Implant mammaire frauduleux : "une démarche capitaliste" pour l’avocat de l’entreprise

lundi 6 août 2012.
 

3) Implant mamaire. Pour l’avocat de PIP, l’escroquerie est une « démarche capitaliste »

Alors que Jean-Claude Mas, le PDG de la société PIP accusée d’avoir implanté des prothèses potentiellement cancérigènes à plus de 30 000 femmes en France, reste introuvable, son avocat a pris hier la défense de l’entreprise au micro de France Info. Une démonstration rare de cynisme. Pas contrariant, Me Yves Haddad a d’abord reconnu que, parmi les deux gels utilisés dans la fabrication des prothèses, l’un n’avait pas, « il est vrai, reçu l’agrément des normes françaises ». Pourquoi l’avoir commercialisé alors  ? Simple  : parce qu’il coûtait moins cher.

De fait, selon les enquêteurs, le gel de silicone non conforme était dix fois moins coûteux qu’un gel conforme et aurait permis à l’entreprise de réaliser un million d’euros d’économie par an. Me Haddad assume totalement ce choix  : « Le problème est un problème de prix de revient et de coût, donc de bénéfice. C’est une démarche capitaliste, et c’est comme ça. Le reste, c’est de la philosophie. Ce n’est pas bien (…) mais c’est comme ça. » Avouons que le raisonnement a le mérite de l’honnêteté  : la priorité absolue d’une entreprise capitaliste comme PIP était donc de faire de l’argent, pas de garantir la santé des milliers de femmes qui se sont fait poser ce type de prothèse. Gageons que la priorité absolue de la justice sera exactement inverse.

Laurent Mouloud,

2) Implant mammaire : le scandale enfle

Selon un des avocats des plaignantes, la société PIP, au courant dès 2007, aurait tenté d’acheter le silence des mécontentes.

La société française Poly Implant Prothèse (PIP), accusée d’avoir commercialisé des implants mammaires défectueux, a-t-elle fraudé en toute connaissance de cause  ? C’est la conviction de Philippe Courtois qui défend quelque 1 300 plaignantes françaises. Hier, l’avocat a affirmé que non seulement l’entreprise avait connaissance dès 2007 des problèmes provoqués par les fuites de gel de silicone de ses implants mais qu’elle avait également tenté d’acheter le silence des femmes mécontentes bien avant que le scandale éclate en 2010.

« PIP a traité directement avec les femmes porteuses de ses prothèses en 2007-2008 et cela aussi bien en France qu’en Grande-Bretagne, a expliqué Philippe Courtois, qui a accès au dossier. PIP aurait proposé 1 500 euros et une paire de prothèses à des femmes non satisfaites. L’information ne remontait pas aux cliniques ni à l’Afssaps (Autorité française de sécurité sanitaire des produits de santé). »

Alors que le gouvernement vient de recommander aux femmes porteuses des implants PIP de se les faire retirer, l’attitude des autorités sanitaires françaises commence à poser question et beaucoup se demandent si l’alerte n’aurait pu être déclenchée plus tôt. Lundi, la Food and Drug Administration (FDA), l’agence du médicament américaine, a publié sur son site une lettre d’avertissement qu’elle a envoyée en juin 2000 à Jean-Claude Mas, fondateur de PIP, soit dix ans avant que la société ne soit l’objet d’une attention particulière de la part des autorités françaises et européennes…

À l’époque, l’enquête menée dans une usine de La Seyne-sur-Mer (Var) avait déjà conclu à des manquements graves dans la chaîne de production des implants (rupture, caractère irritant). La FDA évoque notamment des prothèses « frelatées » et recense au moins onze écarts par rapport aux bonnes pratiques de fabrication. Des mises en garde qui n’ont entraîné à l’époque aucune réaction des autorités françaises.

Laurent Mouloud

1) PIP  : l’inertie des autorités en cause

Le scandale des prothèses mammaires frelatées souligne le manque 
de réaction de l’Afssaps malgré plusieurs alertes. Le rôle des chirurgiens 
est aussi pointé du doigt.

Le scandale sanitaire des prothèses mammaires défectueuses n’en finit plus de rebondir. Après la décision, vendredi dernier, du ministère de la Santé de « recommander » aux 30 000 femmes françaises porteuses d’implants de la société Poly Implant Prothèse (PIP) de se les faire retirer, l’attention se porte sur le rôle des praticiens et des autorités sanitaires, soupçonnées d’avoir trop tardé à réagir dans cette affaire.

De fait, de nombreuses alertes ont eu lieu, en France et à l’étranger, bien avant que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ne décide, en 2010, d’un retrait du marché. Mardi, l’agence américaine des médicaments, a révélé que dès 2000 elle avait fait état de « graves violations » dans le processus de fabrication des prothèses PIP, et adressé alors une mise en garde à l’entreprise sur la qualité de ses implants. Il a pourtant fallu attendre dix ans pour que l’Afssaps diligente une enquête sérieuse et constate à son tour un « taux de rupture » beaucoup plus important des prothèses PIP et, en sus, l’utilisation d’un gel silicone non conforme.

Mardi, la FDA n’était pas été en mesure de confirmer si les résultats de cette inspection de l’an 2000 avaient été communiqués aux autorités françaises. « Mais généralement, a précisé Erica Jefferson, une des porte-parole de l’agence américaine, quand la FDA mène des inspections dans des pays étrangers, les autorités de ces pays sont informées de notre présence sur leur territoire. » De son côté, l’Afssaps a rétorqué ne pas avoir trouvé trace d’un avertissement de son homologue américaine, ajoutant qu’elle n’avait pas à être obligatoirement mise au courant pour un problème qui n’était pas de type sanitaire à l’époque.

N’empêche, le malaise subsiste. Aucune des nombreuses plaintes déposées dès 2000 contre PIP et ses filiales aux États-Unis n’a fait tiquer l’Afssaps. Pas plus que le procès qui s’est tenu en 2006 en Angleterre à la suite de malfaçons sur les produits PIP et qui a débouché sur une condamnation de la firme à verser 1,4 million d’euros. Lorsque, fin 2008, un chirurgien de Marseille va tirer la sonnette d’alarme, plus d’un an va encore s’écouler avant que l’Afssaps ne révèle l’escroquerie… Une inertie étonnante et que n’hésite pas à exploiter l’avocat de PIP. « Si des produits étaient fabriqués avec du gel non conforme, l’Afssaps n’avait pas le droit de l’ignorer, estime Me Yves Haddad. Si elle l’ignorait, c’est qu’elle est négligente. »

« Des prothèses fragiles »

La responsabilité des praticiens est aussi posée. Hier, l’avocat de quatre porteuses de prothèses PIP a annoncé qu’il allait déposer un recours au civil contre l’entreprise, mais aussi contre l’organisme allemand TUV, qui certifiait le gel des implants incriminés et, enfin, les chirurgiens esthétiques des quatre femmes pour « manquement au devoir d’information ». Selon lui, les praticiens auraient dû fournir à leurs patientes une liste des avantages comparatifs des différentes marques de prothèses. « Ils ne pouvaient ignorer que ces prothèses étaient fragiles », souligne Me Laurent Gaudon, qui assure que certains chirurgiens auraient continué à réopérer des patientes avec des implants PIP malgré de précédentes ruptures. En revanche, l’avocat ne vise pas l’Afssaps  : « Moralement oui, parce qu’ils ont désigné TUV et après ils s’en lavent les mains, mais juridiquement non. L’Afssaps n’avait pas les moyens de déceler que TUV n’était pas sérieux. »

Laurent Mouloud, L’Humanité


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