Occuper, résister, produire : L’expérience des entreprises occupées et gérées par les travailleurs en Argentine

mardi 27 décembre 2011.
 

SANMARTINO Jorge (économiste argentin), Les travailleurs de la Coopérative Bauen

Le processus de récupération d’entreprises en Argentine a été directement lié au soulèvement populaire de 2001. Il est vrai que certaines entreprises furent récupérées et gérées avant cette date, mais ces cas peuvent être considérés comme exceptionnels, ou comme le prélude aux événements sociaux et politiques déclenchés les 19 et 20 décembre 2001.

Dans ce processus ont convergé plusieurs facteurs. Une crise économique historique, caractérisée par une récession continue sur plus de trois ans, l’épuisement de la parité bancaire et la fuite de capitaux concomitante, combinés à la dette publique et privée et à l’insolvabilité du fait de l’impossibilité de renégocier cette dette. Et une crise politique, caractérisée par la perte de légitimité de toutes les institutions du système de domination et des partis politiques comme l’Union Civique Radicale (UCR, droite) et dans une moindre mesure le Parti Justicialiste (PJ, péronistes), alors que ces partis étaient les piliers du système bipartite en place depuis la fin de la dictature en 1983. Il s’agissait dès lors d’une crise historique et globale, de ce que le théoricien marxiste italien Antonio Gramsci avait appelé une crise organique, expression de l’incapacité des classes dominantes à conserver la vieille hégémonie qu’elles exercent sur l’ensemble des groupes dominés [1].

Cette crise de l’État et des institutions a eu une portée continentale, englobant plusieurs pays de la région comme, entre autres, le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur, pays où les politiques néolibérales eurent comme effet une profonde perte de légitimité de régimes et de gouvernements étroitement liés aux grands intérêts économiques, avec comme conséquence une résistance populaire croissante.

Répondre au capital

Alors qu’on assistait à une croissante désagrégation de la classe capitaliste et de ses différentes fractions, la tendance était à l’unification et à la solidarité au sein des classes populaires. L’expression la plus achevée de ce front social peut être rendue par ce qui devint un mot d’ordre de masses : « Piquete y cacerola, la lucha es una sola » (« Piquet, casserole, même combat »). Au moment où classes moyennes appauvries et chômeurs occupaient la rue, la délibération collective et l’idée que seule l’action du peuple mobilisé pouvait résoudre les problèmes avaient gagné d’amples secteurs de la population. Ainsi, face à la crise, proliférèrent non seulement la mobilisation et les revendications, mais aussi des ébauches d’autogestion comme les marchés populaires, les groupes d’échange, l’autoproduction dans les mouvements de chômeurs, en même temps que les assemblées populaires gagnaient l’espace public et se l’appropriaient.

Dans leur grande majorité, les entreprises occupées et récupérées ne participèrent pas directement à ces manifestations et à ces débats. Il est cependant impossible de comprendre le phénomène dont des centaines d’entreprises de ce type ont été les protagonistes sans prendre en compte les facteurs agissants et le climat politique de la période. De fait, dans les entreprises en faillite, en redressement judiciaire, ou simplement abandonnées par leurs patrons, la première motivation des occupations fut le souci de défendre le poste de travail dans un contexte social et économique qui faisait de l’occupation et de la résistance sur les lieux mêmes de la production le seul choix réaliste pour conserver son emploi. C’était la réaction ouvrière face au processus de crise et de décomposition. Mais, pour que les travailleurs, ou une fraction d’entre eux, passent outre les barrières morales, psychologiques et culturelles en adoptant des mesures considérées comme illégales et en empiétant sur les droits de la propriété privée, il fallait un environnement qui les protège et qui les légitime socialement. Ce qui imprima le rythme et le dynamisme du processus de récupération, ce fut le soutien populaire, celui des voisins, des travailleurs, de tous ceux qui passaient la porte des entreprises.

Ces conditions générales, imposées par la crise, et la légitimité sociale acquise par les occupations d’entreprises conduisirent par la suite politiciens, législateurs et députés à proposer des lois ou des amendements à des lois existantes comme celle sur les faillites, afin de faciliter la régularisation légale, de canaliser le processus par des voies institutionnelles et de promouvoir ainsi leurs propres carrières politiques. Pour cette raison, il y a eu, au sein du mouvement des entreprises récupérées, une influence très pernicieuse des politiques quiétistes, attentistes, qui diffusaient l’idée que l’occupation, la solidarité, la lutte en commun avec les voisins, les chômeurs et les autres travailleurs, par le fait même d’être des mesures politiques, mettaient en danger la survie des entreprises. Ce furent au contraire le dépassement de la peur et de la paralysie, l’insubordination radicale face aux lois et à l’idéologie établies, qui permirent aux entreprises occupées et autogérées de mener la lutte, de conquérir des victoires, même provisoires, et renouer avec l’espoir d’une société où l’on n’aurait pas besoin de la trique patronale pour créer de la richesse sociale.

Le travail au centre du débat

Au cours de ces journées tumultueuses, les reporters internationaux avaient noté que la population locale défendait les occupations et acceptait la transgression du droit de propriété en lui opposant la prééminence du droit au travail. En terme de conscience politique, c’est l’aspect le plus notable dans ce que les piqueteros [2] et les entreprises récupérées ont mis en jeu. A partir de 2001, il devint légitime de bloquer les routes ou de prendre possession des entreprises. Et on commença à considérer comme un délit social le fait d’abandonner les travailleurs à leur sort, de ne pas payer les salaires, de déménager les équipements en cachette. Et à admettre que les piqueteros bloquent les routes parce qu’ils ont besoin d’être visibles dans une société qui les a relégués socialement, et rendus invisibles. Cette situation n’est pas tombée du ciel. Pendant plus de dix ans, les patrons ont accumulé subventions, baisses de cotisations sociales et réductions d’impôts, toutes choses qui étaient censées générer une augmentation de l’offre de travail. L’introduction de la flexibilité dans le code du travail, la précarisation des emplois, le travail au noir, l’évasion fiscale, tout cela fut offert sur l’autel de la libre concurrence. Les organisations syndicales s’affaiblissaient notablement, et il s’agissait de convertir la force de travail en une marchandise comme les autres, sans autre restriction que celles imposées par l’offre de travail et la demande de main-d’œuvre. Les conséquences de ces politiques furent un accroissement de la concentration du capital et une diminution sensible de la part du travail dans le produit national. Ainsi le chômage d’un côté, l’excès de travail et la précarisation de l’autre, contribuèrent à augmenter les profits sur un mode régressif, avec une augmentation parallèle des inégalités, de la pauvreté et de la misère. Le paradis promis par le discours de la démocratie et du marché s’était évanoui, comme un mirage dans le désert.

Ce cercle infernal de l’exploitation capitaliste fut mis en évidence lors de la phase la plus aiguë de la crise. L’expropriation des économies des classes moyennes et l’exclusion de la production d’une immense main-d’œuvre surnuméraire donnèrent lieu à une remise en cause généralisée de la confiscation capitaliste. Dans les faits, le peuple considéra comme légitime de s’en prendre à la propriété des expropriateurs et défendit le droit au travail contre le sacro-saint droit de la propriété privée. Confrontés aux vidages des équipements ou des stocks, ou aux faillites, les travailleurs décidèrent de ne pas rentrer à la maison comme c’était le cas par le passé, mais de rester dans les entreprises, rivés aux postes de travail, pour occuper et pour résister.

Le processus de récupération des entreprises est foncièrement différent de celui des années 1970, caractérisées par un mouvement ouvrier puissant et offensif. Les occupations actuelles, plus défensives, sont pourtant une étape, pas encore significative sur le plan numérique mais importante sur le plan idéologique, d’une prise de conscience, d’une recomposition embryonnaire. En liaison avec l’émergence du mouvement piquetero, il s’agit là des premières réponses d’une nouvelle classe ouvrière, produit de la période de reconversion et de restructuration capitaliste vécue par l’Argentine dans le cadre d’un processus mondial de mise en pièces des capacités sociales et politiques de résistance ouvrière.

Droit de propriété et mouvement social face à face

Dans les années 1990, l’opinion publique avait été conditionnée dans l’idée que fonctionnaires et cheminots font main basse sur les entreprises publiques et prennent les usagers en otages. A l’inverse, dans la période ouverte par la résistance au gouvernement De La Rua et par la chute de ce dernier, les masses se sentirent otages des entreprises privatisées qui proposaient les tarifs les plus élevés du monde, et les services les plus médiocres ; les rapports de force sociaux et idéologiques en furent substantiellement modifiés. Les modifications ou les entorses au cadre légal en vigueur furent imposées par cette nouvelle donne sociale : il fallait trouver une solution, même provisoire, au problème des entreprises occupées et gérées par les travailleurs. Cette solution ne fut pas fournie par le droit : ce furent au contraire les luttes et les mobilisations sociales qui imposèrent de nouvelles normes au nom de l’utilité sociale.

Le soulèvement argentin ouvre une période de confrontation directe entre deux droits, le droit de propriété et le droit du travail. Marx avait soutenu que la lutte pour la détermination du prix de la force de travail, le salaire, mettait en présence deux droits égaux et opposés, et que « droit contre droit, c’est la force qui décide ». Dans les dernières années, nous avons été confrontés à une variante de ce conflit. Le droit n’a été qu’un sous-produit du résultat de la confrontation sociale. Le fait de le doter d’une vie autonome, indépendante des rapports de force sociaux, a été à l’origine de toute une conception institutionnaliste qui a bien souvent désarmé les travailleurs en occultant les potentialités inhérentes à leur propre force en mouvement. Dans certaines situations, il est totalement légitime de recourir à des arguties légales, ou d’aboutir à des compromis provisoires comme peuvent l’être la possession temporaire pour deux ans, ou même le paiement d’un loyer. Mais tout cela ne saurait être enjolivé ; il faut au contraire dénoncer ce qui est une tentative pour maintenir ces entreprises dans une sorte de précarité légale et en même temps une canalisation par le pouvoir, destinée à éviter la généralisation du processus. Il n’avait pas été possible de déloger les travailleurs de Lavalán de Avellaneda, d’Acrometal, de Brukman, de Zanon ou de Gatic, et aucune autre mesure de répression étatique n’avait pu faire reculer le processus d’occupations ; aussi, on eut recours aux expropriations provisoires, susceptibles d’être remises en cause rapidement, et onéreuses de surcroît, puisque le collectif ouvrier devait s’acquitter d’un loyer. Dans beaucoup d’entreprises, on en vint à convaincre les ouvriers qu’ils ne pouvaient toucher ni aux machines, ni aux matières premières et qu’ils devaient attendre pendant des mois une solution légale, alors même qu’ils ne touchaient plus un centime.

La prise de possession et de contrôle de l’entreprise, la remise en marche de la production n’ont pas du tout les mêmes conséquences politiques que l’attente d’une solution judiciaire et le choix d’indemniser les propriétaires. Dans un cas se créent les conditions nécessaires à l’émergence d’une nouvelle classe ouvrière, militante et combative. Dans l’autre, on reproduit les conditions de subordination et d’apolitisme dans lesquels le marché capitaliste maintient les rapports sociaux de production. Les résultats ne plaident pas en faveur de la passivité ou du légalisme. Si les capacités de production sont bien meilleures dans les entreprises où il n’y eut pas d’occupation, et où il y eut un compromis sur des bases légales, que dans celles qui connurent occupation et résistance active, il n’en va pas de même pour ce qui concerne les expropriations. 57 % des entreprises occupées par les travailleurs furent expropriées, alors qu’il n’y eut expropriation que dans 37 % des entreprises non occupées [3]. Ainsi les entreprises qui avaient lutté, qui avaient pris des mesures radicales et avaient acquis une visibilité sociale, purent faire pression plus efficacement sur les pouvoirs publics, et leur imposer plus d’expropriations.

Une enquête sur les entreprises occupées et récupérées de la ville de Buenos Aires montre que les niveaux d’égalitarisme, de liberté, de conscience et d’identité de classe sont notablement supérieurs là où se sont développés conflits et occupations. Elle nous montre aussi le rôle de l’expérience et de la conscience de classe dans le dépassement du statut d’ « associés » de leurs ouvriers, dans leur identification aux autres travailleurs [4].

Gestion ouvrière et parasitisme patronal

« Elles ont montré par des faits, non plus par de simples arguments, que la production sur une grande échelle et au niveau des exigences de la science moderne pouvait se passer d’une classe de patrons employant une classe de salariés ; elles ont montré qu’il n’était pas nécessaire pour le succès de la production que l’instrument de travail fût monopolisé et servît d’instrument de domination et d’extorsion contre le travailleur lui-même. » (Marx, Manifeste inaugural de l’Association Internationale des Travailleurs)

Un des aspects les plus subversifs de l’expérience autogestionnaire tient au fait qu’elle rend visible la capacité ouvrière à produire sans qu’il y ait besoin de patron. La prise de contrôle de l’usine et la remise en route de la production par les travailleurs remettent en cause l’idée que les forces productives, créatrices de toute la richesse sociale, procèdent du capital. Lorsque ce dernier disparaît de l’entreprise, ce qui disparaît, c’est aussi l’identification du capital comme seule entité à même de mettre en mouvement les forces productives parce que celles-ci, qu’il s’agisse des machines, des matières premières ou même de la force de travail, préexistent à la production en tant que marchandises. Et qu’elles ne peuvent être mises en mouvement que par qui les paie, c’est-à-dire par le capital. Ce fétichisme, cette réalité inversée de la nature sociale du capital est brisée dans sa logique même par la disparition physique du patron. Maintenant, c’est le travailleur collectif qui personnifie le capital, inaugurant en cela une double logique, par la socialisation de la propriété, en tant que travail et appropriation collective, et par le fait d’être le nouveau propriétaire, privé et indépendant de la sphère productive. La production sans patron possède une valeur idéologique fondamentale : elle démontre les capacités historiques de la classe ouvrière à réorganiser la production sur de nouvelles bases sociales, en contradiction avec le discours capitaliste qui naturalise les relations sociales de dépendance et d’hétéronomie.

Elimination du commandement capitaliste et désaliénation

Marx avait analysé la double fonction du commandement dans la direction d’entreprise. En tant que fonction technique, il est inévitable puisque toute production sociale impose un commandement et une centralisation, qui peut être plus ou moins démocratique. Mais il acquiert un caractère despotique lorsque la production sociale revêt la forme de la production privée capitaliste. Il s’agit alors de subordonner le travail au commandement despotique du capital. Le commandement, bien que présenté comme une simple fonction technique, remplit une fonction économique, sociale et politique ; c’est cet aspect que la gestion ouvrière directe vient interrompre.

La fonction de commandement capitaliste remplit un rôle primordial de vigilance, de réglementation, d’imposition, de domestication : il s’agit en effet de rendre docile une force de travail qui doit être consommée de façon à obtenir le plus de surtravail possible. Dans la mesure où le capital ne peut se reproduire que par l’extorsion continue de surtravail, contrôle social et despotisme politique deviennent indispensables au sein de l’entreprise, afin de garantir une subordination et une discipline constantes et de reproduire ainsi quotidiennement les conditions économiques nécessaires pour relancer le cycle d’extorsion.

Le processus d’expropriation, d’aliénation d’un produit du travail transformé en marchandise est consolidé par l’aliénation des savoirs ouvriers, et surtout par la mutilation des capacités de décision collective. Alors que la production est associative et horizontale, le commandement fonctionne sur un mode individuel et vertical. Et, dans le système capitaliste, ce commandement « est directement et indissolublement lié aux fonctions productives, qui doivent être assignées à quelques individus dans toute production sociale basée sur le travail combiné d’un grand nombre » [5].

Mais, dans les usines dirigées par les travailleurs, le commandement a un contenu réellement distinct. Ainsi, alors qu’est assurée une direction technique inévitable dans un travail coopératif comme l’est celui de la grande industrie, la supervision disparaît en tant que rapport social de domination sur la force de travail. L’élimination du capitaliste et la mise en place de la gestion ouvrière mettent en évidence le caractère politique du rôle assuré par l’armée de contremaîtres, surveillants, directeurs et sous-directeurs : « Les fabriques coopératives démontrent qu’en tant que fonctionnaire de la production, le capitaliste est devenu tout aussi superflu que l’est suivant lui-même le propriétaire foncier » [6].

Tout ceci implique un processus réel de réappropriation de la capacité collective de décision, de direction et d’exécution dans le système productif d’ensemble de l’entreprise. Les ouvriers conquièrent ainsi la totalité complexe, en dépassant une vision parcellaire et unilatérale abrutissante. Et même s’il en résulte une diminution temporaire de la productivité, celle-ci est contrebalancée par une meilleure disposition des ouvriers à l’égard d’un travail dont le résultat leur appartient. La production n’est plus seulement le fruit d’un travail de routine ; elle implique aussi une action politique consciente.

Double logique de la production collective : éléments de réinsertion capitaliste

La suppression du commandement despotique du capital sur le travail se réalise dans la gestion ouvrière selon un seul aspect, celui de rompre la primauté des formes de reproduction du capital, supprimant l’antagonisme entre capital et travail au sein de l’entreprise.

Dans le marché, dans la sphère de circulation des marchandises, le collectif ouvrier est contraint d’apparaître selon la même logique que le capitaliste, celle de la maximalisation du profit.

Cela signifie que l’échelon d’autonomie obtenu par les ouvriers en se réappropriant le commandement technique doit être appréhendé avec ses limitations précises, tout comme le fait que le comportement en tant que capitaliste sur le marché impose, plus ou moins selon les cas, sa reproduction au sein même de l’entreprise.

Ainsi les travailleurs qui sont constitués en tant que capitalistes sur le marché, se voient obligés de rationaliser le processus de production pour augmenter l’exploitation du travail.

Plus on a comme objectif unique la capitalisation de l’entreprise, en commençant par son rachat à l’ancien patron ou aux créanciers la mettant aux enchères (achat de l’immeuble, parfois reprise de l’ancienne dette patronale), plus la priorité sera mise sur l’augmentation de la productivité, ce qui implique parfois le refus d’incorporer de nouveaux travailleurs, la sous-traitance du travail, la réhiérachisation des savoirs et le retour au travail routinier (on n’a plus le temps pour apprendre d’autres métiers, pour faire des rotations sur les postes, pour apprendre à utiliser les nouvelles machines, pour passer par les départements de conception et de commercialisation et pour se consacrer à la solidarité ouvrière, au bien-être commun, à tisser des liens avec la population locale, etc.), jusqu’à donner le primat à la productivité y compris à la salarisation de travailleurs par la coopérative. Dans notre pays de nombreuses coopératives recèlent en leur sein les pires formes de l’exploitation capitaliste.

« Dans la pratique cela se manifeste dans la nécessite de réaliser le travail avec le maximum d’intensité, de l’augmenter ou de le réduire selon les fluctuations du marché et, par là même, demander plus de forces de travail ou en rejeter et la mettre à la rue ; en un mot, exercer toutes les méthodes bien connues qui rendent compétitive une entreprise capitaliste. Dans le cas d’une coopérative de production, il en découle le besoin contradictoire pour les ouvriers de se diriger avec tout l’absolutisme dont a besoin une entreprise et de s’appliquer à soi-même la fonction d’entreprise capitaliste. Cette contradiction finit par anéantir la coopérative de production car, ou bien elle se transforme en entreprise capitaliste normale, ou, si les intérêts des ouvriers sont plus forts, elle se dissout en tant que coopérative ». (Rosa Luxembourg, Réforme ou Révolution).

Plus les travailleurs d’une entreprise autogérée se donnent pour objectif l’insertion dans le marché, plus s’imposent à eux les méthodes capitalistes de direction. Dans les conditions normales du capitalisme, la seule possibilité de survie est d’avoir un rendement efficace. Cette inévitable contradiction exige une dialectique consciente entre la production pour le marché sous supervision démocratique et la participation politique en tant que partie prenante de la classe ouvrière. Pour faire contrepoids aux tendances à la restauration de la hiérarchie qu’imposent les forces du marché, la seule issue est d’utiliser le capital politique accumulé en le mettant au service de l’émancipation de l’ensemble de la classe laborieuse. Cette tension est aujourd’hui plus forte qu’à la période des prises de possession, car, d’une part, le reflux de la situation politique imposé depuis l’ascension du nouveau gouvernement et, d’autre part, la possibilité de donner un cadre légal aux récupérations exigent une plus grande attention aux tâches de production et de commercialisation, surchargeant de tâches techniques et économiques la majorité des travailleurs.

Forme juridique de la coopérative : tactique ou projet social ?

A certaines occasions, on a distingué les acteurs politiques au sein du processus des entreprises occupées et récupérées en fonction de leur attachement aux formes juridiques de propriété. On a ainsi parlé de secteur « pro-coopératives » et « pro-étatisation sous contrôle ouvrier ». Mais cette façon d’aborder le problème revient à mettre l’accent sur les formes juridiques de la propriété et à occulter l’essentiel, le contenu de la stratégie de chaque secteur. Le statut légal de coopérative n’a pas été, selon nous, une option idéologique ni même la meilleure option légale possible. Il s’agissait simplement d’utiliser les recours juridiques les plus faciles, pouvant rapidement être mis en œuvre et utilisés dans le cadre actuel pour s’assurer le plus tôt possible d’un cadre légal minimum pour conserver les lieux de travail. Toutes les entreprises finirent par y avoir recours, y compris celles qui durant un certain temps refusèrent d’inscrire officiellement leur propre coopérative.

Bien qu’historiquement les coopératives furent un réponse de la classe ouvrière aux banqueroutes et au chômage, constituant des pas en avant vers l’auto-gouvernement économique, on peut aussi constater aujourd’hui que sous la couverture légale des coopératives peuvent se cacher les pires formes d’exploitation capitaliste, de détournement de fonds et de corruption. Il arrive que les coopératives ne soient que de simples formes juridiques qui cachent en fait de pures entreprises capitalistes de moyenne et grande taille.

Le système des coopératives a été loué par de nombreux intellectuels qui prétendant voir dans ces unités économiques l’embryon du socialisme ou même une supposée « accumulation socialiste primaire », selon la vision des dirigeants du socialisme réformiste. Pour les courants de pensée autonomistes les entreprises récupérées et les micro actions communautaires des mouvements « piqueteros » constituent un modèle d’autogestion à la marge du marché et de l’argent. Mais le socialisme réformiste n’a jamais pu éviter la prédominance des grandes entreprises capitalistes et la marchandisation croissante du monde social, pas plus que l’autogestion n’a pu remplacer le rôle de l’argent et le marché dans le fonctionnement de la société ou créer véritablement un circuit autoproductif sans argent ou sans la nécessité d’avoir recours aux grands fournisseurs. Il s’agit en fait plus d’un retour vers des formes pré-capitalistes que d’une avancée vers des formes sociales supérieures.

Ce n’est que par le moyen de l’action collective de l’ensemble de la classe laborieuse, éliminant et dépassant la propriété privée et la domination marchande sur la vie sociale, qu’une nouvelle société pourra voir le jour, sans exploités ni exploiteurs. Un tel dépassement de la société de classe ne pourra se faire que par des moyens politiques, c’est-à-dire qui remettent en cause l’ensemble du système social et politique dominant. Aucune accumulation économique, de toute façon incapable de lutter contre l’accumulation capitaliste, ne pourra être autre chose qu’un facteur politique, c’est-à-dire une réserve économique au service de la lutte des classes, de la même manière qu’une caisse syndicale de grève est constituée en prévision les luttes futures.

Les formes juridiques adoptées par les mouvements de la classe ouvrière dépendent de facteurs conjoncturels qui sont entièrement secondaires. Assimiler toute occupation d’usine à un mouvement réformiste et légaliste pour acquérir la forme juridique de coopérative équivaut à dénoncer comme parlementariste tout mouvement socialiste qui se présenterait aux élections législatives. De la même façon, les entreprises qui ont exigé la nationalisation sous contrôle ouvrier, comme Zanon, ont été les entreprises les plus combatives du mouvement. Leur projet de nationalisation sous contrôle ouvrier fait partie de l’objectif de planification économique d’ensemble par le biais du contrôle ouvrier sur la production étendue à toute une branche de l’industrie comme, par exemple, les entreprises de construction de logements, empêchant l’État de reprendre la direction de celle-ci. Cela ne signifie pas qu’il faille faire de la nationalisation un nouvel objet fétiche. Les outils stratégiques fondamentaux des travailleurs sont l’indépendance politique et la perspective de classe, au-delà des formes juridiques qu’ils peuvent adopter. Si le mouvement des coopératives, comme avancée progressiste a eu sa contrepartie dans des déformations mercantilistes et exploiteuses, l’étatisme, comme véhicule de la planification sociale, a lui aussi eu ses contreparties dans la récupération capitaliste des entreprises en crise ou dans le contrôle social et politique répressif exercé par l’État contre les travailleurs.

Enfin, alors que le processus réel de récupération des entreprises concerne surtout les PME et que, dans la période historique actuelle, la nationalisation ne fait pas partie, comme ce fut le cas après-guerre, du programme du gouvernement, la nationalisation comme revendication législative généralisée était une demande irréaliste, et, même si elle reste un programme de lutte digne d’éloges, elle a du être abandonnée comme outil praticable dans la conjoncture.

Il est vrai qu’au sein du mouvement des entreprises occupées et récupérées, il existe des secteurs aux politiques et méthodes différentes. Certains ont entretenu des illusions sur le caractère progressiste du gouvernement Kirchner pour résoudre leurs problèmes. D’autres secteurs, comme celui du Docteur Caro, insistent sur leur alignement avec les gouvernements en place et font des tractations d’arrière-boutique avec un discours qui paraît apolitique. Ils ont imposé aux entreprises de leur mouvement la rupture complète avec les assemblées de quartier, allant jusqu’à fermer des centres culturels comme celui construit par les habitants à Grissinópolis [7].

Les formes de gestion et de participation des travailleurs à l’intérieur des entreprises caractérisent aussi les différents secteurs du mouvement. Alors que certains s’appuient sur la base et font de gros efforts pour accompagner les expériences et le développement de la conscience politique des travailleurs, d’autres ont tendance à se détacher de leur base et à imposer des méthodes verticalistes dans la fonction productive, excluant les travailleurs des débats politiques qui ont lieu au sein du mouvement.

En définitive, les divergences internes y sont nombreuses mais elles peuvent être synthétisées par la plus significative : ou bien la conquête de revendications ouvrières à travers la lutte indépendante, au sein de laquelle la « lutte juridique » et les compromis avec le pouvoir en place n’ont qu’une place secondaire, ou bien la soumission aux lois et aux hommes politiques qui les dictent comme principe directeur, réduisant le mouvement de la classe laborieuse à un client politique et une masse de manœuvre, tout comme le font la majorité des dirigeants syndicaux.

Le travail et sa « dignité »

Le concept de « récupération » était associé à la défense des emplois menacés. Mais la défense de l’outil de travail a été confondue avec l’idée que le « travail rend digne ». La « culture du travail » a des racines enfouies dans de vielles traditions syndicales et politiques, encourageant la division entre ceux qui « travaillent » et ceux qui « pensent » et « font de la politique ». Dans la société capitaliste on ne considère que le travail salarié, c’est-à-dire exploité. De telle sorte que la disposition de temps libre pour un tout petit nombre est le produit du travail exténuant et abrutissant pour la majorité. Le travail que nous connaissons aujourd’hui en Argentine est un travail précarisé de plus de neuf heures par jour en moyenne qui ne laisse pas de temps libre pour les loisirs, l’éducation, l’art et la culture.

Si l’on observe l’évolution du marché du travail dans notre pays ces dernières décennies, on peut constater que les augmentations de la productivité résultant des investissements et des progrès technologiques n’ont pas débouché sur une diminution du temps de travail ni sur l’augmentation du salaire réel mais au contraire sur des licenciements et la surexploitation de ceux qui gardent du travail. Il en résulte une augmentation structurelle du chômage d’un côté et du surtravail de l’autre, avec presque la moitié des travailleurs non déclarés. Parler dans ces conditions de « culture du travail » équivaut à renforcer l’idéologie de soumission au capital. Les travailleurs des entreprises récupérées ne sont pas épargnés par cette logique, ils la ressentent tous les jours dans la mesure où le travail est en compétition par les prix du marché. L’exigence que l’État verse des subventions aux entreprises récupérées, leur fournisse des conditions favorables d’achat, de sécurité sociale, de syndicalisation et autres avantages, constitue des objectifs politiques pour assurer des conditions favorables de reproduction de la main-d’œuvre ouvrière, créer de nouveaux emplois, faciliter la réduction du temps de travail.

Par ailleurs, on a insisté sur l’idée qu’il faille défendre le « travail national ». Cela a été mis en avant par la direction de la CGT et le patronat national. Selon cette conception, les entreprises nationales et les travailleurs partagent un projet commun face au capital étranger. Dans sa version maximaliste on peut considérer que ce drapeau est aujourd’hui aussi brandi par le gouvernement de Kirchner, dont le slogan est : « production et travail » et « un pays pris au sérieux ».

Pourtant les entreprises nationales n’ont pas hésité à faire bloc avec les entreprises étrangères pour impulser des lois sur le travail poussant à la flexibilité, aux licenciements et à la dégradation des conditions de travail. Dans de nombreux cas elles se sont associées et ont fait pression sur le pouvoir politique pour obtenir de nouveaux avantages, comme la réduction des cotisations patronales ou des cotisations à l’ART [8]. Les PME ont obtenu des avantages supplémentaires pour l’exploitation de la main-d’œuvre précaire et des facilités pour pouvoir licencier sans indemnisations. Il n’existe pas aujourd’hui de fraction des capitalistes qui soit disposée à mettre en œuvre un programme de travaux publics, de renforcement du marché intérieur et de redistribution des revenus, exigeant avant tout de ne plus payer la dette extérieure et s’affrontant aux puissances impérialistes et aux pouvoirs économiques étrangers qui dominent aujourd’hui la vie nationale.

La sortie de la stagnation économique et de la décadence nationale n’est donc pas aujourd’hui la préoccupation d’une classe patronale nationale sur laquelle il faudrait s’appuyer, elle dépend des forces créatives des travailleurs. Cette délimitation stratégique amène le mouvement à prendre des orientations politiques très différentes, en premier lieu en ce qui concerne la claire démarcation d’avec le gouvernement actuel.

Nouvelle étape, nouveaux défis

La présidence Kirchner représente une rupture avec la période ouverte en décembre 2001. Non pour les résultats de sa politique mais pour la forme qu’a prise la recomposition du régime politique. Le sauvetage d’un système politique à bout de souffle ne pouvait se faire en reprenant de vieilles formules et les discours néolibéraux. Le pouvoir ne pouvait être repris en main qu’en répondant à certaines revendications populaires. C’est ce qui explique que le discours de Kirchner a été très différent de ceux de De La Rua ou de Menem : reprise de certaines revendications des organisations des droits de l’homme, rénovation de la Cour Suprême, prise de parole quotidienne à propos des querelles avec le FMI et certaines entreprises privées. Même si Kirchner ne représente pas une continuité linéaire avec les précédents présidents, sur le fond, son rôle essentiel a été de sauver le régime et ses partis en piteux état après l’insurrection populaire. Même si ses discours sont en rupture avec ceux parlant des vieilles « relations charnelles », la politique extérieure de l’Argentine se caractérise par son alignement sur l’administration nord-américaine. Sur le plan interne, Kirchner a conservé les fondements essentiels de la politique néolibérale, maintenant le même schéma que dans les années 1990 pour ce qui concerne les privatisations, le marché du travail, les AFJP [9] et le sauvetage des banques. S’il reçoit aujourd’hui le soutien de secteurs importants de la population, il n’incarne pourtant aucun projet d’indépendance politique ni de souveraineté économique. Bien que le cycle économique se soit retourné et qu’il y ait eu des taux de croissance de plus de 8 % du PNB pendant presque 3 ans, le chômage continue à être à 16 % et les conditions de précarité se sont aggravées. Les riches étant plus riche et les pauvres plus pauvres.

Le flux et le rythme des récupérations d’entreprises a diminué, car la croissance économique a réduit les faillites et ouvert des possibilités pour que les travailleurs des entreprises en faillite cherchent d’autres emplois dans d’autres secteurs. Les conditions actuelles des entreprises récupérées se caractérisent par leur grande instabilité et par leur précarité légale et économique. Pendant que le gouvernement subventionne les banques et les débiteurs, il abandonne à leur sort les entreprises récupérées, ce qui ne l’empêche pas de venir à plus d’une occasion se faire photographier devant. La lutte difficile pour imposer une loi nationale d’expropriation qui facilite les occupations et la détention définitive des entreprises non seulement en cas de faillite mais aussi face au démantèlement et au boycott est encore à l’ordre du jour.

Le mouvement d’occupation et de gestion ouvrière garde un courant de sympathie dans l’opinion. Malgré toutes les différences qui subsistent dans le mouvement, il existe des bases communes pour unifier toutes les entreprises à la faveur d’une loi d’expropriation, en réalisant pour cela une large campagne et un plan de lutte, en complément du soutien apporté aux entreprises n’ayant pas encore de droit de détention légal ou qui ne peuvent pas faire démarrer la production faute de capitaux ou de matières premières. Pour assurer le succès de cette campagne il faut capitaliser en commun entre tous les secteurs du mouvement et planifier les moyens de lutte à utiliser. Toutes les autres revendications, des expropriations qui sont encore en cours, jusqu’à la demande de subventions et d’autres besoins doivent se placer dans cette perspective générale et unificatrice.

En même temps, nous avons besoin d’être plus que jamais partie prenante de la lutte de la classe laborieuse dans son ensemble et de ne pas nous replier sur nous-mêmes et nous isoler. Il nous faut participer activement au mouvement ouvrier, soutenir les luttes salariales en cours, ainsi que toute les tentatives de regroupement sur des bases de classe pour récupérer les organisations syndicales. Notre meilleur capital est la participation active et militante à la lutte des classes au côté de l’ensemble des travailleurs.

De l’expérience autogestionnaire à l’objectif de changement social

Marx avait prévenu que « si utile que puisse être en pratique le travail coopératif, s’il reste cantonné au sein du cercle étroit des efforts fortuits d’ouvriers isolés, jamais il ne réussira à arrêter le développement à progression géométrique du monopole, à libérer les masses, ou au moins, à alléger de façon perceptible le poids de leur misère » (Manifeste inaugural de l’Association Internationale des Travailleurs). Cela est aujourd’hui mille fois plus vrai qu’au XIXe siècle. Le processus de privatisation et de concentration capitaliste ne laisse que des espaces ridicules à la production coopérative à grande échelle, surtout dans les grandes entreprises stratégiques. Même si la gestion ouvrière joue un rôle pédagogique fondamental, elle est certainement infiniment moins capable de jouer un quelconque rôle économique dans l’émancipation des travailleurs que par le passé. Le grand capital, qui assure le développement des forces productives, l’extension des multinationales, la pénétration de la grande propriété capitaliste jusque dans les pores les plus minuscules de la société, là où aucune coopérative ne pourrait aller, concentre entre ses mains les ressorts fondamentaux de la production et de la reproduction de la vie sociale.

Seule « l’extension du coopérativisme aux dimensions nationales » pourrait aboutir à une réorganisation de la production sur de nouvelles bases sociales avec, comme point de départ, la récupération par toute la société des moyens de production fondamentaux. Un nouvel horizon social requiert l’unité de la classe, articulée par le biais d’un projet politique émancipateur, le dépassement de tout particularisme, de tout corporatisme, pour embrasser la cause commune de nos intérêts d’ensemble.

SANMARTINO Jorge, Les travailleurs de la Coopérative Bauen

19 octobre 2005

Notes

[1] Antonio Gramsci, « Notes sur Machiavel, sur la politique et sur le Prince moderne ». In Gramsci dans le texte, Éditions sociales, Paris, 1975.

[2] Les « piqueteros » (ceux qui font des piquets) sont des travailleurs privés d’emploi. Constitués en réseaux, notamment le MTD (Movimientos de Trabajadores Desocupados), ils organisent des actions directes comme des piquets, des sit-in, des blocages de routes. Avec des subsides de l’État, ils ont également organisé des activités communautaires.

[3] Las empresas recuperadas en Argentina, Rapport de la deuxième session du Programme de Faculté Ouverte de la Faculté de Philosophie et de Lettres de la UBA, juin 2005, p. 58.

[4] Julián Rebón, Desobedeciendo al desempleo, Ediciones PICASO-La Rosa Blindada, 2004, p. 107.

[5] Karl Marx, Le Capital, Livre III, Chap. XXIII

[6] Karl Marx, idem.

[7] Grissinópolis : la ville des « grisines » (gâteaux apéritifs). Usine de Buenos Aires récupérée sous forme de coopérative légalisée après une longue grève avec occupation en 2002. Elle comportait également un centre culturel et artistique Grissicultura utilisé pour promulguer des actions de solidarité.

[8] ART, Aseguradora de Riesgos de Trabajo. Assurance contre les risques au travail. Les employeurs ont l’obligation de cotiser mensuellement à de telles assurances.

[9] Système privé de retraites instauré après l’abandon dans les années 1990 du système de retraite par répartition. Il est très onéreux et offre de très faibles garanties aux salariés

* Paru dans Inprecor n° 519, de juillet-août 20006. Traduit par P.C. et J.R. (de l’espagnol).

* La Coopérative Bauen est une des entreprises argentines reprises par leurs travailleurs. Jorge Sanmartino est membre du groupe des Économistes de Gauche (EDI). Cet article, produit des échanges et du débat collectif, reprend des textes antérieurs à la lumière de l’expérience accumulée en plus de 4 ans d’occupations d’entreprises. Il a été écrit en vue de la première rencontre latino-américaine des entreprises récupérées.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message