Hollande « capitaine de pédalo dans la tempête ». Comme la flèche porte, il est normal qu’il y ait une riposte. Mais qu’elle est sauvage !

samedi 26 novembre 2011.
 

Je reviens sur l’épisode du pédalo. C’est comme l‘orage. Je le sens venir de loin. J’ai bouclé mon interview au JDD avec méthode. Deux jours auparavant était également paru dans le gratuit « 20 minutes » deux pages d’entretien de même tonalité annoncé à la une sous le titre « je n’ai rien à marchander ». Mais, pour lire les gratuits, il faut prendre le métro. Et la presse payante par décret ne cite jamais la presse gratuite quoiqu’elle dise. Ce qui ne me dérange pas personnellement. Je savais parfaitement que la ligne des dirigeants socialistes est de ne répondre à rien. Leur but est de faire en sorte que toute discussion soit rendue impossible. Je m’attendais à une réplique par la bande comme j’en ai connue tant d’autres. L’air vibrait. Comme avant l’orage. De brusques bouffées de vent annoncent que l’eau bouscule tout en tombant au sol quelque part, on y voit mieux au loin car un effet de loupe se forme avec l’eau qui sature l’air. L’odeur ambiante se modifie. Il en va de même dans l’arène politique. Bien sûr l’orage est différent selon les niveaux de la strate où on l’observe. Sur la surface du web, c’est le déchaînement des tourbillons, dans l’audiovisuel c’est la large vague d’un jour ou deux, dans la presse papier la résurgence peut prendre plusieurs jours selon l’angle que l’actualité lourde impose. L’épisode burlesque entre socialistes et Verts de l’accord sur le désaccord puis du désaccord sur l’accord a évidemment submergé ma vaguelette. Les mouches ont changé d’âne.

J’analyse la circulation de l’information et de l’image comme un processus de percolation. Le milieu est plus ou moins résistant à la diffusion d’une info. Le format et la compatibilité avec les clichés dominants sont décisifs. Le format ? Bref, vite identifiable. Le contenu ? Proche d’une évidence pour être très vite identifié et facile à répéter sans explications. C’est la logique du zapping. Le zapping ce n’est pas seulement un geste sur une télécommande. C’est un format. C’est devenu un genre. Ce n’est donc surtout pas une simple forme d’expression, c’est un contenu à soi seul. Ce qui est montré est censé être évident. On est censé comprendre du premier coup. Sinon c’est qu’on est « out ». Le zapping contient un pouvoir d’injonction très fort. Nous-mêmes, sur le site « place au peuple », nous utilisons cette technique avec beaucoup d’efficacité. Jamais une technique de communication ne vient du néant. Elle est toujours une résonance avec son contexte social et culturel. Et elle lui procure, en retour, de nouveaux instruments qui le conforte. Du coup il y a une pensée zapping, des procédés zapping, dans la communication en général, quel que soit le sujet. Le dire ce n’est pas juger. Seulement constater. La dynamique interne du zapping est forte. D’une situation est tirée une scène, d’un texte est extrait un mot ou une phrase, puis la boucle se met en place qui raccourci encore le message. Le raccourcissement du format signale une sorte de connivence créée avec celui qui le reçoit dans le registre : « je n’en dis pas plus, on se comprend » ou « vous voyez ce que je veux dire ».

Je ne peux donc pas me sentir surpris par le traitement qui m’a été réservé quelques jours à propos de mon expression « capitaine de pédalo dans la tempête ». Comme la flèche porte, il est normal qu’il y ait une riposte. Mais qu’elle est sauvage ! Qu’est-ce qu’elle révèle comme arrogance ! Pourtant, la violence de cette riposte, le flot d’injures cent fois plus dures que mon bon mot, ne semble pas émouvoir la bonne société. Y compris quand des mots me sont attribués qui ne sont pas les miens, nul ne s’en émeut. Voilà qui est encore un sujet d’étonnement autour de moi où se trouve de ces incurables naïfs qui croient que la partie se joue entre gens de bonne foi avec des arguments rationnels. Il leur reste à admettre l’évidence : l’opinion de ceux qui me condamnent est faite avant cela. Dans ce choc, ils trouvent une occasion de signifier leur allégeance, rien de plus. Quant au système qui relaie et répercute jusqu’à la nausée : il est disponible. Les sondages lui ont dit qui est le prochain maître. Tout se réorganise autour du nouveau futur pivot source de toutes les mannes et prébendes. Celui-là ne s’est-il d’ailleurs pas auto-couronné à la une de « Libération » sans provoquer une seule remarque : « Je ne suis pas un contre-président, je suis le prochain ». Voilà, c’est simple ! La campagne électorale, le débat, les désaccords de programme, les polémiques, tout est vain puisque tout est déjà dit. Ne peuvent s’opposer à cette évidence que les fous ou les agents de l’ennemi mauvais perdants. La technique de combat des dirigeants socialistes se résume à cela. C’est rustique mais efficace. Pas besoin de réfléchir, pas besoin de comprendre, il suffit de répéter et de prendre des postures. Juste savoir « lire écrire compter et cliquer » en quelque sorte ! Que le candidat socialiste ait dans la même semaine envoyé aux oubliettes le programme de son parti, se soit officiellement converti à la politique de rigueur, ait refusé obstinément tout débat public et toute proposition de sortie par le haut à propos du nucléaire, qu’il n’ait rien à dire sur l’extrême-droite au gouvernement en Grèce, tout cela n’émeut personne. Il faut se taire et aduler. Sinon on fait « le jeu de la droite et de l’extrême-droite ». Qu’on ose le dire tout haut vaut immédiate curée. Car mon entretien avec le JDD ne porte que là-dessus, en plus de ma critique de la politique économique de la droite et en raison d’elle. La réplique socialiste est incapable d’y répondre. Elle se concentre donc sur la posture. Je le comprends, encore une fois, c’est de bonne guerre. Même si c’est très pénible de se faire injurier personnellement avec une telle violence par des personnages parfois aussi discutables dans leur proximité au sarkozysme que Jack Lang.

Tant que c’était Moscovici à la canonnade, je comprenais qu’il faisait son travail de campagne. Certes, je n’aime guère cette façon de dénoncer mes « outrances » en en commettant de bien pires contre moi. Et même de m’attribuer le fait d’avoir « dénoncé Hollande comme homme du système » oubliant que cette phrase n’est pas de moi mais de Martine Aubry. J’en déduis que c’est son rôle dans la campagne de faire le méchant. L’arrivée des autres m’a d’abord étonné. Que venaient-ils faire dans cette picorée ? Puis je me suis souvenu que nous étions alors en pleine période où Hollande constituait son cabinet de campagne. Je connais la maison. Les marquis se montent sur les pieds pour être placés, surtout ceux qui ont à se faire des reproches. Mais passé ce moment de jubilation amusée avec la certitude d’avoir piqué un point sensible, j’ai bien vu que je devais considérer la charge d’un autre œil. En fait chacun d’entre eux tient un discours qui atteint plusieurs objectifs. D’abord se mettre en valeur comme ardents dévots du chef. Ensuite me flétrir. Cela avec assez d’énergie pour contenir les pertes en ligne dans ma direction que leur inepte orientation politique provoque et que mon interview sollicite. Troisièmement faire passer Hollande pour une victime au moment où par leur bouche, il insulte et se défausse. Pourtant l’interview porte autant sur la droite que sur lui. C’est donc de propos délibéré qu’ils choisissent de se fixer sur mon bon mot. C’est efficace car plus personne ne leur demande rien quant à mes interpellations sur le fond. Notamment sur les deux questions de l’austérité et du référendum sur le nucléaire. Oui, c’est efficace. Sur ce blog même, certains commentaires prouvent la puissance de l’intimidation socialiste. La force des injures contre moi n’est même pas relevée. C’est un signe que le procédé s’est banalisé dans les esprits ! Parfois, certains m’interpellent même sur la « politique de petites phrases » ! Le monde à l’envers ! Six mille six cent signes de réponses sont réduits à une phrase et j’en serais l’instigateur ! En fait personne ne critique vraiment le fond de ce que je dis. C’est un effet étrange : on craint que la phrase fasse penser ceci ou cela. Et du coup cela finit par créer l’effet que l’on craint. La riposte socialiste a donc fait son effet sur le public qu’elle visait, celui du premier cercle du microcosme toujours prompt à la panique.

Mais j’ai trouvé aussi de nombreuses réactions en sens inverse, très satisfaites. Sur ce blog, maints apprécient de me voir secouer le cocotier. Et de même, en nombre, parmi les communistes pour le cas où quelques articles de presse vous feraient croire le contraire. Le ralliement de Hollande à la rigueur dans « Libération » n’a pas laissé tout le monde indifférent. Beaucoup, aguerris à la lutte, savent qu’on ne fera pas bouger le champ politique sans effort et qu’il est vain d’attendre des compliments de ses adversaires. Ils savent aussi de quoi il retourne. La Grèce, l’Espagne, l’Italie ne sont pas si loin. Partout le PS s’est aligné sur la rigueur, l’union nationale et tout le saint-frusquin de la « seule politique possible ». La direction socialiste en place est de cette eau. On ne la sortira de ce rail que de vive force en poussant au clivage dans son sein. Cela ne s’atteint pas par d’ineptes jeux d’appareils, danses du ventre enjôleuses et accord de compères. C’est parce qu’il y aura un mouvement vers nous que l’on changera la donne. Sitôt qu’aucune victoire ne sera plus possible en nous contournant, le système de la gauche turbulera et commencera à entrer en résonance avec l’ampleur des tâches à accomplir.

Cette opération est impossible à réaliser sans rallier à notre combat la masse de ceux qui pensent avec une exigence maximum et un scepticisme tout aussi maximum à l’égard de toute politique institutionnelle. Faire la révolution citoyenne ne relève pas des parties feutrées et convenues des congrès d’organisation. C’est une empoignade pour gagner la confiance. Or la confiance est rare à présent. Elle ne se gagne pas par les canaux de la politique à l’ancienne avec ses jolis clivages préfabriqués. Cette stratégie politique, c’est celle qu’exprime le contenu des ruptures prévues par le programme partagé. C’est celle que décrit mon livre « Qu’il s’en aillent tous ! ». Son niveau de vente en version poche me signale une réalité plus forte que les effets de meute contre moi. Il est vrai qu’elle se joue dans des couches de la société où l’indignation de la société de connivence fait hausser les épaules.


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