Les Amazighs de Libye ne cèderont pas

jeudi 1er décembre 2011.
Source : Tamazgha.fr
 

Des centaines d’Amazighs (Berbères) de Libye ont manifesté dimanche à Tripoli pour la deuxième fois en trois jours afin de protester contre leur exclusion du gouvernement de transition et réclamer la reconnaissance officielle de leurs langues et identité. Hommes, femmes et enfants se sont réunis tôt le matin sur la célèbre place des Martyrs avant de se rendre devant le bureau du Premier ministre Abdel Rahim al-Kib. Ils ont tapé du poing, ainsi qu’avec des branches, sur les murs du bâtiment en criant : La révolution n’est pas terminée, elle continue. Notre peuple veut des excuses du Premier ministre. Nous voulons savoir pourquoi nous sommes marginalisés.

Notre peuple redoute une répétition de ce qui s’est passé sous (Mouammar) Kadhafi, a déclaré Suleiman Dogha, un important militant amazigh. M. Kib est brièvement sorti du bâtiment pour aller à la rencontre des manifestants, mais cette démarche a provoqué la fureur de certains. Selon les manifestants, M. Kib a ensuite reçu une délégation de leurs représentants. Des dizaines d’Amazighs avaient déjà manifesté vendredi leur colère devant le gouvernement formé mardi.

Jeudi, le Congrès national amazigh avait même appelé tous les Libyens, et en particulier les berbérophones, à cesser de coopérer avec les autorités de transition. Les berbérophones, dont la présence en Libye remonte à près de 10.000 ans, représentent environ 10% des six millions de Libyens. Mais leur langue avait été interdite par le dirigeant déchu Mouammar Kadhafi, toujours resté soupçonneux à l’égard de ce peuple dont il avait même annoncé la disparition l’an dernier.

Très actifs durant la révolte populaire devenue conflit armé contre le régime du colonel Kadhafi (février-octobre), les Berbères ont oeuvré avec les Arabes pour renverser l’ancien régime et entendent désormais peser dans la vie politique et culturelle. (AFP)

Avec beaucoup de retard sur le calendrier annoncé, le premier ministre du gouvernement provisoire nommé par le CNT a fini par dévoiler la composition de son gouvernement ce mardi 22 novembre 2011. Sans surprise, ce gouvernement exclut, et délibérément, les Amazighs (Berbères). Pourtant ces derniers n’ont pas manqué d’attirer l’attention des autorités provisoires autoproclamées à Benghazi, représentées par le CNT, sur la nécessité de garantir l’égalité entre tous les Libyens. À savoir que les Amazighs qui sont une composante essentielle de la Libye doivent enfin recouvrer leur place légitime et naturelle.

Comment expliquer cet agissement des membres du CNT ? N’y a-t-il donc aucun Amazigh dont les compétences ne correspondent au poste de ministre ? Qui pourrait croire pareille chose ? Il s’agit bien d’une marginalisation due au mépris nourri par la haine que développe le CNT à l’égard des Imazighen. Pour preuve, ceux qui ont formé ce gouvernement n’ont pas trouvé mieux que d’accorder un portefeuille, et pas des moindres, à un individu ouvertement raciste envers Imazighen. Ce personnage n’est autre que Monsieur Fethi Terbel, un arabiste qui, lors d’une réunion du CNT, dont il est membre, en date du 6 août 2011, a tenu des propos condamnables à l’égard des Imazighens. Des propos dans lesquels, en plus de nier purement et simplement leur existence en Libye, il a promis leur "extermination" après la libération du pays. Cet individu a hérité du ministère de la "Jeunesse" !! (SIC) En voilà un modèle, décidé par le CNT, pour la jeunesse libyenne ! Le CNT ne reproduit-il pas là les pratiques du régime kadhafiste qui pendant quarante-deux ans n’a eu de cesse que de cultiver la haine de l’Amazigh ? Dès lors, peut-on honnêtement accorder du crédit à la légitimité d’un gouvernement formé sur la base de la haine et du mépris d’une partie très importante de la population ?!

Bien entendu, les Amazighs ont immédiatement exprimé leur désaccord avec l’annonce de ce gouvernement. Dès le lendemain, une délégation, composée de représentants de l’ensemble des régions amazighes, a rencontré monsieur Moustapha Abdouljalil, président du CNT, afin de lui signifier qu’ils n’approuvent pas ses décisions et lui formuler leurs exigences. Lequel chef du CNT a réservé une fin de non-recevoir à leurs demandes. Le jeudi 24 novembre, c’est au Conseil local d’At Willul (Zouara) de rendre publique une déclaration par laquelle il annonce le gel de sa collaboration avec le CNT ainsi que son gouvernement et appelle la population à manifester de manière pacifique. Le même jour, le Congrès national amazigh libyen (CNAL), représentant l’ensemble des Conseils locaux du Pays amazigh, a, lui aussi, fait part de son désaccord quant à la composition du gouvernement provisoire. Il a ainsi annoncé "la non-reconnaissance et le boycott du gouvernement d’Abdel Rahim al-Kib, illégitime et contraire à ses propres déclarations". Il tient pour "responsables devant l’Histoire, le CNT et M. Abdel Rahim al-Kib, quant aux conséquences que pourrait causer cette marginalisation qui vise les Amazighs".

Simultanément, des manifestations ont eu lieu à travers toutes les localités amazighes : Adrar n Infussen, At Willul, Ghadamès, Oubari, Ghat et d’autres villes touarègues. Tripoli a également vu de nombreuses manifestations notamment sur la Place des Martyrs.

Une nouvelle fois, le CNT confirme ses tendances anti-amazighes dont l’avant-goût a été donné en août 2011. D’abord par le projet de déclaration constitutionnelle annonçant la couleur d’une Libye arabe régie par la Chariâa. Ensuite, à la libération de Tripoli, lorsqu’il a eu le culot de demander aux combattants amazighs ayant libéré la capitale de déposer les armes pour les confier au djihadiste Abdelhakim Belhadj dépêché comme commandant militaire de Tripoli. Ces rigolos du CNT ne s’attendaient certainement pas à la vigilance des Imazighen aguerris par les expériences passées et qui ne comptent pas du tout compromettre leur avenir et risquer de retomber dans la situation de domination subie pendant des décennies avec le régime de Kadhafi et celui de la monarchie sanoussie.

Les Amazighs de Libye viennent de nous montrer que rien ne les fera reculer dans leur combat et dans leur détermination à sortir définitivement de la domination arabe. S’ils ont affronté la barbarie de Kadhafi et ses mercenaires, ce n’est pas pour se livrer aux résidus du régime qu’ils ont fait tomber. Et si ceux qui se disent Arabes en Libye ne sont pas encore prêts à accepter leurs exigences, les Imazighen n’auront pas d’autre choix que de se séparer de ceux qui rêvent de domination et qui vivent dans la haine et le mépris des autres.

Aujourd’hui, les Imazighen de Libye sont confrontés à un nouveau combat, un combat plus dur encore que celui qu’ils ont livré à Kadhafi et ses mercenaires. Mais nous comptons sur leur détermination pour y arriver et ils vont y arriver car ils y croient.

Ce qui est en train de se réaliser en Libye est aussi une leçon pour l’ensemble des Imazighen à travers l’Afrique du Nord ; les Libyens nous montrent ainsi la voix de la libération, une voix que nous devrions tous emprunter car la domination arabo-musulmane doit cesser pour que les Imazighen accèdent à leur souveraineté. Il est inadmissible qu’une bande de rétrogrades prive un peuple plusieurs fois millénaire de sa liberté.

La Rédaction.


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