DSK pénalement blanchi Nafissatou noircie

vendredi 2 septembre 2011.
 

1) Affaire DSK : vigilance anti-sexiste plus que nécessaire (Delphine Beauvois pour le PG

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2) Pas de procès dans l’affaire DSK-Diallo : "mauvaise nouvelle !" (Marie-George Buffet)

Le refus de faire juger l’affaire dans laquelle l’ancien directeur du FMI est accusé de viol est une mauvaise nouvelle pour la justice et une mauvaise nouvelle aussi pour les femmes . Car à ce jour la vérité n’est pas dite, ni pour le présumé innocent ni pour la présumée victime. La décision du procureur fait courir de grands risques au droit des femmes en revenant au temps où les victimes de viols étaient à priori coupables, au temps où le viol n’était pas considéré comme un crime. Rappelons nous qu’en France le jugement de ces faits par une cour d’Assises n’est pas si vieux que cela ! La vigilance s’impose pour que le refus de faire passer la justice aux USA ne donne pas des ailes en France aux pourfendeurs d’une justice implacable envers les violences- sexuelles ou non - à l’encontre des femmes .

Marie-George Buffet

3) Le traitement de l’affaire DSK entretient la confusion des esprits (Osez le féminisme)

Nous assistons depuis quelques jours à une effervescence médiatique sans précédent autour de l’inculpation pour agression sexuelle et tentative de viol de Dominique Strauss-Kahn. Dans ce contexte, Osez le féminisme s’inquiète du traitement de cette affaire et de plusieurs prises de parole publiques qui entretiennent de nombreuses idées reçues autour des violences faites aux femmes. Dominique Strauss-Kahn est présumé innocent : rappeler ce fait et attendre les conclusions de la justice américaine devrait suffire. Manifestement, non.

- Il est très peu fait état de la présumée victime dans les différents sujets. Certes, les informations la concernant sont très parcellaires. Condamner sans savoir est grave : cela remet en cause le principe fondamental de la présomption d’innocence. Mais jeter le soupçon sur les propos de la plaignante est également grave et dangereux. Grave car c’est ajouter à la souffrance de cette femme. Dangereux car c’est un signal clair aux victimes présentes et futures qu’il est risqué porter plainte.

- Le déferlement de blagues sexistes auquel on assiste, parfois sous forme de palmarès, montre à quel point les violences faites aux femmes sont encore minorées dans l’imaginaire collectif. On assiste à une confusion grave entre liberté sexuelle et violences sexuelles. Les faits dénoncés, s’ils étaient avérés, ne relèveraient ni d’une "affaire de mœurs" ni d’un problème de libido envahissante. Ils constitueraient un crime.

- Enfin, certaines réactions publiques relayées dans les médias révèlent une méconnaissance totale du viol comme phénomène de société. Évoquer le jugement porté par certains sur le physique de la jeune femme ou parler de « profil du violeur », contribue à entretenir de nombreuses idées reçues encore tenaces dans notre société. Rappelons que le viol concerne toutes les catégories sociales. Il n’est pas réservé à un certain profil d’hommes et ne concerne pas seulement des femmes au physique très attrayant. Les femmes qui sont victimes de viols et tentatives de viols ont un seul point commun : être femmes et, en tant que telles, être considérées comme des objets.

Osez le féminisme rappelle que chaque année en France, 75 000 femmes sont victimes de viol. Seules 10% d’entre elles portent plainte. Nombreuses sont celles qui sont astreintes au silence par une chape de plomb, celle du tabou et de la culpabilité qu’on fait peser sur elles. Nombreuses sont celles qui font les frais d’idées reçues largement propagées, dont la plus commune est qu’elles l’auraient bien cherché.

Cela peut changer. Cela doit changer !

4) Communiqué du NPA. Une atteinte au combat contre les violences sexuelles subies par les femmes

La décision du juge d’entériner la proposition du procureur Cyrus Vance d’abandonner tous les chefs d’inculpation contre D. Strauss-Kahn est un coup très dur contre le droit des femmes victimes de violences sexuelles, de viols. Il n’y aura donc pas de procès au pénal, pas de débat contradictoire et nul ne saura ce qui s’est passé dans la chambre du Sofitel.

Depuis plusieurs semaines, il y a un procès en suspiscion mené, de différents côtés, contre Nafissatou Diallo en s’appuyant sur son passé. C’est cette entreprise de décrédibilisation sur laquelle s’appuie la décision du juge. Le NPA dénonce cet état d’esprit qui consiste à insinuer qu’il y aurait des victimes respectables et d’autres non. Une agression sexuelle, un viol restent un crime, quelque soit le passé de celle ou celui qui subit ces agissements.

La satisfaction affichée par les amis de D. Strauss-Kahn est à la fois affligeante et écoeurante. Pas un mot pour la victime présumée, l’ordre est rétabli, place à la campagne !

Le NPA continuera à mener inlassablement le combat aux côtés de celles et ceux qui mènent bataille contre les violences sexuelles, pour la reconnaissance du viol comme un crime.

Le 24 août 2011

5) DSK blanchi : "Une parodie de justice !" (article Mediapart)

Mardi 23 août 2011, le juge de la Cour suprême de New-York, Michael Obus, a entériné la recommandation du procureur de Manhattan, Cyrus Vance. L’ancien patron du Fonds monétaire international (FMI) est désormais libre, les accusations d’agression sexuelle ayant été abandonnées. Chronique d’une fin annoncée, celle d’un feuilleton judiciaire qui aura fait couler beaucoup d’encre, ici comme au États-Unis. Or DSK aurait-il connu le même sort si l’affaire avait été jugée en France ?. Éléments de réponse avec Arnaud Brultet, bâtonnier de l’ordre des avocats de Dijon...

Retour sur 100 jours de procédure

Les images ont fait le tour du monde. Elles montrent un homme aux traits tirés, mal rasé, se présentant devant la justice américaine. La veille au soir, le 15 mai 2011, il était arrêté par la police de New-York, accusé d’agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration sur Nafissatou Diallo, une femme de chambre de l’hôtel Sofitel où il résidait. L’annonce fait l’effet d’une bombe en France. Car cet homme n’est autre que Dominique Strauss-Kahn (DSK), le favori des sondages pour les primaires du Parti socialiste, qui doivent permettre de désigner un candidat pour la Présidentielle de 2012. Cible de sept chefs d’accusation et encourant une peine de quinze à soixante-quinze ans de prison, DSK s’entoure de deux ténors du barreau : Benjamin Brafman et William Taylor. En attendant le verdict, il reçoit son matricule pour passer quatre nuits dans la prison de Rikers Island, sans doute l’une des plus sordides des États-Unis. L’inculpant officiellement, le juge de la Cour suprême de New-York, Michael Obus, le soumet à une assignation à résidence et réclame une caution de cinq millions de dollars.

L’ex-futur présidentiable se voit donc contraint de rester confiné dans son appartement avec bracelet électronique au pied et sous surveillance d’un gardien 24h sur 24. Pourtant, le vent commence à tourner le 30 juin 2011, quand le journal The New-York Times affirme que les accusations portées contre DSK sont sur le point de s’effondrer. En effet, Nafissatou Diallo aurait avoué au procureur avoir menti sur sa vie et sur les conditions de l’agression, le tout sous serment. Si les charges ne sont pas abandonnées, l’ancien patron du FMI retrouve tout de même sa liberté. Le 08 août, la plaignante porte l’affaire devant le tribunal du Bronx pour obtenir des dommages et intérêts. Débute alors une nouvelle affaire... qui prend fin mardi 23 août 2011, un non-lieu étant déclaré. DSK se verra remettre son passeport sous trente jours.

Un système accusatoire

En sortant libre du tribunal, DSK - qui n’a pas dit un mot depuis quatre mois - a souhaité remercier via un communiqué ceux qui l’on soutenu pendant "ce cauchemar", et en particulier "sa femme et sa famille qui ont traversé les épreuves avec lui" . En outre, il a ajouté vouloir "retrouver une vie normale" et avoir hâte de rentrer en France. Pour la petite histoire, son avocat Benjamin Brafman avait opté pour une veste bleue, une chemise blanche et une cravate rouge - un clin d’œil à la France, dont le système judiciaire "n’est pas si mauvais que ça", selon Arnaud Brultet, bâtonnier de l’ordre des avocats du Barreau de Dijon. "En France, la décision de classement des poursuites aurait été susceptible d’appel. Ce qui est singulier dans un pays comme les États-Unis, c’est que les décisions d’abandon de poursuites ne sont pas susceptibles d’une voie de recours. De fait, l’une des parties au procès n’est pas en mesure de faire valoir ses arguments devant une autre juridiction".

Dans le système français, dit inquisitoire, le juge participe à la recherche des éléments à charge et à décharge. À l’inverse, aux États-Unis, le procureur de Manhattan, en l’occurrence Cyrus Vance, cherche les éléments à charge contre l’accusé et les avocats de la défense doivent trouver les éléments à décharge. "Le système américain est donc accusatoire, poursuit Arnaud Brultet. De plus, alors qu’en France, une loi interdit de montrer de façon photographique ou télévisuelle un présumé innocent, nous avons un présumé coupable aux États-Unis, menotté entre deux policiers". En France, il est impossible de donner à la vindicte populaire une personne soupçonnée tant qu’elle n’est pas condamnée.

"Une parodie de justice !"

Selon le bâtonnier dijonnais, la presse américaine a joué un grand rôle dans la conduite de l’instruction, jusqu’à biaiser le procès : "Je pense que pour juger sereinement, il faut juger tranquillement, c’est-à-dire qu’il faut éviter les déclarations de toutes sortes dans les journaux. C’est de la mauvaise justice". Le 25 juillet, pour la première fois, la plaignante, Nafissatou Diallo, passe à l’offensive médiatique à travers le magazine Newsweek et la chaine de télévision ABC. Une sortie qui déplait sans doute à Cyrus Vance, qui convoque la femme de chambre et son avocat le 27 juillet dans son bureau. Le lendemain, une conférence de presse est organisée dans une église de la communauté afro-américaine de Brooklyn. "Quand on voit cette femme, mise sur un champ de foire alors qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, répéter ce que son avocat lui a dit, je suis choqué d’un point de vue personnel !", ajoute Arnaud Brultet.

En France, si le procureur classait sans suite, l’avocat de la plaignante aurait pu saisir un juge d’instruction qui aurait recommencé l’instruction du dossier. La décision du non-lieu pouvait elle aussi déboucher sur un appel. "Je ne connais pas le dossier mais Nafissatou Diallo aurait pu faire valoir son argumentation devant un autre juge, un juge d’instruction et une autre juridiction, une cour d’appel. Le présumé innocent se trouve innocenté de fait." De plus, dans la culture américaine, le serment est un des points majeurs de l’audience. Ainsi, dans une première version, la femme de chambre avait dit s’être enfuie en courant le hall du 28ème étage de l’hôtel. Dans une seconde version, elle affirmait s’être rendue dans une autre chambre, histoire de finir son travail. Dans la troisième version enfin, elle expliquait s’être rendue brièvement dans une chambre pour récupérer des affaires. "En France, un mensonge aurait fragilisé la victime mais aurait été compensé par les éléments matériels de l’enquête." DSK aurait alors encouru quinze ans d’emprisonnement pour le viol tandis que les Américains cumulent les infractions.

"C’est une parodie de justice, conclut Arnaud Brultet. Ça ne se serait jamais produit en France ! Et si ceci avait été le cas, l’affaire aurait fait l’objet d’un examen par d’autres juges. Pour les Occidentaux, le traitement de cette affaire incompréhensible car le droit européen reconnait à toutes personnes le droit de porter l’affaire en appel." La procédure française aurait ainsi fait appel à une cour d’assises avec trois magistrats et neuf jurés populaires...

6) Affaire DSK : femmes en colère à New York (Le Monde)

Une vingtaine de femmes sont venues devant le tribunal, au 100 Center Street, pour faire entendre leur désapprobation. Danette Chavis avait apporté sa pancarte fait maison :

« Et l’’ADN, ça ne sert à rien ? »

Les manifestantes étaient des responsables d’associations contre la violence sexuelle ou les injustices faites aux femmes. Il y avait aussi une élue de New York et une représentante de NOW (National Organization for Women), la grande organisation féministe qui a lancé une campagne sur le thème « Take Rape Seriously » (« Prendre le viol au sérieux »).

Les femmes pensent qu’en classant l’affaire, le procureur Cyrus Vance prend une décision qui a plus de conséquences qu’il n’y parait pour les New Yorkaises.

Décrédibiliser la plainte de Nafissatou Diallo, au motif qu’elle a sous-évalué ses revenus pour conserver son logement social ou qu’elle a donné des versions différentes de ce qu’elle a fait tout de suite après avoir été (selon elle) agressée, est « injuste », a dit Leticia James, membre du conseil municipal.

« Is there such a thing as a perfect rape victim » ? a-t-elle demandé (« ça existe, une victime parfaite de viol ? »)

Va-t-il falloir que les immigrées pauvres s’assurent que leurs déclarations d’impôts sont établies dans les règles de l’art pour obtenir justice quand elles seront agressées ? a demandé Leticia James.

Les femmes ont expliqué que tout ce qui est arrivé à Nafissatou Diallo est assez classique : « tir à vue » sur son passé, son statut, sa réputation, ses fréquentations..

Pour elles, il n’est pas surprenant qu’une victime fasse des déclarations contradictoires : elle est en état de choc. (à cet égard, la lecture de la motion du bureau du procureur montre ce qui s’apparente à un décalage culturel profond : les enquêteurs relèvent que Nafissatou Diallo pleure avec effusions un jour et le lendemain accueille la même question avec impassibilité)

Pour Sonia Ossorio, la directrice excéutive de NOW, moins la moitié des viols font l’objet de plaintes. Et 6 % seulement des violeurs finissent par faire de la prison. L’affaire DSK/Nafissatou risque encore de décourager les victimes, a-t-elle dit (en blâmant aussi l’avocat Kenneth Thompson pour des erreurs grossières dans la gestion du dossier).

Catherine Coswell, de l’Alliance nationale contre les agressions sexuelles, a dit que les fausses accusations de viol sont rares : de 2 à 8 % de toutes les accusations, selon l’Institut de recherche des procureurs américains.

Et Andrea Plaid de l’association Sister Song a lancé une pétition pour protester contre le traitement par le New York Post, non pas de DSK le « perv », mais de Nafissatou, que le quotidien avait accusée de faire le trottoir.

La militante a appelé à des excuses publiques du quotidien du groupe Murdoch.

Les journalistes américains ont écouté avec beaucoup de sérieux. Il n’y avait pas un journaliste français à l’horizon. On ne saurait mieux illustrer le décalage des préoccupations...

Corine Lesnes, correspondante du Monde à Washington

LESNES Corine

* Blog de Corine Lesnes, 23 août 2011. http://clesnes.blog.lemonde.fr/


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