes pour le plus grand bénéfice des banques et organismes créanciers et certains cursus universitaires sont de fait réservés aux étudiants les plus riches.

Cette politique ultralibérale en matière éducative et qui se déploie de plus en plus à l’échelle internationale ( à travers par exemple le processus de Bologne et la stratégie de Lisbonne en Europe) s’inscrit au Chili dans un système hérité de la dictature de Pinochet qui n’a jamais été transformé au cours des vingt années de gouvernement des partis de la Concertación.

Les étudiants organisés à la base et soutenus par 80% de la population manifestent par centaines de milliers et doivent désormais faire face à l’interdiction de manifester et à une répression de plus en plus musclée (plusieurs centaines d’arrestations pour la seule manifestation du 4 août), seules réponses du gouvernement du président Piñera fraichement remanié . Gouvernement aux abois puisque de nombreuses luttes salariales se développent également contre la précarité et l’austérité et que les mineurs de cuivre soutiennent la proposition des étudiants de nationalisation des mines pour financer les indispensables réformes du système éducatif.

Les Alternatifs apportent tout leur soutien aux luttes des étudiant-e-s pour une éducation de qualité, publique, gratuite et ouverte à tous-tes et appuient l’appel international lancé par des personnalités en soutien aux 34 étudiants chiliens en grève de la faim depuis deux semaines. Ils dénoncent fermement la répression engagée par le gouvernement chilien et l’instauration d’un quasi-état de siège.

HALTE A LA REPRESSION ! Le gouvernement chilien doit entendre les revendications de la jeunesse et du peuple.

3) Les étudiants chiliens contre l’ultra libéralisme (Témoignage Chrétien)

Depuis le mois de mai, les étudiants chiliens défilent dans tout le pays contre un systéme universitaire lucratif et médiocre. Les manifestations rassemblent des centaines de milliers de personnes. Cette mobilisation sans précédent traduit un ras-le-bol plus général.

Ces jours-ci, à Santiago du Chili, ce ne sont pas les habituelles liesses de supporters qui animent l’Alameda, la rue principale. Tout aussi festifs, les étudiants défilent, entre marionnettes géantes de Pinochet – l’ex dictateur ou Sebastian Piñera – l’actuel président –, et fausses pleureuses, accompagnant le cortège de la défunte éducation. Autour du cou des manifestants, des pancartes annoncent des chiffres mirobolants : « Je dois 20,000,000 pesos (30 600 euros environ). Et toi ? ».

Depuis le mois de mai, les étudiants chiliens paradent pour réclamer une éducation publique, gratuite et de qualité. Si « en France, l’éducation s’achète collectivement et est considérée comme un bien social, qui doit être assumé par tous, au Chili, c’est aux individus de financer leurs études » explique Juan Pablo Pallamar, ancien président des Jeunes socialistes chiliens.

Car quel que soit leur statut, public ou privé, les universités sont toutes payantes. Et pour financer leurs études, les jeunes, ou leur famille, s’endettent.

Ces mobilisations ont été initiées par la génération des étudiants ayant fini leur cursus et qui doivent désormais rembourser leur prêt bancaire. Le problème, dénonce Juan Pablo, c’est qu’ « une fois payé le loyer et la nourriture, il ne reste rien ! Alors les indemnités de retard s’accumulent, c’est un cercle vicieux. »

L’ÉDUCATION, UNE MARCHANDISE

À la fin du secondaire, comme dans beaucoup d’autres pays, les jeunes Chiliens passent une épreuve déterminante pour la suite de leurs études et de leur budget. Du nombre de points obtenus à ce long QCM dépend l’université où ils iront. Et donc le nombre de zéros au montant de leur dette.

Les universités chiliennes sont classées en deux catégories. Celles qui ont obtenu le label « traditionnelles », datant de la dictature, et les autres, privées et autonomes, qui ne reçoivent pas de fonds de l’Etat et sont encore plus chères. C’est pourtant dans ces dernières que se dirigent les élèves aux résultats moyens, souvent issus de milieux défavorisés. Chaque mois de cours coûte entre 250 et 500 euros. Quand on sait que le revenu minimum est de 264 euros/mois au Chili, cela représente des sommes astronomiques.

D’autant que, selon les manifestants, ces frais contribueraient plus à alimenter les rendements des investisseurs qu’à améliorer la qualité des formations peu reconnues sur le marché international du travail. « Assez de profits ! » crient les étudiants chiliens.

Les gouvernements de centre gauche qui sont succédés depuis la restauration de la démocratie n’ont jamais nationalisé l’éducation. Ils ont seulement rendu disponibles à tous les outils d’endettement.

Les familles, qui financent 80% des frais de scolarité, peuvent désormais recourir à un crédit garanti par l’État, avec un taux d’intérêt de 5,8 %. Felipe, dont la famille ne peut payer les 5400 euros annuels pour sa formation de vétérinaire, en a bénéficié au nom des critères économiques requis. Pour les autres, les banques et les universités proposent une variété de prêts sur 10 à 20 ans et avec des taux d’intérêts encore plus élevés.

UN CONTEXTE EXPLOSIF

Ce n’est pas la première fois que les « pingouins », étudiants du secondaire reconnaissables à leur uniforme, se révoltent. En 2006, ils avaient déjà fortement ébranlé le gouvernement de Michelle Bachelet. Depuis cette date, ces mouvements suscitent une vraie solidarité de la part de la société chilienne.

Mais ce qu’il se passe en ce moment n’a pas de précédent. Ces manifestations de 100 000 personnes dans la capitale, 500 000 dans le pays, doivent être rapportées aux quelques 16 millions de Chiliens qui peuplent le territoire. Juan Pablo Pallamar se souvient : « Il y a quelques années, quand on rassemblait 10 000 personnes, c’était la révolution ! »

Si ce sont les étudiants, du collège à l’université, ainsi que les parents et les professeurs qui défilent, l’opinion publique est majoritairement derrière eux. Aujourd’hui, 81,9% des Chiliens soutiennent leurs revendications. Jusqu’à la Conférence épiscopale chilienne qui, dans un communiqué du 23 juin, appelait le gouvernement à écouter le « mal être de la société » et les « justes demandes » du peuple.

Le contexte est par ailleurs explosif, malgré une croissance forte. Les derniers mois ont été marqués par un ensemble de polémiques, notamment contre le projet « Hydroaysen » de barrages hydroélectriques en Patagonie.

Sebastian Piñera, qui s’était fait fort de son image de sauveur lors de l’accident des 33 mineurs, recueille désormais 60% d’opinion défavorable et fait face à une véritable crise politique. Ses tentatives pour désamorcer la question étudiante – négociations, promesses a minima et vacances avancées – n’ont fait qu’altérer sa crédibilité.

UN VIRAGE IDÉOLOGIQUE

Au delà de la popularité du gouvernement Piñera, c’est le consensus social hérité du renversement de la dictature qui est ébranlé. Pour Juan Pablo Pallamar, ce mouvement qui trouve son origine dans l’éducation est d’ailleurs « surtout idéologique ». Le système scolaire est critiqué parce qu’il s’agit d’une éducation de marché qui reproduit les fortes inégalités au sein de la population chilienne. Ces manifestations traduiraient donc un choix de société : le refus du tout libéral tel qu’il a été porté au Chili depuis Pinochet.

Rodrigo enseigne l’espagnol et espère « que le Chili est enfin en train de changer de cap », renonçant aux « fondements néolibéraux hérités de la dictature et qui n’ont pas été abandonnés pendant toutes ces années de supposée démocratie. » Professeur, il dit marcher ces jours-ci avec le sourire aux lèvres dans Santiago et regarder avec espoir et admiration l’avenir des nouvelles générations. « Chaque jour je crois un peu plus que ma fille pourra vivre dans un pays meilleur ».

Par Alice Lemaire 13 juillet 2011

2) Communiqué du Parti socialiste français sur le Chili

La jeunesse étudiante chilienne exige depuis dix semaines la démocratisation du système universitaire élitiste hérité de la dictature. Aucune réponse autre que policière n’a été donnée jusqu’ici par les autorités. Le climat inédit de répression que connaît le Chili depuis deux mois et demi interpelle les amis de ce pays et de son peuple.

Le Parti socialiste rappelle que l’éducation n’est pas un bien de consommation, mais un droit universel. Il comprend et soutient les revendications exprimées par les étudiants chiliens. Il appelle le président Piñera et sa majorité à ouvrir sans délai un dialogue avec leurs organisations représentatives et à suspendre les mesures répressives rappelant une époque tragique de l’histoire chilienne que l’on pensait dépassée.

Communiqué de Jean-Christophe CAMBADÉLIS

Secrétaire national à l’Europe et aux relations internationales

Parti socialiste Français

1) Solidarité avec le mouvement étudiant chilien ! (par France Amérique latine

www.franceameriquelatine.org

Depuis plusieurs mois, un mouvement étudiant d’ampleur historique depuis la fin de la dictature se développe au Chili. Une nouvelle génération de citoyennes et citoyens se mobilise pour exiger des universités publiques et gratuites, tout en questionnant un système éducatif marchandisé et municipalisé, héritage laissé par le régime militaire du Général Pinochet, et jamais remis en cause depuis par les gouvernements élus.

Ce sont des dizaines de milliers d’étudiants universitaires et du secondaire qui sont en mouvement autour du mot d’ordre « l’éducation est un droit, pas un commerce ! », alors que le gouvernement de Sebastián Piñera refuse d’entendre leurs revendications. 34 élèves du secondaire sont même en grève de la faim depuis deux semaines. Ces derniers jours, Mr Piñera -au plus bas dans les sondages- a choisi la fuite en avant, avec pour seule réponse la criminalisation du mouvement social et la répression massive. Les manifestations des organisations syndicales étudiantes et d’enseignants ont même été interdites par le ministre de l’intérieur à Santiago et plus de 500 personnes arrêtées, le 4 aout dernier.

France Amérique Latine dénonce fermement cette répression, exige la libération des détenus et soutient les revendications étudiantes en faveur d’une profonde réforme démocratique du système éducatif chilien.

Paris, 8 août 2011.

France Amérique Latine


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