Les Primaires du PS au regard de l’exigence d’un renouveau démocratique à gauche (Gauche Unitaire)

jeudi 20 octobre 2011.
 

Les Primaires organisées par le Parti Socialiste les 9 et 16 octobre pour désigner le candidat commun du PS et des Radicaux de Gauche à l’élection présidentielle constituent un exercice politique inédit. Gauche Unitaire, qui est partie prenante du Front de Gauche et soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon, n’est pas concernée par ce vote des Primaires. Mais celles-ci constituent un événement à gauche, qui suscite de nombreuses discussions. Dans un contexte de rejet profond de Nicolas Sarkozy, la compétition entre les candidats a suscité un réel intérêt bien au-delà des milieux militants de gauche. Cela témoigne, à la fois, de l’aspiration au débat politique et du désir d’exprimer un rapport de force face à un sarkozysme percuté par des affaires plus nauséabondes les unes que les autres, qui s’emparent du moindre espace d’expression possible. Les Primaires ont même été le cadre d’un débat sur les différentes réponses à la crise entre les candidats. Certains à droite se voient même obligés de dire qu’il faudra se prêter à l’exercice en 2017…

Pour le Parti Socialiste, cette innovation s’inscrit dans une évolution longue qui renforce la prééminence de l’élection présidentielle et l’adaptation aux Institutions de la Vème République. Les Primaires constituent une « extension du champ présidentiel » selon l’expression de Rémi Lefebvre. Prééminence qui avait déjà été renforcée par la réforme du quinquennat de 2002 et la subordination des élections législatives à l’élection présidentielle. Même si le choix d’organiser des Primaires a été l’objet d’un vote des militants du Parti Socialiste (qui l’ont approuvé à plus de 70%), il est difficile de voir dans cet exercice une « avancée démocratique » comme le souhaiterait Gérard Grünberg. Il ne s’agit évidemment pas de défendre à tout prix les prérogatives des partis « à l’ancienne », mais la substitution à gauche de partis de militants, portant et maîtrisant collectivement leurs projets dans le débat public, en pures machines électorales soumises à la pression de sondages brouillant délibérément les enjeux ne saurait être interprétée comme un progrès de la citoyenneté. De ce point de vue, l’élection présidentielle elle-même, centrée sur le choix d’une personnalité – aux pouvoirs quasi monarchiques lorsqu’elle est élue – constitue en tant que tel un mécanisme dépolitisant et une régression démocratique autrefois dénoncés comme tels, avec vigueur, par le PS. Et il y a une ironie de la situation à voir les dirigeants du PS se féliciter de cette « modernité », au moment où ils gagnent la présidence – sans réelle volonté de la subvertir – de la féodale institution du Sénat…

Une des conséquences des Primaires sera la transformation de la nature même du Parti Socialiste. C’est ce que défend le partisan de cet exercice, Paul Alliès : « « Les primaires ont été construites sur un consensus, laborieux mais efficace… Du coup, elles induisent une transformation du parti socialiste. Nous avions un problème de leadership, qui n’avait pas été réglé par le congrès de Reims (…) La question est aujourd’hui de reconstruire une social-démocratie en crise. Aujourd’hui, la démocratie et le rapport entre le parti et la société ont changé : je ne crois pas que la forme « parti » soit finie, mais il faut imaginer y associer le pouvoir associatif, tout ce qui est horizontal, la démocratie participative… Avec les primaires, nous avons voulu changer le parti du sommet à sa base en fonction d’une nouvelle donne historique. Et, de ce point de vue, nous avons franchi une étape. » (Interview à Mediapart). Quel est le rapport entre le débat ultra personnalisé du choix du candidat à l’élection présidentielle et ce que porte la démocratie participative ? Celle-ci – avant qu’elle ne soit récupérée comme un produit marketing vidé de son sens – portait une logique de contrôle et d’extension du pouvoir de décision des citoyens sur les choix budgétaires, tel que cela a pu être initié dans certaines expériences latino américaines. Une logique à l’exact opposé du processus des Primaires qui réduit le débat politique au choix d’une personne !

Sur la durée, l’introduction du mécanisme des Primaires accentue donc encore un peu plus le poids de l’élection présidentielle, déjà étouffant. Toute la vie politique est de plus en plus centrée sur cette échéance, le peuple se voit insidieusement transformé en spectateur de joutes formatées par les normes médiatiques en vigueur sans réelle possibilité d’intervention dans la confrontation des propositions, et Les Primaire du PS renforcent la logique bipartisane qui limiterait les choix politiques à deux pôle principaux, comme c’est le cas aujourd’hui aux Etats-Unis.

De ce point de vue, ces Primaires constituent une première étape – qui relève des choix souverains des militants du PS –, mais celles-ci dessinent une autre possibilité bien plus contestable. C’est le projet, qui n’a pas pu être mis en œuvre à ce jour, de « Primaires de toute la gauche », pour désigner un candidat commun à toutes les formations de gauche. Au prétexte d’assurer faussement le rassemblement de la gauche pour se donner les meilleures chances de battre la droite, ce serait une véritable régression démocratique qui amputerait le champ politique de l’expression de courants d’opinion, que ce soit Europe Ecologie, le Front de Gauche ou l’extrême gauche, dans le cadre électoral. Là encore Paul Alliès en dévoile les véritables enjeux : « La primaire est une procédure qui permet de dégonfler, jusqu’à un certain point, la fonction qu’a pris le premier tour à gauche. Elle va permettre d’anticiper le premier tour. Je parie que, dans cinq ans, il y aura d’autres formations de gauche qui participeront à la primaire. » Ce serait certes un point d’appui inespéré pour le Parti Socialiste de raffermir sa domination à gauche, alors que depuis quelques années celle-ci se voit contestée, selon des contenus et des stratégies différentes, par l’émergence d’Europe Ecologie et du Front de Gauche. Mais ce serait un grand bond en arrière pour une vie démocratique déjà bien malmenée.

Parlons sans détours : si le vote de centaines de milliers d’hommes et de femmes les 9 et 16 octobre est un choix respectable, les « primaires » ne sont pas le mécanisme qui permettra de rassembler la gauche et les forces populaires dans le combat contre la droite. Plutôt qu’un choix perverti par les règles de la « démocratie d’opinion », l’urgence est plutôt à l’organisation d’une vaste confrontation, à tous les niveaux du pays, sur les propositions qui s’expriment dans tout le champ de la gauche. C’est dans un tel processus que les citoyens pourraient véritablement s’emparer du débat, faire entendre leur voix, peser sur le projet qu’ils souhaitent voir porter devant les électeurs, exprimer leur opinion sur ce que devraient être les bases d’une majorité et d’un gouvernement répondant aux attentes du peuple. Quelle que soit l’issue des « primaires », la question restera posée et « l’offre publique de débat » adressée par Jean-Luc Mélenchon à l’ensemble des composantes de la gauche restera d’actualité…

Plus généralement, au-delà des Primaires organisées aujourd’hui par le PS, il y nécessité de reprendre le débat de la reconstruction de la vie politique et démocratique du pays sur des bases plus saines. Tout d’abord en contestant le principe même de la prééminence de l’élection présidentielle, et en reposant la nécessité, à travers une campagne vigoureuse, d’une Assemblée Constituante du peuple souverain pour ouvrir une véritable extension de la démocratie à tous les domaines qui engagent les choix collectifs. Cela suppose la constitution d’une VIème République, le développement, d’une part de la participation des citoyens aux processus de décisions en particulier à l’échelle locale, départementale, régionale, et, d’autre part, d’une véritable démocratie sociale qui pose la question de la participation des salariés aux choix stratégiques des entreprises. Une raison de plus pour amplifier le débat à partir des propositions que porte le Front de Gauche.


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