Le second temps de la primaire

dimanche 16 octobre 2011.
 

Puisque plus rien ne se passe comme prévu, les primaires non plus. La participation y a atteint un niveau très élevé, loin bien sûr des prévisions des sondeurs, qui recensaient 8 millions de personnes « sûres d’aller voter » (voire 13 !), population dans laquelle ils constituèrent leurs échantillons supposés représentatifs des électeurs de la primaire. Le « favori des sondages » François Hollande (49% selon OpinionWay à trois jours du scrutin) est à la peine. Et Arnaud Montebourg réalise une percée malgré les 5% auxquels il est resté longtemps scotché dans les « enquêtes d’opinion ».

Il y a donc eu poussée, et poussée à gauche. Un nombre non négligeable de nos concitoyens, environ trois fois les effectifs d’adhérents du PS, s’est saisi de la candidature de Montebourg pour exprimer sa volonté de reconquête de la souveraineté populaire face notamment aux diktats des banques et du libre-échange dont il avait fait ses cibles favorites. C’est une bonne nouvelle. Commencée sous les auspices de la course à l’austérité, la primaire se termine « à gauche ». Aubry place une sourdine sur son alliance avec le Modem à Lille et François Hollande met du vin dans son eau. Rarement la distance aura été aussi grande entre la « rue socialiste » et le Nouvel Observateur et autres éditorialistes officiels passés de Strauss-Kahn à Hollande en échange de déclarations vigoureuses contre la dette. Le principe de réalité fait retour : tant mieux là encore !

Et maintenant ? La primaire emprunte aussi à la Cinquième République son mode de scrutin à deux tours qu’elle sépare d’une petite semaine. L’intervalle est étroit pour que les deux finalistes ajustent leur programme aux attentes dont témoigne le succès de Montebourg. Il faudrait mettre à toute vitesse sur la table ce qui en a été jusqu’alors écarté. Avez-vous noté les omissions gigantesques du débat des primaires ? Pas un mot sur l’avenir du traité de Lisbonne. Rien de précis sur la hausse du SMIC. Aucune stratégie concrète de réforme globale des institutions dont la crise s’étend pourtant sous nos yeux. Le capitalisme doit être régulé admet Hollande. Avec le « care » la société doit se préoccuper des plus faibles renchérit Aubry. Le tout grâceà une « présidence normale » ou encore une « présidente qui préside »... Rien de cela ne peut parler aux « perdants de la mondialisation » auxquels Montebourg a voulu identifier sa campagne. Il faudrait de plus que les deux finalistes sortent brutalement des clous du projet socialiste, adopté à l’unanimité et auquel tous deux se sont référés jusqu’au premier tour, alors qu’il s’avère quelques mois seulement après son adoption incapable de répondre aux exigences de rupture qu’exprime face à la crise une proportion croissante du peuple de gauche.

On comprend donc le refus de Montebourg ce lundi soir de choisir entre Aubry et Hollande, « deux faces d’une même pièce ». La signification politique de cette situation mérite d’être méditée. Les deux dirigeants qui se sont succédé à la tête du PS ne parviennent plus à mobiliser l’ensemble de leur propre parti. Quant au programme qui, lui, avait reçu l’assentiment de tous les socialistes, il se montre par avance incapable de rassembler la gauche. Le résultat de la primaire s’annonce donc paradoxal : une belle mobilisation électorale peut déboucher dimanche sur un candidat PS désigné par défaut et un programme socialiste dépassé avant d’avoir servi.

François Delapierre


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