Crise mondiale : "en finir avec un système qui engendre crise sociale, crise écologique et crises économiques" (Dominique Taddei, économiste)

mercredi 26 octobre 2011.
 

En dégradant la notation de crédit des États-Unis, c’est un véritable séisme que l’agence de notation américaine Standard’s and Poors a provoqué au cœur de l’été. Une nouvelle phase de la crise financière de 2007, suite à l’explosion de la bulle immobilière des subprimes américaines, s’est ainsi ouverte, posant de redoutables questions pour l’avenir. Crise des dettes souveraines, explosion de la dette publique américaine et incapacité des gouverne-ments occidentaux à assurer la réduction des déficits publics en même temps que la relance des économies se conjuguent désormais, dans un contexte international marqué par la montée en puissance des contradictions géo-politiques, pour déchaîner la spéculation sur les marchés financiers. Ces derniers ont parfaitement saisi l’impasse dans laquelle se sont enfermés les gouvernements européens, l’Allemagne de Mme Merkel et la France de M. Sarkozy en tête, en prétendant réduire les déficits sans remettre en cause les bases mêmes du « capitalisme d’endettement », caractéristique majeure du néolibéralisme des trois dernières décennies.

Face à la gravité de la situation, c’est une rupture systémique qui s’impose pour l’économiste altermondialiste Dominique Taddei. L’ex fondateur du Conseil d’analyse économique (et ancien président de la Caisse des dépôts et de consignation) avance plusieurs propositions pour en finir avec un système économique qui engendre crise sociale, crise écologique et crises économiques à répétition, avec le risque d’affrontements géopolitiques majeurs. Entretien.

Basta ! : Le krach boursier de ce mois d’août 2011 a fait mentir tous ceux qui assuraient que la crise de 2008 était désormais derrière nous. Comment analysez-vous cette situation ?

Dominique Taddei : Quatre ans après la crise de subprime, nous entrons dans une deuxième phase d’aggravation de la crise. Celle-ci est systémique et globale, comme le dit si bien Gus Massiah [1]. L’expérience aidant, les puis-sances de ce monde ont su éviter, avec la crise de 2008, la dimension dramatique de 1929. Si l’on veut faire un autre parallèle historique, nous sommes en 1933 ! À moins que nous ne soyons quelques années avant 1914, dans la mesure où une dimension essentielle de la crise actuelle est de nature géopolitique avec la montée des contradictions entre l’impérialisme déclinant des États-Unis et des impérialismes émergents, chinois et autres pays asiatiques… Il faut comprendre que les financiers vivent aujourd’hui de la peur qu’ils suscitent. Leur pseudo affo-lement oscille entre le montant des dettes publiques et la rechute de l’activité économique. La stagnation actuelle de l’activité économique, qu’on la qualifie ou non de récession, est en fait beaucoup plus gravement une dépres-sion de long terme, d’une ampleur intermédiaire entre la dépression japonaise qui sévit depuis 20 ans et la grande dépression mondiale des années 30. Paul Krugman (économiste états-unien, prix Nobel de l’économie en 2008, ndlr) l’a bien démontré. Il n’y a évidemment aucune solution de type néolibéral au dilemme dans lequel on se trouve face à ce double péril.

Les mesures prises aujourd’hui, notamment la réduction des dépenses publiques, ne serviraient donc à rien ?

Si on réduit de façon significative les déficits publics dans tous les pays en même temps, la rechute de l’activité internationale sera immédiate et brutale. C’est particulièrement vrai si on choisit, comme la plupart des gouvernements de droite, de réduire les dépenses publiques plutôt que d’augmenter les impôts. Même sous la forme hypocrite de réduction des niches fiscales, à la manière de Sarkozy, on réduit plus la demande globale que si on surtaxait fortement les grandes fortunes et les hauts revenus. Leur propension à consommer étant quasi nulle, on amputerait seulement une épargne dont ils ne savent même plus eux-mêmes quoi faire : les tribulations de la famille Bettencourt en fournissent un exemple caricatural... L’urgence d’un accroissement de la fiscalité sur les plus riches doit être au centre de la campagne et des débats publics. Quitte à prendre la forme proposée par Martine Aubry « sur 2 euros récupérés, 1 sert à répondre aux urgences sociales et l’autre à réduire l’endettement ». Quant aux mesures Fillon-Sarkozy de fin août, leur côté entourloupe est évident : on prétend leur reprendre 2% des cadeaux qu’on leur a fait précédemment et encore au mois de juin par l’allègement de l’impôt sur la fortune ! Ceci étant, il faut s’enfoncer dans la brèche : puisqu’il existe désormais un consensus pour faire payer les riches, c’est environ 100 milliards par an qu’il faut prélever.

Peut-on vraiment se contenter d’accroître la fiscalité seulement sur les plus riches ?

Il faut bien voir que le niveau des inégalités de patrimoine et de revenu, comme l’a démontré Thomas Piketty, est revenu à peu près à celui de 1913. C’est-à-dire que tous les amendements sociaux au capitalisme archéo-libéral qui avaient été menés pendant 60 ans, de la fin de la guerre de 14 aux années 70, ont été entièrement reperdus en une vingtaine d’années ! Par exemple, il n’y aura plus de difficultés de finance publique en France si on abroge d’un coup l’ensemble des allégements fiscaux mis en place depuis 2002, et même 2000 si Laurent Fabius veut bien s’en souvenir… Ou si on préfère l’exemple étranger, Roosevelt n’avait pas hésité à instaurer une tranche d’impôt sur le revenu à 90% vers la fin de la seconde guerre mondiale. Si une telle mesure était alors salutaire, j’aimerais mieux qu’on la prenne avant qu’une guerre se déclenche, plutôt que pour y mettre fin ! Pour les entreprises, il est légitime de surtaxer les profits qui ne sont pas consacrés à des investissements productifs, une partie de la recette servant à alléger l’impôt sur les sociétés de celles qui le font : ce serait un facteur de relance, tendant d’ailleurs à diviser le patronat…

Lire la suite en cliquant sur l’adresse URL portée en source


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message