15 décembre 2008 en Grèce : de la révolte à la crise révolutionnaire ? (12 articles)

vendredi 16 décembre 2022.
 

En ce mois de décembre 2008, la Grèce présente toutes les caractéristiques d’une situation pré-révolutionnaire. Nous devons donc être très attentifs aux luttes sociales et politiques qui s’y déroulent..

0) Décembre 2008 : Quel mai 68 à la grecque ?

1) Parti de Gauche, PCF, LCR, MJS, SUD, UNEF, FSU... appellent à manifester en solidarité avec la population grecque ce 12 décembre devant l’ambassade de Grèce

2) La colère grecque se propage Les heurts s’étendent aux petites villes et aux îles. Article de Libération

3) Vive la jeunesse et les salariés grecs ! par Gérard Filoche

4) Grèce : Des émeutes qui traduisent la colère et l’inquiétude de la jeunesse dans un pays en crise Communiqué PCF

5) Aux côtés de la jeunesse grecque. Communiqué de la LCR.

6) Avec les jeunes Grecs, au coeur de l’université polytechnique d’Athènes

7) Force Ouvrière soutient les travailleurs grecs, à l’occasion de la grève générale

8) Grèce : le mouvement gagne toutes les strates de la population

9) Grèce, premier acte d’une crise majeure en Europe

10) La Grèce a été secouée dimanche par une vague de violences urbaines (Le Parisien)

11) Grève générale étudiante en GRECE contre la marchandisation de l’enseignement (par Jacques Serieys le 25 janvier 2007 )

0) Décembre 2008 : Quel mai 68 à la grecque ?

En Grèce la jeunesse en action

« Pain, éducation, liberté » scandaient les étudiants sous la dictature (1967-1974). Les mêmes slogans sont d’actualité. Athènes en flammes. Une situation quasi insurrectionnelle. Mai 68. Le début d’une longue chaîne de réactions. On surveille le centre, c’est la périphérie qui se révolte. Les Grecs montrent l’exemple. Des milliards pour les uns, la misère pour les autres. Une telle société n’est pas vivable. L’assassinat d’un jeune par la police déclenche la colère du peuple. Les symboles du pouvoir sont attaqués, saccagés : Les banques, les magasins de luxe du centre d’Athènes, les bâtiments publics, les locaux universitaires, les portes d’église ... Le Gouvernement bon élève, docile aux directives de FMI, OCDE et Bruxelles, maillon faible en l’Europe, paie ses réformes néolibérales. Les jeunes Grecs refusent d’être une variable d’ajustement. Les salariés réclament leur dû, les étudiants exigent une université publique de qualité.

La France n’est pas à l’abri. Les mêmes symptômes peuvent déclencher les mêmes événements. La France n’est certes pas la Grèce. Les forces de répression en France sont plus organisées, la Presse (Dassault, Lagardère, Rothschild) est aux ordres et l’Université regarde passer les trains de la misère ouvrière.

Les journaux français se contentent de reproduire les dépêches AFP évitant les points sensibles et les causes de la révolte (le fond social, la crise économique, la révolte des étudiants et élèves contre les réformes universitaires).

Le fond social

Le chômage en juillet était de 7% (7,9% en France), 20,9% chez les jeunes 15-24 ans. La pauvreté gagne du terrain. Les marchés populaires sont de plus en plus fréquentés par la population des grandes villes. Des jeunes (anarchistes) dévalisent les supermarchés et distribuent les aliments aux habitants du quartier. La classe ouvrière se défend (relativement) bien malgré la répression des travailleurs en lutte. Le PC à 8% impulse des luttes avec des faibles moyens. La Droite, qui a succédé au PS, depuis 5 ans essaie de placer le programme néolibéral européen que Sarkozy applique en France : attaques contre les retraites, la sécurité sociale, l’Ecole et l’Université, le démantèlement du service publics (hôpitaux, poste, transports, énergie, ports, universités, ...). Le bilan du gouvernement depuis cinq ans est catastrophique : les riches sont plus riches et les pauvres plus pauvres, médecins qui s’enrichissent / hôpitaux publics qui s’appauvrissent, doublement du salaire des juges contre l’impunité des hommes politiques corrompus, vie chère, salaires en stagnation, chômage, impôts, l’église riche qui jouit des privilèges exorbitants, scandales financiers à répétition, politique atlantiste sarkozyste, absence d’Etat, organisation administrative gravement défaillante, …

L’argent ruisselle en Grèce comme en France. Les villas somptueux à la banlieue nord de la capitale trahissent des fortunes colossales (bas salaires, commerces de tout genre, industriels véreux, honoraires médecins et avocats, trafics d’influence, pillage de l’Etat, exploitation des ouvriers étrangers, ...) Un directeur d’un grand service public gagne 40.000€ par mois (carte bleue illimitée, voiture, stock-options). Salaire européen ! Mais pas tout le monde. Le SMIC horaire ouvrier est de 3,8 € (contre 8,71€ en France, en juillet 2008).

Le tout sous la surveillance des « inspecteurs des travaux finis » : Américains et Europe. La semaine dernière l’ambassadeur américain en Grèce menaçait d’arrêter l’importation des médicaments car les sociétés pharmaceutiques américaines n’étaient pas payées à temps ! Quand à Baroso, il a annulé l’aide de trois milliards, sous le prétexte que le déficit dépasse 3% !

Le régime politique

La Grèce, comme la France, est une « démocratie » c’est-à-dire un régime de corruption généralisée. Les scandales se succèdent depuis des années (Droite, PS, Eglise). Une droite classique (autour de 40%) et un PS social-démocrate (autour de 40%) dominent la vie politique depuis la chute de la dictature (guidée par les Américains et tolérée par les Français) en 1974. Le régime politique est un peu plus démocratique en Grèce qu’un France (pas de Sénat, pas de président-roi, proportionnelle quoique renforcée). La droite grecque, débarrassée de la sa composante traditionnelle de l’extrême-droite (dictature récente oblige) a peu de différences avec le PASOK (PS grec). Elle applique bêtement les consignes FMI, OCDE, Bruxelles.

La jeunesse

C’est un invariant grec. La jeunesse se mobilise souvent. Les étudiants sont très actifs. Les jeunes ouvriers étrangers sans papiers sont assez « visibles ». Beaucoup de jeunes diplômés sont sans travail. Ils s’expriment aux manifestations et aux stades de football. Cette génération, dite de 700 euros, voit son avenir bloqué. Le profond malaise s’exprime par un colère non maîtrisée.

Le quartier Exarchia, quartier riche au centre d’Athènes, est l’équivalent du quartier latin parisien des années soixante. Facultés, maisons d’édition, galeries d’art, bars et restaurants pour intellectuels, ce quartier est devenu le centre de contestation des jeunes surtout de l’extrême gauche issus des classes aisées, depuis les événements tragiques de l’Ecole polytechnique en novembre 1973. Le jeune tué par les policiers qui fréquentait ce quartier est issu d’une famille aisée (école privée, son père polytechnicien, directeur d’une banque et sa mère propriétaire d’une bijouterie de luxe au centre d’Athènes). Ces jeunes, issus de la petite bourgeoisie éclairée jouissent d’une certaine immunité (les « connus inconnus »). Les affrontements avec la police, qui utilise des provocateurs, sont fréquents. Un climat de peur s’installe exploité efficacement par le gouvernement (« le beurre sur la tartine » du gouvernement). La peur est une arme du pouvoir. (La droite en France a obtenue 354 sièges sur 487 en octobre 1968, après les émeutes du mois de mai).

L’université

Le Pouvoir (en Grèce comme en France) veut des cours fast-food, du prêt à consommer, du light à tous les niveaux, des produits formatés bien intégrés dans la stratégie du patronat, des citoyens sans esprit critique, des consommateurs dociles qui attendent la bienveillance des profs et des diplômes dévalués.

Les étudiants et universitaires refusent les accords de Bologne (LMD, LRU, ...). Ils refusent l’américanisation de l’enseignement (" L’apprentissage de l’imbécillité dans la culture de l’argent ") et la privatisation de l’université. Ils veulent une « université publique, gratuite et les livres gratuits ».

Déjà en décembre 2007 une grève de trois mois a permis de repousser la modification d’un article de la Constitution qui reconnaît le caractère gratuit et public de l’enseignement en tant que " bien national ".

Sur les murs de l’université d’Athènes ce message :

« Bon voyage Alexis. Peut-être qu’il fallait que tu partes pour que nous nous réveillions. Tu seras toujours dans nos cœurs, le dernier sang innocent. »

(par dimitri.over-blog.fr)

2) Parti de Gauche, PCF, LCR, MJS, SUD, UNEF, FSU... appellent à manifester en solidarité avec la population grecque ce 12 décembre devant l’ambassade de Grèce

Selon un communiqué diffusé jeudi 11 décembre, une trentaine de syndicats, organisations étudiantes, associations, partis de gauche et d’extrême gauche appellent à un rassemblement en “solidarité avec la jeunesse et la population grecques” vendredi en fin d’après-midi à Paris.

Les manifestants se rassembleront à partir de 17h30 devant l’ambassade de Grèce à Paris, précise le communiqué, signé par l’UNEF, Sud-Etudiant, la FSU, Solidaires, l’UNL, la FIDL, ATTAC, la LCR, le Parti de Gauche, le NPA, la JCR, le PCF, les Jeunes Verts, le MJS ou encore le MJCF.

Réponse à la répression

“De larges franges de la population se mobilisent en réponse à la répression de plus en plus grave qui visait déjà ces dernières années toutes les luttes sociales en Grèce et qui vient de franchir un nouveau palier”, avec la mort d’un adolescent de 15 ans tué par un policier le 5 décembre, déclarent ces organisations dans leur communiqué.

“Depuis des semaines, la jeunesse grecque est particulièrement mobilisée contre la privatisation des universités, le manque de moyens pour l’éducation et un avenir fait de précarité généralisée”, ajoutent les signataires. Pour eux, la grève générale des syndicats, mercredi en Grèce, “traduit avec force l’exaspération sociale face à un gouvernement qui multiplie les attaques anti-sociales, qui refuse de répondre aux revendications sur les salaires, les retraites et le droit à l’emploi”.

Les signataires du communiqué “appellent à se rassembler vendredi 12 décembre à 17h30 devant l’ambassade de Grèce”, en “solidarité avec la jeunesse et la population grecques, pour dénoncer la politique répressive et antisociale du gouvernement Caramanlis”. (avec AP) Source : http://tempsreel.nouvelobs.com

2) La colère grecque se propage Les heurts s’étendent aux petites villes et aux îles. Article de Libération

Après une petite accalmie en tout début de matinée, Athènes est redevenue le théâtre de nombreux affrontements entre émeutiers et forces de l’ordre : Ermou, Patission, Omonoia, Syndagma… On ne compte plus les quartiers touchés par l’explosion de colère, quarante-huit heures après l’assassinat d’un adolescent par la police. Même le port du Pirée vient de connaître la première manifestation de violence de son histoire : une dizaine de voitures ont été renversées et brûlées sur la place centrale. Le mobilier municipal a subi des dégâts importants.

Solidarité. En un temps record, la mobilisation s’est étendue comme une traînée de poudre dans le pays. Toutes les villes universitaires - Thessalonique, Patras, Héraklion, Ioannina - ont connu des incidents similaires. Plus inattendu encore : de nombreuses petites villes comme Trikala, Kavala, Komotini, et des chefs-lieux d’îles comme Chios ou Samos, se sont embrasés aussi. Et en signe de solidarité, des étudiants grecs vivant à l’étranger ont occupé symboliquement des ambassades ou des consulats grecs (Berlin, Edimbourg, New York, Londres, etc.).

Cette extension s’explique en partie par le fait que le meurtre d’un enfant de 15 ans a ému toute sa classe d’âge : collégiens et lycéens se sont mis en grève, en signe de deuil. Et ont protesté dans la rue pour la première fois de leur vie. Mais au-delà de l’émotion suscitée par une bavure policière commise de sang-froid, il y a le moment, qui est propice à l’expression des craintes, des frustrations et de la colère latentes dans la société grecque. Clientélisme, népotisme et corruption restent la réalité quotidienne des Grecs, malgré les promesses de « modestie » et d’« humilité » du gouvernement conservateur, qui avait promis de combattre ces fléaux endémiques. La suite ininterrompue de scandales financiers et la publication des sommes astronomiques distribuées à quelques élus ces derniers mois ont achevé de désespérer la jeunesse.

Rage. Ces jeunes, que l’on surnomme la « génération aux 600 euros » en raison des salaires de misère qui leur sont proposés, sont surdiplômés, mais ne trouvent pas leur place sur un marché du travail trop étroit. Ils expriment leur rage hors du jeu politique bipartisan traditionnel (Nouvelle démocratie contre Pasok). Et aujourd’hui, défilent à leurs côtés les autres couches de la population : parents, grands-parents, cousins, qui, tous, souffrent de l’éclatement de la bulle de prospérité grecque sous les effets de la crise actuelle.

de EFFY TSELIKAS

3) Vive la jeunesse et les salariés grecs ! par Gérard Filoche

Face à l’exploitation par les capitalistes, banquiers, actionnaires fauteurs de “crise”, la première explosion sociale européenne a lieu en Grèce ! Les manifestants disent pour la première fois dans un pays d’Europe, qu’ils veulent de l’argent pour l’éducation pas pour les banquiers banqueroutiers... Nous sommes solidaires ! Ils se soulèvent contre une droite et un patronat arrogants, ils ne supportent pas que la police ait tué délibérément un jeune homme, Andréas Grigoropoulos, âgé de 15 ans. Halte à la droitisation policière des institutions, à Athènes comme ici à Paris. Les confédérations syndicales appellent mercredi 11 décembre à une grève générale dans tout la Grèce. C’est un nouveau mai 68 comme il va y en avoir partout, et en France aussi, pour dire que le cynisme des banquiers de grandes multinationales capitalistes qui ont coulé l”économie mondiale et croient qu’ils peuvent continuer à la piller comme avant, en Grèce, en France et partout, ça suffit !

Vive la jeunesse et les salariés grecs qui manifestent en ce moment et feront grève mercredi, vivent leurs revendications légitimes, non à la répression qui les frappe, et non à nos médias qui présentent déjà cela à la sauce Sarkozy comme s’ils s’agissaient de “casseurs”.

Pour l’heure en France, halte aux licenciements abusifs et boursiers ! Les capitalistes français se ruent sur l’aubaine et font des plans sociaux pour faire payer LEUR crise aux salariés. Sarkozy dont c’est le monde, l’idéologie, la politique qui s’effondre, a prétendu qu’on ne pouvait empêcher les licenciements et les salaires : c’est pourtant bien cela la seule réponse a la crise, empêcher les licenciements abusifs, boursiers et sans cause réelle et sérieuse, et augmenter massivement les salaires pour permettre la relance. Il n’y a pas d’autre alternative : aucune confiance aux banques, et aux banquiers, aucune confiance aux actionnaires et aux spéculateurs ! Confiance en ceux qui travaillent et qui produisent, et qui consommeront, si on protége leur emploi face au chantage et si on leur donne immédiatement les hausses de salaires indispensables à la relance. En urgence : Smic à 1500 euros, 200 euros pour tous, et contrôle de la puissance publique par une loi d’urgence qui permette de suspendre tous les licenciements boursiers.

Gérard Filoche, lundi 9 décembre 2009

4) Grèce : Des émeutes qui traduisent la colère et l’inquiétude de la jeunesse dans un pays en crise Communiqué PCF

La mort d’un adolescent de 15 ans tué par la police grecque à Athènes suscite inquiétude et consternation. L’émotion est particulièrement forte en Grèce où le souvenir est resté, malgré les années, du rôle de la police durant la dictature des Colonels.

Les émeutes et manifestations intervenues dans plusieurs villes de ce pays, malgré les excuses du gouvernement, traduisent la colère de la jeunesse. Ces événements s’inscrivent aussi dans un contexte politique national de tensions politiques, de mobilisations sociales et de grèves nationales. Les mouvements étudiants, comme ailleurs en Europe, témoignent d’une grande inquiétude pour l’avenir, pour l’emploi, pour les conditions de vie. C’est un profond mécontentement qui transparaît.

Le Parti communiste français exprime son indignation devant la répression meurtrière qui s’est abattue sur une jeunesse grecque en difficulté et qui s’interroge sur sa place dans la société et dans un pays où la crise s’exacerbe de façon très préoccupante.

5) Aux côtés de la jeunesse grecque. Communiqué de la LCR.

Vendredi 5 décembre, la répression policière systématique des mobilisations étudiantes a franchi un dramatique palier : un jeune de 15 ans, Andréas Grigoropoulos, est mort tué par un policier des « forces spéciales » alors qu’il n’y avait ni manifestation, ni jet de pierres à l’encontre des forces de police.

Depuis, de nombreuses manifestations de protestation des étudiants grecs se sont déroulés à Athènes et dans de nombreuses villes dans un climat de violences policières e plus en plus lourd. Ces événements s’inscrivent dans une situation politique et sociale très dégradée : corruption, scandales financiers et incompétence du gouvernement Caramanlis, opposition des étudiants contre la privatisation des facultés, des lycéens contre le manque de moyens, les réformes scolaires et les salaires de misère qui les attendent à la fin de leurs études.

Mercredi 10 décembre, une grève générale est prévue à l’appel des organisations syndicales contre la remise en cause des droits à la retraite. La LCR, qui partage totalement la tristesse et la colère des étudiants grecs est solidaire de la révolte de la jeunesse grecque contre les violences policières et des mobilisations des travailleurs et de la population contre la répression et la politique du gouvernement Caramanlis. La LCR appelle l’ensemble des organisations de gauche à prendre des initiatives afin de manifester notre solidarité avec la jeunesse et la population en Grèce. Le 9 décembre 2008.

6) Avec les jeunes Grecs, au coeur de l’université polytechnique d’Athènes LeMonde.fr

Leur citadelle n’a pas de mirador, mais des salles de cours. Ils en ont fait leur mur d’enceinte. C’est l’université polytechnique d’Athènes, 13 000 étudiants en temps normal. Trois jours après la mort d’un garçon de 15 ans, tué par un policier, le 6 décembre, à quelques centaines de mètres de là, elle est devenue la principale place forte de ce que certains d’entre eux appellent, déjà, leur "guerre civile". Eux, ce sont des étudiants, des jeunes actifs, des garçons, des filles. Des capuches et des foulards qui les protègent des gaz lacrymogènes dépassent autant de joues barbues que de boucles d’oreilles. Toute une génération en fait : ils ont entre 15 et 35 ans. Toute une société aussi : des smicards, des jeunes cadres, des militants d’extrême gauche, et d’autres pas engagés. Ce sont leurs tenues d’émeutiers vêtements sombres, baskets Converse qui estompent les lignes.

Leur leitmotiv, c’est la haine des "flics, porcs, assassins", équivalent local du "CRS, SS". Au pied des hauts murs beiges graffités de l’université derrière lesquels ils se réfugient entre deux assauts de pavés, on ne parle que cette langue. L’institution qui leur sert de camp de retranchement à de quoi galvaniser : c’est de là, en 1974, qu’est partie la révolte étudiante qui a précipité la chute du régime des colonels, la dictature militaire qui a été à la tête de la Grèce de 1967 à 1974. Aujourd’hui, la loi interdit aux forces de l’ordre d’y mettre un pied. Cette nuit du lundi 8 décembre est la troisième nuit blanche pour certains dans ce lieu d’aubaine. Ils y rêvent à leur tour de renverser un gouvernement, celui de centre droit de Costas Caramanlis actuellement au pouvoir. Ce gouvernement, ils le jugent responsable de corruption et d’inégalités sociales. Responsable aussi de leurs salaires de débutants à 650 euros par mois, de leur obligation de cohabiter, pour beaucoup, jusqu’à 30 ans avec leurs parents.

"On n’a pas de jobs, pas d’argent, un Etat en faillite avec la crise, et tout ce qu’il a comme réponse c’est de donner des armes aux policiers, résume l’un d’eux. Alors ce n’est peut-être pas bien ce que l’on fait, mais au moins, on fait quelque chose."

Les feux de planches auprès desquels ils se réchauffent, à chacune des trois entrées de l’université, finissent en tout cas par plus éclairer leurs cernes que leurs barricades. Car, comme les jours précédents, en plus de combattre, ils ont manifesté, plus tôt dans la journée, dans les rues de la capitale.

LA "GUERRE CIVILE" S’ORGANISE MÉTHODIQUEMENT

Lundi, le cortège est parti de la place Omonia, en fin d’après-midi. Mais très vite, comme la veille et l’avant-veille, les événements ont dégénéré. Certains ont choisi la méthode pacifique. Mais parmi eux, les "koukoulofori" (les cagoulés) avaient envie de plus. Cela a été la nuit la plus violente depuis le 6 décembre.

Dans leur sillage, le centre-ville d’Athènes est ravagé. Dans le périmètre de plusieurs kilomètres carrés qui avait été bouclé pour l’occasion, il n’y a pas 50 mètres de trottoirs qui aient échappé à leurs destructions. Ici, un cinéma entièrement brûlé, là, des dizaines de boutiques incendiées. Les cabines téléphoniques sont systématiquement défoncées, comme les abribus. Les vitrines, caillassées, sont innombrables. Le sapin de Noël qui ornait la grande place centrale de Syntagma a très vite terminé en brasier. Un manifestant hurle dans un haut-parleur : "Du calme les enfants, du calme !" En vain.

Vers 22 heures, le cortège s’est dispersé et beaucoup sont revenus au QG. Là, à l’université polytechnique donc, où après plusieurs heures de jeu de chat et à la souris avec les "MATS" (les CRS grecs), on tousse, on crache, la gorge abrasée par les gaz lacrymogènes qui empestent tout le centre-ville. Là où ça crie, ça explose, ça hurle autour des sirènes de pompiers, aussi nombreux que les policiers. Mais là aussi où, éventuellement, à la cafétéria réquisitionnée, on peut espérer un café tiède.

Dans la cour de la fac, la "guerre civile" s’organise méthodiquement. Dans un recoin, à l’abri des regards, une équipe fabrique des cocktails Molotov. Dans un autre, les propriétaires de scooters et mobylettes assurent à tour de rôle des rondes dans les quartiers alentour. Dans un autre encore, c’est le carré des "koukoulofori", tous dans leur tenue noire, et peu causants.

Au dernier et septième étage d’un des bâtiments en fond de cour, même l’administration est là, recluse. Ils sont une dizaine à veiller à tour de rôle. "Au début on était plus nombreux, mais là, les gens commencent à fatiguer", explique le vice-président de l’université, Gerasimos Spathis. Il veille avec bienveillance, et même avec enthousiasme, sur ce qui se passe dans son enceinte. Notamment parce que, de longue date, le corps enseignant et les directeurs d’université sont profondément opposés au gouvernement, et en particulier à la politique de "privatisation" des facultés. Alors devant des "koukoulofori" qui arrachent les dalles des terrasses du bâtiment pour les jeter du 7e étage où il a trouvé refuge, M. Spathis encourage : "C’est un moindre mal, estime-t-il, si on n’était pas là, il y aurait des morts."

A quelques pâtés de maisons de la citadelle, au carrefour de quatre ruelles poisseuses et étroites, des fleurs et des bougies se sont accumulées à l’endroit où Andreas Grigoropoulos est mort, le 6 décembre. Un bloc-notes de feuilles blanches a aussi été laissé, avec un rouleau de Scotch et quatre stylos. Depuis, des dizaines de mots ont été griffonnés et accrochés sur un pan de mur au-dessus des cierges. Message posthume : "Bon voyage Andreas. Peut-être qu’il fallait que tu partes pour que nous nous réveillions. Tu seras toujours dans nos coeurs, le dernier sang innocent."

7) Force Ouvrière soutient les travailleurs grecs, à l’occasion de la grève générale

Force Ouvrière soutient la CGT en Grèce, à l’occasion de la grève générale du 9 décembre Jean-Claude Mailly, s’est adressé au Président de la CGT en Grèce (GSEE) pour lui faire part du soutien de la CGT Force Ouvrière dans l’action de grève générale qui aura lieu le 9 décembre. Cette action à laquelle avait appelée la GSEE il y a plusieurs semaines, s’inscrit dans une mobilisation syndicale de plusieurs mois. Elle a lieu dans le contexte difficile auquel est confrontée la population en Grèce à la suite du décès d’un jeune abattu par un policier et des réactions que cela provoque.

En Grèce comme en France et dans de nombreux pays, les salariés sont les principales victimes de la crise économique et financière qui sévit aujourd’hui.

Or, les travailleurs subissent depuis de nombreuses années les politiques libérales de baisse du coût du travail (blocage des salaires, flexibilité de l’emploi, affaiblissement des systèmes de protection sociale - retraite, santé, chômage, privatisation des services publics) à l’origine de la réorientation des richesses vers la spéculation au détriment de la part salariale et de la solidarité.

FO avec la GSEE considère que lutter contre la régression sociale et agir pour le progrès social sont essentiels pour la défense et la préservation de la démocratie, des droits de l’Homme et des travailleurs.

8) Grèce : le mouvement gagne toutes les strates de la population

Si les manifestations du week-end, et qui ont été l’occasion de nombreux saccages étaient encore le fait d’une catégorie particulière de la jeunesse grecque, il n’en n’est plus de même ce lundi.

Ce sont désormais des jeunes de toutes origines sociales qui sont dans la rue, peut être bientôt rejoint par les sympathisants plus agés des partis d’extrème gauche lors de la manifestation organisée par SYRIZA lundi à 18h.

Car si l’étincelle réside bien dans la mort d’Andréas Grigoropoulos, 15 ans, cette crise était latente dans un contexte social tendu. On peut y voir la révolte de toute une génération sans avenir, appelée ici la génération des 700 euros. Le système éducatif étant bloqué, chacun doit se débrouiller et ces jeunes surdiplômés ne trouvent pas d’emploi ou alors des jobs payés 700 euros. Le tout dans un système politique plongé dans de nombreux scandales financiers.

C’est aussi ce ras-le-bol qui s’exprime aujourd’hui et on a bien du mal à voir ce qui pourrait calmer les esprits.

Article Lepetitjournal.com

9) Grèce, premier acte d’une crise majeure en Europe par Copas Site Bellaciao

Les évènements courent encore plus vite que ce qu’on pouvait penser.

Nous savions que la crise économique provoquerait des explosions majeures en Europe, sans trop savoir dans quels états et avec quel détonateur.

Depuis maintenant une dizaine d’années des mouvements massifs parmi les travailleurs et la jeunesse ont montré une re-mobilisation sociale considérable en Europe, avec plus souvent de défaites que de succès. Quand on fait le compte de ces précurseurs on est impressionné par leur nombre, leur densité , de la Slovénie à la France, de l’Allemagne à la Grande Bretagne.

Rien que ces dernières semaines plusieurs très gros mouvements ont secoué l’Europe, rassemblant des dizaines et des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs : Italie, Espagne, Portugal, Irlande (ce week end).

La recomposition politique de la gauche en Europe s’accompagne d’une poussée vers la gauche qui fait des vagues, mais ne se dément pas, autre indice d’une re-mobilisation politique évidente dans une partie des travailleurs et la jeunesse.

Cette recomposition se fait dans la douleur, des ruptures sur la gauche de la social-démocratie se produisent, des partis implosent, d’autres renaissent, ou apparaissent.

Cette re-composition se fait maintenant dans le feu d’une crise sans précédent depuis 1929. Il nous faut hâter le pas.

Le feu continu des agressions ultra-libérales en Europe se conjugue maintenant avec une crise économique majeure du capitalisme, ce qui fait le caractère explosif de la situation en Europe est ce double aspect , plus le tous contre tous qui prévaut au concret et au réel dans les politiques de l’UE, désastrant des états-nations entiers qui composent le sous contient européen .

La Grèce est le premier état à craquer et il faudra toute notre solidarité et une pression importante sur la Grèce et l’UE pour que ça ne tourne à un bain de sang de la part d’un régime qui choisira la solution policière plutôt

Ce qui se passe en Grèce est d’une nature beaucoup plus explosive que les émeutes de 2005 en France. beaucoup plus large, beaucoup plus politique dans un contexte de révolte sociale larvée préalable.

La cadre existe donc pour que les choses explosent completement :

1) La majorité de droite n’a qu’une voix de majorité, en risque énorme d’instabilité politique.

2) La police n’est pas justifiée, dans son meurtre, par le gouvernement, dans une grande partie des médias et évidemment dans le camp populaire.

3) La crise économique et sociale tend à l’extreme la situation.

4) Une partie de la jeunesse, révoltée, est prête à affronter les forces de l’état.

5) La gauche révolutionnaire, du KKE à la coalition d’extrême gauche Syriza appellent correctement à la mobilisation et à la grève générale (ces deux courants ont progressé aux dernières élections).

6) les confédérations syndicales appellent à la grève générale.

En haut il y a eut des hésitations ce week end sur ce qu’il convenait de faire (répression ? pas répression ?) , en bas des vents de colère et de rage où se disputent des rancœurs immenses sur la brutalité de l’état et l’accablement dû à l’échec global du capitalisme à améliorer le sort de la population .

Le choix d’aujourd’hui du gouvernement de durcir le ton, les dérapages policiers de plus en plus nombreux, les manifestations spontanées ne rassemblant pas que des jeunes, l’extension des affrontements, précipite la crise.

Le gouvernement grec choisit le terrain de la déflagration.

L’attitude de la classe ouvrière, des travailleurs et des chômeurs, va être déterminante.

Si commence un mouvement de grève massif et d’occupation des secteurs essentiels de l’économie (ports, transports, énergie, usines, fonction publique, etc) la situation tournera à un mai 68 massif dont l’impact serait colossal en Europe tant les enjeux ont changé par rapport à ce qui s’est passé il y a 40 ans.

La situation grecque est d’une extrême gravité.

C’est le premier acte d’une crise majeure en Europe qui risque de connaitre d’autres épisodes crescendo.

Chacun doit se le tenir pour dit.

De : Copas

10) La Grèce a été secouée dimanche par une vague de violences urbaines qui ont fait une vingtaine de blessés au cours de manifestations dans plusieurs villes au lendemain de la mort d’un adolescent tué par un policier à Athènes. Article du Parisien

Des affrontements se poursuivaient dimanche en fin de soirée dans le centre de la capitale, où des dizaines de jeunes étaient retranchés dans l’Ecole Polytechnique et l’Université d’Economie, ainsi que dans d’autres villes de Grèce.

A Salonique (nord), les universités restaient occupées par des étudiants qui jetaient des pierres et des cocktail Molotov contre des policiers qui se trouvaient à proximité.

A Patras (sud-ouest), 200 manifestants ont incendié des poubelles et dressé des barrages dans le centre-ville. A Ioannina (nord-ouest), une cinquantaine de jeunes ont endommagé les façades de plusieurs banques avant d’être dispersés par des forces anti-émeutes.

Bataille rangée

Foyer des violences, le coeur d’Athènes, couvert de fumée, a été le théâtre toute la journée d’une bataille rangée entre jeunes et policiers. Treize policiers ont été blessés, tandis que six manifestants ont légèrement été touchés. Une vingtaine de protestataires ont été interpellés.

A Patras, un policier a été roué de coups par de jeunes manifestants et hospitalisé.

Partout, les jeunes en colère s’en sont pris aux voitures, aux commerces, aux banques, attaqués et incendiés à coups de pierres et de cocktails Molotov. Les forces de l’ordre ont répondu en les dispersant à l’aide de gaz lacrymogènes.

A Athènes, les affrontements se sont concentrés sur l’avenue Alexandras, où se trouve le siège de la Direction générale de la police, et à Exarchia, un quartier bohème qui est le fief de la mouvance anarchiste, situé près des universités et où policier avait tué par balles samedi soir Andreas Grigoropoulos, 15 ans.

Dimanche après-midi, près de 5.000 personnes s’étaient rassemblées devant le musée national, à proximité d’Exarchia, pour marcher vers le quartier général de la police.

A Salonique, deuxième ville du pays, une manifestation a rassemblé 2.000 personnes. Les vitres de la mairie ont volé en éclats, une dizaine de banques et de commerces ont été incendiés ainsi qu’un véhicule de la chaîne de télévision Alpha. Le même scénario s’est reproduit à Patras.

11) Grève générale étudiante en GRECE contre la marchandisation de l’enseignement (par Jacques Serieys le 25 janvier 2007 )

Comme nous l’avions annoncé sur ce site en novembre dernier, les facultés grecques sont entrées début janvier en grève générale illimitée contre la privatisation de l’enseignement. Il s’agit d’une véritable grève de masse du Sud au Nord du pays, jusque dans les plus petits chefs lieux. Les enseignants sont également en grève. La bataille s’annonce rude ; le refus de la marchandisation mondiale de l’enseignement voulue par les libéraux et nombreux sociaux-libéraux se joue à présent en Grèce, pays symbolique dans l’histoire de la culture.

Le combat des jeunes grecs sera d’autant plus difficile que la réforme qu’ils combattent a été proposée voici deux ans par l’actuel président de l’Internationale socialiste, Georges Papandréou. Ses arguments doivent être dénoncés comme ceux d’un suppôt du grand capital international et des cléricalismes de toutes sortes alléchés par une privatisation de l’enseignement : " La révision de l’Article 16 est indispensable pour l’amélioration du système public d’enseignement. Grâce à la création d’établissements non étatiques et sans but lucratif les universités publiques seront contraintes à rationaliser et devenir plus efficaces dépassant ainsi les phénomènes de bureaucratie et stagnation. »

Que dit cet article 16 de la constitution grecque aussi haï par Georges Papandréou : il garantit un enseignement de qualité, gratuit et surtout public pour tous les citoyens grecs.

L’alliance de la droite et de la direction du parti socialiste grec sur ce sujet rend le débouché politique de la grève générale extrêmement aléatoire. Aussi, le mouvement s’est généralisé très vite, s’est durci très vite avec occupation des locaux (274 facs occupées), piquets de grève durs, manifestation se dirigeant sur le Parlement, heurts violents. L’assez forte participation de travailleurs à la manifestation nocturne athénienne est-il le signe d’une possibilité de soutien dans le salariat ? Si tel était le cas, la réforme de l’article 16 serait à nouveau repoussé et une nouvelle gauche apparaîtrait en Grèce ; heureusement !

L’article ci-dessous a été mis en ligne sur ce site en novembre pour donner des informations sur ce qui risquait de se passer. Il garde son actualité.

Vive les jeunes grecs !

La Grèce fait partie de ces pays, avec la France et l’Espagne où les liens entre religion et fascisme ont rendu très sensible la question de la laïcité de l’enseignement.

La droite, le patronat et les milieux cléricaux grecs n’ont jamais pardonné au mouvement étudiant d’avoir fait chuter en 1973 la dictature militaire. De plus le mouvement jeune a fait preuve d’un tel héroïsme cette année-là ( massacre face aux tanks de la junte pour tenir leur fac occupée) qu’il y a acquis une crédibilité politique majeure et une forte politisation à gauche. Des dizaines de milliers de jeunes grecs ont participé au dernier Forum Social Européen d’Athènes.

Quand la droite a été au pouvoir, elle a sans cesse cherché à casser ce mouvement, en particulier en essayant d’imposer une privatisation progressive de l’enseignement supérieur. Ainsi, elle voulut imposer en 1990 un vaste projet de création de facs privées. La grève puis l’occupation de centaines de facs et lycées, malgré une répression dure, ont fait retarder la concrétisation de cet objectif.

Au printemps 2006, la droite au pouvoir a repris une proposition de Georges Papandréou et présenté une loi dont les objectifs sont triples :

- permettre un grand développement des facs privées

- limiter l’accès à l’université pour les milieux populaires (frais d’études, durcissement de l’examen d’entrée en supérieur...)

- diminuer le coût de l’enseignement supérieur pour l’Etat, en particulier en se délestant de nombreuses facs publiques "rurales".

Ce projet avait de grandes chances de passer vu les encouragements en ce sens d’institutions européennes. Quant au président du parti socialiste (PASOK), unique et grand président de l’Internationale socialiste, Georges Papandréou, il s’est illustré en argumentant encore et toujours la nécessité de cette privatisation mais en demandant qu’elle soit "raisonnable".

Heureusement,un mouvement étudiant énorme s’est développé jusqu’en juin, avec assemblées générales quotidiennes, occupation des locaux, coordination nationale...

Les jeunes du PASOK ont mené une bataille soutenue en défense de la laïcité. La réaction de la direction de leur parti et en particulier de Georges Papandréou, président de l’Internationale socialiste ne s’est pas faite attendre : l’organisation des jeunes du PASOK a été dissoute.

En ce mois de janvier 2007, le gouvernement Caramanlis va présenter un projet de loi au Parlement pour modifier l’article 16 de la constitution grecque qui limitait le développement du privé. Papandréou a redit son accord mais il laissera les députés de son parti voter selon leur conscience.

Solidarité avec le mouvement étudiant grec.

Solidarité avec l’ex-organisation jeune du PASOK.

Jacques Serieys

( article d’origine en date du 6 novembre 2006, complété en une, fin décembre ; chapeau de l’article en gras du 25 janvier 2007)


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