C’est maintenant que cela se joue (PRS)

mardi 4 avril 2006.
 

Il ne doit pas y avoir d’un côté la mobilisation contre le CPE et de l’autre les stratégies présidentielles pour 2007. C’est une seule et même question. Le peuple de France saura-t-il arrêter l’offensive de ces néolibéraux déterminés à passer outre la volonté populaire ?

Quelle folle semaine ! Des événements considérables et inédits se bousculent au point qu’il devient difficile de faire à chacun d’eux la place qu’ils méritent. Je pense par exemple au Congrès du Parti Communiste Français auquel j’ai participé avec une délégation nombreuse de PRS, comportant notamment Jean-Luc Mélenchon et plusieurs responsables de comités départementaux de l’association. Je ne développerai pas ici le plaisir et l’intérêt vécus par tous ceux qui participaient pour la première fois à un Congrès communiste, ni tout ce que le choc des cultures provoque de marches en avant et de retours sur soi-même. Cela compte quand même ! Disons en résumé à l’attention de nos lecteurs socialistes que le Congrès du PCF a ceci de différent avec ce qu’ils connaissent que son issue n’est pas écrite avant même qu’il ait commencé. Des convictions s’y forgent, délégué par délégué, et des décisions s’y prennent depuis l’orientation du Parti jusqu’à la composition de sa direction. On y écoute chacun pendant des heures : le barrissement des éléphants n’a pas tout dispersé sur son passage.

Je voudrais insister en revanche sur l’orientation adoptée par les communistes. Le PCF s’est engagé sur un chemin de crête qui se trouve immédiatement élargi par leur renfort. L’objectif du PCF n’est pas -je reprends les mots de Marie-George Buffet- de « peser à gauche » en 2007, mais de « jouer la gagne » et de construire une nouvelle Union populaire sur la base de la contestation du libéralisme qui s’exprime régulièrement dans le pays, depuis le mouvement contre le CPE jusqu’au référendum du 29 mai dernier. La secrétaire nationale du PCF a longuement plaidé en faveur des conditions politiques que cela implique : l’intervention populaire, un programme commun constitué de propositions alternatives « claires, audacieuses et crédibles », une volonté majoritaire inébranlable, le refus de figer le paysage politique entre une « bonne » et une « mauvaise » gauche. La convergence de vue entre la direction du PCF et les animateurs de PRS est donc totale.

Puis les communistes ont posé un acte. Ils ont réservé leur décision sur la présentation d’un candidat à l’élection présidentielle au mois d’octobre prochain, afin de se donner d’ici-là tous les moyens de mettre en œuvre une stratégie de large rassemblement à gauche. Ce faisant, ils interpellent toute la gauche. Et invitent chacun à exposer sa propre stratégie pour 2007.

C’est là qu’il faut dire un mot de l’extraordinaire lame de fond qui a déferlé sur la France le 28 mars dernier. Le niveau de mobilisation atteint par les manifestations contre le CPE dépasse tout ce que la France a connu depuis la Seconde Guerre Mondiale. Le sentiment qu’il reste des réserves frappe d’autant plus. Le mouvement a été sans cesse ascendant, comme si le pouvoir, qui a tout essayé, n’avait aucune prise. Même la stratégie du pourrissement a été pour l’heure déjouée grâce à la détermination et la maturité des manifestants qui savent ce que valent les appels au respect du cadre républicain lorsqu’ils viennent d’un pouvoir qui viole continuellement et délibérément la volonté populaire. Il y avait dans ces foules immenses du 28 mars un fond d’insurrection civique, l’assurance de ceux qui savent qu’ils sont la majorité face à un gouvernement illégitime et la froide détermination qui accompagne cette certitude.

L’état d’urgence politique franchit donc un nouveau palier. Le pouvoir dépassé confie son sort à l’issue imprévisible d’une confrontation sans cesse plus brutale. A l’heure où ces lignes sont écrites, les commentateurs spéculent sur la décision imminente du Conseil constitutionnel, comme si nous étions soudain dotés d’un comité de « sages derrière le rideau » chargés de résoudre les problèmes politiques du pays par la magie d’une décision juridique prise hors tout contrôle populaire.

Depuis 2002, les craquements du système se répètent de manière de plus en plus rapprochée. La France connaît des tensions inouïes. Un fossé béant entre le peuple et les élites de toutes sortes menace l’édifice bâti par ces dernières. On n’y répondra que par une adhésion populaire renouvelée à un projet commun qui ne peut être ni celui de l’accompagnement navré de la mondialisation libérale, ni celui de se jeter dans les bras du gagnant d’un concours dépolitisé de sourires et de poignées de main devenu « le temps fort » de la vie politique sous la Cinquième République. C’est l’heure de la politique, des idées et de l’action. Nous vivons un de ces moments de l’histoire de France où tout devient possible, le meilleur comme le pire. Mais cette fois nous avons la main. Le peuple impose son rythme. Le tigre n’est que blessé : il faut garder l’initiative jusqu’à la défaite complète de l’adversaire. Le PCF a donc raison de dire que 2007 se joue maintenant, dans le prolongement du mouvement populaire. Confier le sort du pays au calendrier institutionnel, à un système de partis dépassé et aux instituts de sondage serait rêver de châteaux en Espagne.

( Article paru dans A Gauche du 30 mars 1006)


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