Faut-il fermer les Bourses ? On peut tout à fait s’en passer

mercredi 31 août 2011.
 

Le Soir : Faut-il fermer les Bourses ?

Eric Toussaint : On peut tout à fait s’en passer. On irait mieux sans les Bourses telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui. Leur fonction initiale consistait à permettre à des entrepreneurs de collecter des capitaux pour renforcer leur entreprise. Or, on se rend compte depuis vingt ans que ce n’est plus le cas. Elles sont devenues le lieu de grandes spéculations organisées par les zinzins, le jargon du milieu pour dénommer les investisseurs institutionnels que sont les grandes banques, les assurances, les fonds de pensions. S’ajoutent à eux les fonds spéculatifs appelés en anglais les « hedge funds ».

Le Soir : Les Bourses se seraient déconnectées de la réalité économique ?

Eric Toussaint : Ce n’est pas qu’elles se sont déconnectées, c’est que la motivation des zinzins et des hedge funds, c’est de faire un maximum de bénéfices en faisant des opérations largement spéculatives. Leur seul souci, c’est de calculer le bon moment où ils entrent en Bourse et le bon moment où ils sortent. S’ils achètent des actions, ce n’est pas pour essayer d’entrer au conseil d’administration ou influer sur l’avenir de l’entreprise. Ces achats et ventes peuvent se faire sur quelques heures ou minutes.

Le Soir : Les défenseurs de la Bourse disent qu’il s’agit d’un indicateur important de l’état de l’économie réelle…

Eric Toussaint : Le discours passe-partout consiste à dire que la Bourse est le thermomètre, que l’on ne doit pas le casser. Je sais que ce sont des personnes très sérieuses qui le disent, mais elles se moquent du monde. La Bourse n’est pas le lieu où on mesure réellement la valeur du pétrole, d’une monnaie, des grains ou d’une entreprise. C’est faux de le dire. C’est une image d’un simplisme ahurissant et un discours idéologique pour justifier des instruments de spéculation. Il faut être clair sur un autre aspect : ce ne sont pas les petits porteurs qui font la hausse ou la baisse des Bourses, ils interviennent pour un ou deux pour cent des opérations. Ce sont les zinzins, ainsi que les hedge funds et cela se passe notamment par des programmes d’ordinateur programmés pour réagir à tel ou tel paramètre. C’est comme un pilotage automatique d’avion qui ne voudrait pas rendre les commandes de l’appareil au pilote au risque que celui-ci s’écrase.

Il a fallu attendre cette énième crise pour que la Belgique se décide à suspendre enfin les ventes à découvert. Or, c’est quasiment le summum de l’opération spéculative. Et il ne faut pas oublier que quand on parle de pertes équivalentes à des centaines de milliards en Europe ces derniers temps, ce n’est que le solde. Il y a des opérateurs qui se sont enrichis pendant cette même période.

Le Soir : Ne pourrait-on pas plutôt revenir à la vocation initiale des Bourses ?

Eric Toussaint : Mais il y a de grandes entreprises privées qui ne cherchent pas à être cotées en Bourses et cela fonctionne très bien. On pourrait bien sûr réglementer les Bourses. Mais cela impliquerait d’interdire toutes les opérations spéculatives, y compris celles qui s’attaquent désormais, sur d’autres places financières également, aux matières premières et aux dettes des Etats. Sur le marché des devises, 98 % des opérations sont purement spéculatives !

Entretien avec Eric Toussaint, Président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde


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