LA GAUCHE AFRICAINE SE DESSINE UN PROJET COMMUN (2 articles)

vendredi 23 décembre 2011.
 

Après Ouagadougou, le Mali a abrité du 25 au 27 novembre la 3è conférence du réseau de la gauche africaine.

2) LA GAUCHE AFRICAINE SE DESSINE UN PROJET COMMUN

Organisée par le parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), la rencontre de Bamako, à l’instar des précédents forums, a été une plate-forme de concertation et de mobilisation des partis de la gauche africaine qui s’investissent pour donner un nouvel élan à la lutte pour l’indépendance et la liberté de l’Afrique, pour de meilleures conditions de vie des peuples africains.

L’ouverture des travaux a été présidée vendredi au Centre international de conférences de Bamako par Oumar Mariko le secrétaire général du parti Sadi et président de la commission d’organisation. Elle s’est déroulée en présence de Cheick Oumar Sissoko, le président de Sadi, Amadou Seydou Traoré, vieux militant de l’US RDA et témoin des indépendances du continent, ainsi que d’Ann Margareth Livh, la présidente du Forum international de gauche. Une cinquantaine de responsables de partis de gauche d’Afrique, d’Europe, d’Amérique latine avaient fait le voyage de Bamako.

La rencontre a offert l’occasion aux participants de se pencher sur le système économique mondial actuel dominé par le néolibéralisme. Ils ont fustigé la pauvreté qu’engendre ce modèle. Cheick Oumar Sissoko a opportunément rappelé le contexte dans lequel se tient la rencontre de Bamako, un contexte qui voit les pays du nord, les puissances capitalistes et oligarchies financières qui dominent et exploitent le monde, déstabilisés par une redoutable crise dont les conséquences sont l’échec de l’idéologie néolibérale et du capital international.

Selon le président du SADI, l’Afrique qui ploie déjà sous le poids de cette domination, de ces dettes extérieures et des programmes ajustement structurels (PAS) est victime de plusieurs crises qui hypothèquent son avenir immédiat. Il a cité comme exemple la crise de l’Etat inféodé et de la mauvaise gouvernance, la crise de l’éducation, la crise alimentaire, la crise écologique, la pandémie du SIDA, le narcotrafic, AQMI, l’insécurité, les guerres et les conflits. Cheick Oumar Sissoko a mis en cause le silence quasi-total des peuples africains, des forces de gauche et des gouvernements face à la tragédie que connaît notre continent.

Pour le président de SADI, la rencontre de Bamako devrait permettre d’unir et de créer des conditions pour que l’Afrique se prenne en charge pour une solidarité agissante entre les forces de gauche les altermondialistes, les nationalistes pour une mobilisation de nos peuples contre l’injustice sociale, la domination des bourgeoisies parasitaires. La souveraineté des peuples sur la gestion de leurs ressources naturelles, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à déterminer librement leur développement économique, social et culturel, restent des questions fondamentales pour les pays africains, a-t-il fait remarquer. Ces derniers ne peuvent atteindre ces objectifs stratégiques que si les partis de gauche accèdent au pouvoir d’Etat, pour appliquer souverainement leur programme.

La rencontre de Bamako se veut donc une manifestation majeure répondant à une volonté des formations politiques de gauche de dessiner un projet commun, de jeter les bases d’une fusion politique, idéologique et organique entre toutes les forces de gauche. Le défi pour elles est de donner corps à un modèle d’intégration économique et social en rupture avec le néolibéralisme qui engendre des crises de toutes sortes. La rencontre s’est achevée dimanche.

par Ousmane Berthé

1) Une cinquantaine de partis politiques socialistes, communistes et révolutionnaires de tout le continent se sont retrouvés à Bamako

Les 25, 26 et 27 novembre 2011 s’est tenue à Bamako, au Mali, la troisième conférence de l’ALNEF (Forum du réseau de la gauche africaine). Accueillie par le parti SADI, seul parti de l’opposition parlementaire de ce pays d’Afrique de l’Ouest, cette édition avait pour objectif de renforcer la structuration du réseau et de débattre des stratégies pour conquérir le pouvoir, lutter contre l’ingérence étrangère et favoriser l’intégration africaine.

Rassemblant une cinquantaine de partis politiques socialistes, communistes et révolutionnaires, de tout le continent (Afrique du sud, Soudan, Érythrée, Guinée, Sénégal, Bénin, Cameroun, Kenya, Tunisie, Rwanda, Burundi, Burkina Faso, etc.), le réseau est une première. Il fait écho à celui créé en 1990 en Amérique latine pour organiser la résistance à l’offensive néolibérale. Ce continent fait d’ailleurs référence pour les participants qui insistent sur l’espoir qu’il a suscité en Afrique et les enseignements qu’il donne aux acteurs de la transformation sociale.

Mais alors que la gauche, au pouvoir dans un pays sur deux en Amérique du sud, a permis de reconquérir une souveraineté étatique et de répondre en partie aux préoccupations des classes populaires, celle qui se bat en Afrique est toujours dans l’opposition, à l’exception du Parti communiste sud-africain (SACP), membre avec l’ANC et la COSATU, de la coalition au pouvoir.

Quelles stratégies, quelles actions concrètes peuvent mettre en œuvre des formations politiques aux moyens souvent très limités, dans des démocraties utilisées par les plus puissants, civils ou militaires, pour se perpétuer au pouvoir par la fraude, la répression, les réformes constitutionnelles ?

Aux vues des risques de basculement dans le chaos de nombreux pays à l’occasion d’élections redoutées, les participants ont exigé des régimes en place l’organisation de processus électoraux transparents garantissant l’expression libre des citoyens. Placée devant ses responsabilités, l’Union africaine doit aussi y veiller.

Dans le contexte d’un regain des interventions militaires étrangères sur le continent, lutter contre l’impérialisme qui attaque à visage découvert, constitue la résolution de force du forum. L’ingérence étrangère doit être combattue par l’intégration du continent en s’inspirant des révolutionnaires africains qui se sont battus pour l’indépendance, comme Nkwamé Nkrumah, Patrice Lumumba, Modibo Keita, Sékou Touré, Felix Moumié, etc.

« Les pays du Nord, puissances capitalistes et oligarchies financières qui dominent et exploitent sans état d’âme le monde, sont déstabilisés par une redoutable crise financière, une crise des dettes, conséquences de l’échec de l’idéologie néolibérale et du capital infernal", selon le président du SADI, Cheikh Oumar Cissokho. Après la Côte d’Ivoire, l’offensive de l’OTAN en Libye, emmenée par Nicolas Sarkozy, a provoqué « une tragédie humaine en terre africaine cautionnée par les Nations unies au nom de la protection humanitaire, et dirigée par les idéologues du monde capitaliste », poursuit-il. Le ressentiment au Mali dont de nombreux ressortissants étaient installés en Libye, et où le régime de Kadhafi a investi dans l’immobilier et l’agriculture, est fort. La France assurerait en partie sa sortie de crise par un retour en Afrique de ses entreprises et de sa présence militaire. La probabilité d’une dévaluation du Franc CFA au premier janvier confirmerait cette stratégie dont tous les participants au forum sont profondément convaincus.

Les révolutions en Tunisie et en Egypte, après avoir redonné confiance aux militants africains dans leur lutte contre des régimes claniques, corrompus, à caractère souvent mafieux, soulèvent également de vives inquiétudes à l’heure où les forces de la contre-révolution incarnées par les islamo-conservateurs et les militaires pourraient sonnés le glas des espoirs populaires.

Dans cette période d’accélération des crises et d’un repositionnement des forces du capital en Afrique, l’échange, la formation, la solidarité et la coopération sont impératifs entre les partis dans les pays concernés, et en lien avec les diasporas en Europe, notamment. Le travail du Parti communiste français en ce sens a abouti à des résultats concrets comme la demande d’enquête déposée à l’Assemblée nationale sur la coopération policière et militaire de la France avec le régime de Paul Biya au Cameroun.

Les préoccupations africaines et européennes sont communes. La dette ne peut justifier le démantèlement des systèmes économiques et sociaux au détriment des populations. Le désastre humain des plans d’ajustement structurel dénoncés par Aminata Traoré, que le pouvoir malien se réclamant pourtant de gauche, a mis en œuvre, précise-t-elle, interpelle l’Europe plongée dans l’austérité.

Enfin, le travail en direction des classes populaires avec les jeunes, les femmes et les mouvements sociaux constitue un axe fort des résolutions. Le changement passe par les peuples qui se révoltent au nom de la dignité, de la justice sociale et de la démocratie. La gauche et les partis parviennent difficilement à saisir les opportunités historiques que ces crises ouvrent. « Le sectarisme, la division, l’opportunisme privent le peuple de savourer sa victoire », affirme Mohamed Jmour, du PTPD de Tunisie. La construction de l’unité à gauche et sa viabilité dépendent de cette relation au corps social.

Les participants ont pris l’engagement de se retrouver en Tunisie en 2012 pour une nouvelle étape dans le renforcement du réseau. L’ambition de créer les conditions de réelles alternances, après deux décennies de dérives d’une démocratie au service d’intérêts particuliers et étrangers, devra d’ici-là déboucher sur des actions concrètes pour des processus électoraux crédibles, et une solidarité réelle entre les partis.


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