Brésil. Des chants d’exil contre les années de plomb

mercredi 5 octobre 2011.
 

Les stars Caetano Veloso et Gilberto Gil narrent leur résistance à la dictature, oubliée par nombre de jeunes Brésiliens. Indispensable.

En ce dernier jour du festival Mimo 2011, c’est avec du soleil dans les yeux que le musicien, chef d’orchestre et arrangeur Jards Macalé sort de la projection d’Exile Songs (de Geneton Moraes Neto), à laquelle près de 2 000 spectateurs ont assisté, malgré la pluie. « Je suis soulagé, confie-t-il, j’ai vu plein de jeunes, je souhaite qu’ils reprennent le flambeau de la mémoire. » La veille, il avait retenu ses larmes en dressant un constat  : « Le voile de l’oubli s’est abattu sur les années de plomb brésiliennes. La jeunesse actuelle a déjà beaucoup à faire avec les problèmes de son temps, mais je garde espoir que ce documentaire l’interpelle, malgré la dépolitisation que l’on observe. »

À partir des témoignages, entre autres, de Caetano Veloso, Gilberto Gil, Jorge Mautner et Jards Macalé, Exile Songs (Chants d’exil) braque les feux sur le coup d’État de 1964, la dictature et, en particulier, la répression contre les artistes. Fin 1968, la junte promulgue le 5e Acte institutionnel, ou A1-5, déclarant illégale toute opposition politique. « C’est la stupeur, se souvient Jards Macalé. L’A1-5 est alors un tremplin pour les arrestations, disparitions, meurtres… Le Congrès est fermé, la presse muselée, l’opposition censurée. » Figures de proue du tropicalisme, mouvement culturel contestataire qu’ils ont initié en 1967, les chanteurs Caetano Veloso et Gilberto Gil sont enlevés de l’appartement de Sao Paulo où ils se trouvaient et sont incarcérés à Rio. Dans le film, pour la première fois, ils racontent comment ont été rasés leurs cheveux longs, qui, pour le pouvoir, exprimaient un acte de provocation. « Il fallait un grand courage à tous les opposants, poursuit Jards. Il régnait un terrorisme d’extrême droite. On ne savait de quoi allait être fait le lendemain. Allait-on se retrouver en taule  ? Sous la torture  ? Allait-on disparaître, en laissant les siens dans l’angoisse  ? »

Puis, la dictature plaça Veloso et Gil en résidence surveillée durant cinq mois. Constatant le redoublement de leur popularité, elle voulut les neutraliser en les expulsant de leur propre pays en 1969, avec interdiction d’y revenir sans autorisation. Veloso appela Jards Macalé – qui n’avait pas été arrêté – à le rejoindre à Londres, où les tropicalistes utilisaient l’art et les concerts comme une tribune de la résistance. Après le récent triomphe d’Exile Songs, Macalé conclut  : « Que de chemin parcouru  ! Mais il reste tant à faire. Les livres scolaires abordent trop timidement cette période. Avec la projection d’Exile Songs, libre d’accès comme tous les autres spectacles, le festival Mimo apporte sa pierre dans la transmission de l’histoire de notre démocratie, gagnée au prix de la mort et des larmes. »

Le prochain Mimo aura lieu 
du 3 au 9 septembre 2012.

Fara C. dans L’Humanité


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