Droit de vote des étrangers aux élections locales : un progrès démocratique nécessaire

lundi 12 décembre 2011.
 

1) Communiqué du collectif Votation citoyenne

Le collectif Votation citoyenne tient à saluer l’examen par le Sénat de la proposition de loi constitutionnelle sur le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers, non communautaires, aux élections municipales. Enfin, après trente ans de débats, cette assemblée va pouvoir se prononcer !

L’une des deux assemblées de la représentation nationale, l’Assemblée nationale, l’a déjà adoptée en mai 2000. L’autre assemblée, le Sénat, s’apprête à le faire le 8 décembre 2011.

La représentation nationale a donc pris acte de l’évolution de la société française qui, de façon constante depuis douze ans, affirme majoritairement son accord avec cette revendication porteuse d’égalité réelle. Les dernières enquêtes, en 2011, indiquent qu’une nette majorité de Français est favorable au vote des étrangers non communautaires aux élection locales au même titre que les étrangers venant d’un pays membre de l’Union européenne (BVA 61% et Harris interactive 59%).

Seul le pouvoir exécutif et la droite parlementaire refusent encore de progresser vers un suffrage réellement universel et l’intégration politique des étrangers qui vivent et travaillent en France.

Le Sénat, en votant le 8 décembre, souhaite assurer davantage encore ce progrès démocratique.

Malheureusement le possible renvoi de cette proposition de loi, à l’Assemblée nationale, risque de geler ce processus. Il n’en est que plus important que, dès le lendemain des élections présidentielles et législatives de 2012, la révision constitutionnelle soit effectivement mise en œuvre et que le président de la République reprenne à son compte cette révision dont le principe aura été approuvé successivement par les deux assemblées.

C’est pour que soit enfin reconnu, après trente ans de promesses, ce droit à la citoyenneté de résidence que le collectif Votation citoyenne appelle à se rassembler à côté du Sénat, place Paul Claude, à l’angle de la rue Médicis, derrière le théâtre de l’Odéon jeudi 8 décembre de 13h à 15h.

Communiqué Collectif Votation citoyenne

Paris, le 2 décembre 2011

2) Un choix démocratique décisif

Le Sénat doit se prononcer aujourd’hui sur le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales. Une avancée citoyenne majeure à laquelle la droite est fermement opposée.

Aujourd’hui, à partir de 15 heures, le Sénat décidera du sort du projet de loi sur le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections municipales. Cosignée par les sénateurs socialistes, communistes et écologistes, cette proposition est depuis plusieurs semaines le terrain d’un affrontement politique entre la gauche et la droite. Un affrontement voulu et cherché par le gouvernement qui s’est rallié, sur la question, à l’extrême droite avec les pires arguments, parfois mensongers. Pour marquer l’événement, François Fillon fera le déplacement en personne sur les bancs du palais du Luxembourg avec les ministres de l’Intérieur et de la Justice.

Campagne mensongère de Guéant

La proposition débattue cet après-midi est celle votée, il y a plus de dix ans, à l’Assemblée nationale. Alors présentée par Noël Mamère, elle était aussi une promesse de François Mitterrand et a été défendue depuis plusieurs décennies par les communistes. La gauche est donc rassemblée et portée par la volonté populaire vis-à-vis de ce texte que l’ancienne majorité de droite au Sénat « a enfoui pendant des années », a rappelé François Rebsamen, président du groupe PS au Sénat.

Contrainte de se prononcer, la droite a lancé l’offensive. Nicolas Sarkozy a jugé, devant 3 000 maires, fin novembre, « hasardeuse » cette proposition. Il aurait, mercredi, même accusé la gauche de rechercher « un vote communautaire ». Claude Guéant a rapidement pris le relais avec des arguments qu’Éliane Assassi, sénatrice communiste, a jugé « nauséabonds ». « Je n’ai pas envie de voir dans le département de la Seine-Saint-Denis (…) la majorité des maires devenir étrangers », a-t-il dit. Nauséabond et mensonger puisque la proposition ne prévoit pas la possibilité d’être élu maire ni même adjoint pour les étrangers. Le ministre de l’Intérieur a de nouveau agité les peurs, hier  : « Imaginons un débat sur les cantines scolaires, est-ce qu’on ne risque pas d’avoir des règles qui soient contraires aux principes de laïcité  ? »

« Je ne pensais pas que cela provoquerait une telle réaction », a déclaré François Rebsamen, faisant mine de s’étonner de la virulence du gouvernement, alors que le président de la République s’était dit favorable à ce droit par le passé. Des arguments « politiciens pour aller racler les fonds de tiroirs de l’extrême droite », a estimé Éliane Assassi. « Tous les arguments de la droite sont des mauvais arguments ou de faux arguments », a renchéri François Rebsamen. À l’image de celui de François Fillon  : « Je me suis, pour ma part, toujours opposé à ceux qui veulent remettre en cause le lien qui associe dans notre histoire le droit de vote à la nationalité. » Or ce lien a déjà disparu avec la reconnaissance du droit de vote des résidents européens. Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste, y voit d’ailleurs une « injustice ». Quant à la thèse de la « réciprocité » nécessaire à la reconnaissance d’un droit de vote de résidence, « heureusement que les révolutionnaires de 1789 ne l’ont pas attendue », a ironisé François Rebsamen.

Un droit, pas un enjeu tactique

Loin de se résumer à un « enjeu tactique », la séance d’aujourd’hui doit permettre, selon les porteurs du texte, de passer une nouvelle étape dans la conquête démocratique de ce droit. Ces résidents participent en effet à la vie de la cité par leur travail, leur contribution aux systèmes de solidarité, l’exercice des droits syndicaux… « Mais au moment des élections on leur dit  : circulez, il n’y a rien à voir  ! », résume Jean-Vincent Placé, chef de file des sénateurs d’Europe Écologie-les Verts. Il y a donc « urgence vis-à-vis de tous ces hommes et ces femmes qui sont des sous-citoyens », conclut-il.

Manifestation de soutien

Le collectif Votation citoyenne appelle, aujourd’hui, 
à un rassemblement de soutien à la proposition de loi sur
le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales. Celui-ci aura lieu à proximité du Sénat, place Paul-Claudel, à partir de 13 heures, « pour que soit enfin reconnu, après trente ans de promesses, ce droit à la citoyenneté de résidence ». Le collectif regroupe de très nombreux partis politiques, syndicats, associations et organisations (Ligue 
des droits de l’homme, Attac, PCF, PS, EELV, NPA, MJCF, MJS, Unef, CGT, CFDT…). Les sénateurs communistes, socialistes 
et écologistes qui défendront et voteront ce texte ont d’ores et déjà annoncé leur présence. Une mobilisation d’autant plus nécessaire que le Front national a décidé de manifester, 
face au Sénat, contre ce droit.

Julia Hamlaoui, L’Humanité

3) Bras de fer au Sénat sur la citoyenneté de résidence

Lors des débats sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales, la droite a joué les peurs, la gauche la démocratie, avant le vote attendu jeudi soir. La gauche majoritaire devait, en toute logique, approuver la proposition de loi.

Jeudi, le premier ministre était en service commandé. À l’ouverture des débats sur la proposition de loi de la gauche sénatoriale donnant le droit de vote aux ressortissants étrangers non communautaires, François Fillon n’a pas eu de mots assez durs, jusqu’à l’outrance, pour condamner cette idée.

Tapant à bras raccourcis contre cette proposition, il a dénoncé « une gauche qui prend le risque de vider la nationalité et la citoyenneté française de leur substance » et, « face aux épreuves de la mondialisation », de « morceler le pacte national », et même de « sectionner l’un des chaînons de l’unité républicaine ». Pas moins. Tout le discours était à l’avenant, tentant de répondre aux attentes de la droite la plus dure et même de son extrême.

D’ailleurs, le quarteron de militants du FN venu crier sa haine de cette proposition autour de Marine Le Pen devant les grilles du Sénat en témoigne. Moins d’une centaine de manifestants y clamaient leur « opposition ferme et absolue à l’idée de donner le droit de vote aux étrangers dans notre pays ». Au cours de cette manifestation éclair, Marine Le Pen a dit refuser « que des étrangers puissent décider en conseil municipal de la politique qui va être menée en matière d’école, de CCAS, de politique culturelle, de cantine scolaire. Les fondamentalistes islamiques se précipiteraient sur cette opportunité pour tenter de faire plier les lois de la République au travers de listes municipales communautaristes et religieuses ». Soit les mêmes « arguments » que ceux employés ces jours-ci par Claude Guéant…

Mettre un terme à un apartheid politique

Montant à la tribune pour son premier discours, puisque nouvellement élue, Esther Benbassa (Europe Écologie-les Verts), rapporteure du texte, a rappelé les propos de différents responsables de droite, dont Nicolas Sarkozy, en faveur de ce droit de vote, mettant les sénateurs UMP sur la défensive. Se référant aux idéaux de la Révolution française en faveur de la citoyenneté, elle a appelé à distinguer la nationalité, qui répond à la question « qui suis-je  ? » de la citoyenneté « qui demande  : que faisons-nous ensemble  ? », et affirmé avec force que « cette loi ouvrira une nouvelle page démocratique de notre histoire » en reconnaissant « une citoyenneté plurielle ».

Éliane Assassi (PCF) a rétorqué au premier ministre qui s’étonnait que le Sénat « exhume » une loi votée il y a dix ans par l’Assemblée nationale. « En matière d’avancée démocratique, il n’y a pas de date de péremption », a-t-elle rappelé. D’autant que la composition du Sénat, majoritairement de droite jusqu’en septembre dernier, n’a pas permis de ratifier auparavant cette proposition de loi. Pour l’élue communiste, « l’exercice de la citoyenneté peut être un facteur essentiel d’intégration à la société française et permettre de lutter contre le communautarisme et le repli sur soi ». Et de souligner combien « nous ne pouvons continuer à écarter du droit de vote » et d’éligibilité au niveau communal « des milliers de résidents étrangers qui participent à la vie de la cité, à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative ». De son côté, François Rebsamen (PS) a rappelé que « les ressortissants communautaires ont le droit de vote aux municipales. Y aurait-il plusieurs catégories d’étrangers, certains de seconde zone  ? » s’est-il interrogé, avant de dire sa conviction que cette proposition de loi « fonde un nouveau droit en accord avec les valeurs de la gauche ». Enfin, pour Jean-Vincent Placé (EELV), « il est temps de mettre un terme à cet apartheid politique ».

Chronologie D’un débat

1793 : reconnaissance constitutionnelle du droit 
de vote des étrangers.

1972 : le programme commun de la gauche 
prévoit de la garantir.

1980 : le vote aux élections locales figure parmi 
les 110 propositions du candidat Mitterrand. Georges Marchais (PCF) donnera 
son feu vert en 1985.

1990 : le PS « dans l’immédiat » abandonne 
sa mise en œuvre.

1992 : le traité de Maastricht l’envisage pour les ressortissants de l’UE.

1999 : dépôt d’une proposition de loi du PCF.

2000 : adoption d’une proposition de loi des Verts par la majorité de gauche 
à l’Assemblée nationale.

Max Staat avec 
Grégory Marin

4) Droit de vote des étrangers : récit d’un vote au Sénat acquis de justesse (article Le Monde)

La gauche a réussi la démonstration symbolique qu’elle recherchait en adoptant au Sénat, où elle est devenue majoritaire en septembre, le droit de vote et d’éligibilité des étrangers non ressortissants de l’Union européenne aux élections municipales. Mais ses responsables y sont parvenus non sans mal, après avoir craint que des défections, chez les radicaux de gauche, ne fassent échouer l’entreprise. Ils ont été sauvés par l’abstention de quelques centristes proches de François Bayrou.

Jeudi 8 décembre, en début d’après-midi, au moment où commence la discussion de la proposition de loi constitutionnelle du PS, d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et du PCF, le président du groupe socialiste, François Rebsamen, informé par son homologue du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), Jacques Mézard, constate que la gauche ne fait pas le plein des voix.

Plusieurs sénateurs du RDSE ont annoncé leur intention de voter contre la proposition ou de ne pas participer au vote. Combien ? M. Mézard garde le mystère. Une seule certitude : le compte n’y est pas. Il faudra à la gauche compter sur l’abstention, au moins, d’une partie des centristes.

Trois heures plus tard, M. Rebsamen affiche son soulagement : Jacqueline Gourault, sénatrice MoDem du Loir-et-Cher et fidèle de M. Bayrou, l’a assuré de l’abstention de ses proches. M. Mézard, de son côté, promet qu’il veillera à ne pas faire capoter la proposition de loi, tout en ne cachant pas l’irritation que suscite chez certains l’ascendant pris par les écologistes depuis qu’ils sont dix au Palais du Luxembourg.

DEUX RASSEMBLEMENTS RIVAUX

"On verra un peu plus tard mais ça ne peut pas continuer comme ça, confie M. Mézard. Le PS est passé sous les fourches Caudines des Verts. Il risque de se rendre compte que c’est glissant." Les écologistes ont en effet réussi à apparaître comme les fers de lance de la réactivation de cette proposition emblématique, adoptée en 2000 à l’Assemblée nationale mais qui n’avait jamais réussi à passer le cap du Sénat.

La candidate écologiste à l’élection présidentielle, Eva Joly, a pris part, peu avant le début de l’examen du texte, à un rassemblement d’une petite centaine de personnes. Un peu plus loin, le Front national, Marine Le Pen en tête, manifestait sous un écran géant son opposition au droit de vote des étrangers. Entre les deux, un imposant dispositif policier. Faible mobilisation mais opposition tranchée, aiguisant le clivage droite-gauche.

En faisant le choix de répondre lui-même, au nom du gouvernement, à cette proposition de loi, le premier ministre, François Fillon, a voulu à la fois en souligner l’enjeu et marquer sa "cohérence" sur les principes qui, selon lui, fondent "le lien entre la nationalité et la citoyenneté".

SEPT HEURES DE DÉBAT

Il a accusé la gauche, en accordant ce droit de vote aux élections municipales, de "saper un des fondements de notre République". "Dissocier le droit de vote de la nationalité française, c’est prendre le risque de communautariser le débat public, a-t-il poursuivi. Je ne suis pas prêt à en courir le risque." M. Fillon s’est dit "choqué" par l’argument selon lequel la contribution des étrangers par l’impôt justifierait qu’ils puissent décider de l’utilisation qui en est faite. "Le droit de vote ne s’achète pas", s’est exclamé le premier ministre.

"J’avoue ne pas être outrageusement choqué par la perspective de voir des étrangers, y compris non communautaires, voter pour les scrutins cantonaux et municipaux. A compter du moment où ils paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sur notre territoire…", a commencé Esther Benbassa (EELV), la rapporteure du texte, déclenchant les protestations des élus de l’UMP. "Je cite un texte de M. Sarkozy", les a-t-elle immédiatement mouchés, enchaînant ensuite les citations du même –"Je crois que c’est un facteur d’intégration"– et d’autres responsables de l’actuelle majorité.

Durant près de sept heures, le débat s’est poursuivi, sans que les arguments des uns fassent bouger les positions des autres. "Cessez d’attiser la peur de l’autre. Il n’y a pas de pire ferment pour le communautarisme que le refus d’une citoyenneté de résidence", a lancé M. Rebsamen, s’en prenant vivement au ministre de l’intérieur, Claude Guéant, "qui tient chaque jour des propos qui attisent les antagonismes".

"Les étrangers peuvent participer à la vie politique s’ils sont naturalisés, et s’ils parlent français, a répondu le ministre de l’intérieur, provoquant de vives réactions à gauche. Votre proposition ouvre la voie au communautarisme. Pour être citoyen à part entière, il faut être français, c’est très simple." La gauche s’est dite "fière" d’avoir fait franchir une étape à ce nouveau droit.

Patrick Roger


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