Elections en Tunisie : pour que le Peuple retrouve sa dignité !

lundi 24 octobre 2011.
 

Je publie ce premier billet d’ambiance de mon voyage en Tunisie. D’autres analyses plus conséquentes devraient suivre dans les jours qui viennent.

Magnifique. Ça vote aujourd’hui, dimanche 23 octobre, en Tunisie. Le jour de gloire, jour du vote est arrivé. De vraies élections, n’ayant rien à voir avec les manipulations grossières organisées si longtemps par Zine Ben Ali et ses sbires du RCD. Depuis hier, avec une délégation du Parti de Gauche (PG), je suis en Tunisie pour assister à ces premières élections qui vont désigner les représentants du peuple à l’Assemblée constituante. Après la grandiose mobilisation populaire, cette révolution courageuse, qui a chassé le dictateur et les siens et sans laquelle rien n’aurait été possible, la Révolution citoyenne continue. Tiendra-t-elle ses promesses ? Il le faut. L’exemple tunisien a une portée universelle. Nous avons à apprendre de ses succès et peut être de ses difficultés. C’est pourquoi le PG a envoyé une délégation. L’internationalisme se mesure à ses actes concrets.

Hier, sitôt atterri à Tunis, j’ai rejoins mes camarades de la délégation du PG. Elle est conduite par Raquel Garrido, secrétaire national du PG et porte-parole à l’international, et composée d’Alain Billon responsable de Commission Maghreb-Machrek, et aussi d’Alain Chaignon (du PG 34). Lotfi Mzoughi mon camarade du PG Paris 12e nous rejoindra aujourd’hui. Ensemble, nous nous sommes rendu au siège de l’ISIE (l’Instance Supérieure et Indépendantes des Elections) pour récupérer nos accréditations (ces badges verts) qui nous permettront de circuler librement dans les bureaux de votes et de participer ce soir à la soirée au Média Center (un ancien palais des congrès réservé anciennement aux évènements du pouvoir RCD) où les résultats seront officiellement proclamés.

C’est là, dans ce Média Center, qu’après avoir circulé dans Tunis, étonnement calme et sereine, que nous avons rencontré hier, veille du vote, Kamel Jendoubi, le Président de l’ISIE. Cette Instance a produit un travail extraordinaire depuis plusieurs mois pour faire en sorte que ces élections soient possibles. Le pari est je crois réussi. La tâche était énorme, titanesque. Il y a 7 millions de tunisiens en âge de voter. Tout est à construire, et les problèmes sont nombreux : aucune tradition démocratique antérieure, 1,8 millions de citoyens illettrés, des tensions réelles dans certaines villes… mais, pour autant, l’organisation du vote est un succès indiscutable que reconnaissent toutes les formations engagées dans ces élections. De plus, tous les citoyens qui se présenteront directement au bureau de vote avec une pièce d’identité, même si ils ne sont pas inscrits, pourront voter. Quand il nous rencontre, chleureux et attentif, M. Kamel Jendoubi semble épuisé, soucieux que ce vote historique se déroule dans les meilleures conditions. Connaisseur de la vie politique française, de l’existence du Front de Gauche et notre candidat Jean-Luc Mélenchon, il remercie le Parti de Gauche d’avoir envoyé une délégation. Nous le reverrons sans doute dans la semaine pour qu’il tire avec nous le bilan de ce scrutin.

Dans la grande salle, où serons proclamés les résultats dimanche entre minuit et quatre heures du matin, puis officiellement lundi vers midi (il existe une heure de décalage horaire entre la France et la Tunisie. Quand il est 12h à Tunis, il est 11h à Paris), un jeune chanteur, actif durant la révolution reprend des refrains de lutte du monde entier. Après l’Estaque de Luis Llach, chant de résistance durant les années du franquisme en Espagne, il entonne sur l’air du Condor passa, une chanson de Georges Moustaki dont le refrain répète : « …ils ont la force et nous avons le temps… ». Je suis toujours touché par la façon dont les chants d’espoirs et de luttes passent les frontières et le temps.

Nous revoilà dans les rues. Tunis est blanche et lumineuse. Sur les murs blancs de la ville, des panneaux électoraux interminables ont été peins directement sur les murs blancs. Quelques slogans « RCD dégage » , si célèbres désormais, sont encore visibles sur les murs d’anciens bâtiments officiels. Aux terrasses des cafés, les gens discutent. Les gesn nous disent volontiers pour qui ils vont voter. L’ambiance est à la fierté d’être tunisien. Des forces de police et l’armée sont visibles mais restent discrètes. Ainsi était Tunis, à la veille du vote hier.

Depuis ce matin, le peuple vote, un nouveau pouvoir politique se met en place. Une foule se presse devant les bureaux de vote. Le peuple est au rendez-vous. Des files interminables se rassemblent devant les bureaux de votes. Il y a parfois jusqu’à 4 ou 5 heures d’attente. Personne ne semble vouloir rater ces élections qui vont élire, au système proportionnel au plus fort reste, les 217 députés constituants ayant pour mission de rédiger une nouvelle constitution. Pour cela le peuple doit choisir dans 1522 listes qui se sont présentées au vote.

Quels résultats ? Quelles forces politiques seront les vainqueurs de ce scrutin ? Difficile de répondre à cette question. Le visage politique des différentes listes et coalitions est complexe. Les principales formations sont le PDP (aujourd’hui ex gauche devenu centre gauche), Ettakatol (lié à l’internationale socialiste) et Pôle démocratique moderniste (gauche, plutôt implanté dans les milieux urbains et généralement diplômés). A gauche, d’autres partis ont une réalité plus modeste comme le POCT (Parto ouvier communiste tunsien), ou le PTT (Parti du Travail Tunisien).

La question qui inquiète beaucoup de gens est bien sûr le résultat pour Ennahda, le parti religieux conservateur ? Il sera significatif. A sa façon, il est aussi un enfant du régime policier qui sa régné dans ce pays pendant si longtemps. Il semble bénéficier de l’image d’une force lontemps réprimée par le régime honni, alors que ces animateurs n’ont rien fait durant la révolution tunisienne. Il jouit aussi d’un appui dans les milieux populaires les moins instruits et dont la religion a fourni la seule perspective d’espoir pendant des décennies.

Malgré les difficultés, un nouveau pays est en train de naitre de l’autre coté de la méditérrannée. C’est la Tunisie libre.


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