L’Europe à la sauce Goldman Sachs

samedi 3 décembre 2011.
 

Il faut rassurer les marchés  ! Jour après jour, les médias répètent à l’envi ce leitmotiv. Sans jamais dire précisément ce qui rassure. Sans nommer et dévoiler qui sont ces marchés, dont l’autorégulation viendrait corriger les prétendues erreurs des décisions politiques. L’idéologue capitaliste ordinaire a beau jeu de se réclamer d’Adam Smith (qu’il n’a souvent pas lu) et de sa main invisible censée assurer l’équilibre et la prospérité. C’est en restant invisibles que les acteurs du marché financier prennent leurs décisions, qui sont pourtant bien des décisions et non des lois naturelles. Cette hydre à mille têtes, les marchés, jouit ainsi de l’impunité et génère sa puissance en demeurant invisible. Elle répète aux peuples  : surtout ne cherchez pas qui nous sommes, car nous ne sommes personne. Nous sommes la vérité comptable qui ne ment pas.

Que la nomination de Mario Monti soit pour nous l’occasion de lever un coin du voile. Son appartenance un temps à Goldman Sachs n’est pas qu’un hasard de carrière. Surtout si l’on considère qu’il rejoint ici Lucas 
Papademos, nouveau premier ministre grec, et Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne. Tous trois participent de cette confusion soigneusement cachée entre les marchés et les conseillers qui ont mis en place les décennies de domination libérale, dont la logique est bien résumée par les principes dont se revendique cette banque américaine  : les intérêts de nos clients en premier. Il appartient au monde de la finance qui étend son emprise.

La financiarisation de tous les échanges, stade ultime du fétichisme de la marchandise dénoncé par Marx, entend réduire la politique à l’économie comme l’économie à la finance. Les sophismes des spéculateurs reposent sur le prétendu bon sens de leurs conseils  : les États ne peuvent dépenser plus qu’ils n’ont. À force de le répéter, ils ont fait oublier que ce sont eux, les investisseurs anonymes, qui ne cessent de vendre ce qu’ils n’ont pas, d’inventer des mécanismes si pervers qu’ils peuvent parier sur la faillite des États comme d’autres sur les licenciements ou les délocalisations. C’est la logique financière qui est folle, pas la volonté des peuples qui seule devrait être souveraine.

Mario Monti montre ce qui rassure les marchés  : nommer des dirigeants politiques qui émanent de leur sérail. Rien de surprenant pour cet ancien dirigeant de la trilatérale, commission qui promeut le libéralisme depuis les années soixante et théorisait déjà, avec Samuel Huntington, que la bonne gouvernance repose sur l’apathie et le silence des peuples. Et quand les peuples se révoltent, en lieu et place de référendum, c’est l’extrême droite qui est conviée au gouvernement. Voilà donc ce qui rassure les marchés  : museler les peuples.

Voilà ce qu’est le libéralisme économique  : un antidémocratisme, le refus de la liberté politique.

BENOîT SCHNECKENBURGER


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