Centrale nucléaire et leucémie enfantine

samedi 14 janvier 2012.
 

2) France : Habiter près d’une centrale nucléaire favoriserait la leucémie chez l’enfant

Selon une étude publiée dans l’International Journal of Cancer, les cas de leucémies seraient deux fois plus fréquents chez les enfants vivants à proximité d’une centrale nucléaire. Les scientifiques refusent cependant d’en tirer des conclusions définitives.

C’est de l’avis des chercheurs eux-même une vraie surprise. Une étude de l’ensemble des 2753 cas de leucémies de l’enfant diagnostiqués en France entre 2002 et 2007 montre que la maladie est environ deux fois plus fréquente chez les petits qui vivaient à moins de 5 kilomètres d’une centrale nucléaire lors de leur diagnostic. Une découverte publiée dans l’International Journal of Cancer, une revue scientifique réputée, qui vient confirmer des résultats similaires déjà observés en Allemagne.

En dépit de cette corrélation significative, les auteurs de l’étude, des chercheurs de l’Inserm et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, se refusent à tirer des conclusions définitives, et surtout à faire un lien avec les rejets de substances radioactives gazeuses des centrales françaises.

Trouver la "cause" du "signal"

Ils ont tenté d’établir un lien éventuel entre le nombre de leucémies de l’enfant et la dose d’exposition radioactive - associée à ces gaz - estimée sur leur lieu d’habitation, qui ne dépend pas que de la distance, mais aussi de la géographie des sites et des conditions météorologiques locales (notamment les vents dominants). Mais aucune relation entre la dose estimée et le nombre de cas n’a pu être établie.

"Il y a ce qu’on appelle un signal", explique Jacqueline Clavel, de l’Inserm et co-auteur des travaux. "Nous devons en trouver la cause, puisque la radioactivité n’est pas en jeu. La présence de lignes à haute tension à moins de 600 mètres de l’habitation n’intervient pas non plus dans cette augmentation. Il faudra des études beaucoup plus larges, par exemple à l’échelle de la population européenne."

Parmi les facteurs qui pourraient expliquer l’apparition de leucémies près des centrales nucléaires, les chercheurs évoquent dans leurs travaux "des mélanges de population et l’exposition à des agents physiques, par exemple des radiations naturelles ou artificielles qui ne sont pas pris en compte dans les modèles."

"Un suivi épidémiologique autour des centrales"

Les études épidémiologiques de ce type sont particulièrement difficiles à mener, compte-tenu du faible nombre de cas de leucémies relevé dans un périmètre proche des centrales. De plus, les chercheurs ne connaissent que le lieu du domicile occupé par les enfants au moment du diagnostic de leur maladie. Ils ne connaissent pas l’histoire de chacun d’entre eux, ce qui permettrait de connaître l’exposition réelle à la radioactivité depuis leur naissance. De même, ils ne savent pas où vivaient leur mère durant la période prénatale, une période qui pourrait jouer un rôle dans l’apparition des leucémies.

A l’annonce de la publication de ces travaux, Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement a demandé "au ministre de la santé de mettre en place un suivi épidémiologique autour des centrales et des centres de recherche [nucléaires]." Cela semble la moindre des choses.

1) Allemagne, Grande Bretagne : Le risque de leucémie croît à proximité de centrales nucléaires

SAMEDI 15 DéCEMBRE 2007

Il y a avait le fameux « Kinder Küche Kirche » (enfant, cuisine église) résumant le sort réservé à la femme helvète. En Allemagne, les trois K renvoient à une réalité non moins sinistre : « Kinder, Krebs und Kernkraft » (Enfants, cancers et industrie nucléaire). Une étude commandée par les autorités allemandes en matière de radioprotection a mis en évidence de très fortes corrélations entre le nombre de cancers et la proximité d’une centrale nucléaire avec le lieu d’habitation.

Le rapport a été dévoilé la semaine dernière par le quotidien de Francfort Die Süddeutsche dans son édition du 9 décembre[1]. L’étude a été réclamée par l’Office fédéral pour la protection contre les rayonnements ionisants. La recherche porte sur la période 1980-2003. Elle été menée par l’Université de Mayence en collaboration avec le registre allemand des cancers infantiles. Elle a été supervisée de manière paritaire par un groupe comportant des partisans et des opposants au nucléaire. Ses auteurs ont pu s’appuyer sur un répertoire des maladies cancéreuses ayant frappé des enfants âgés de moins de cinq ans. Ils ont ensuite pris en considération les cas touchant les régions à proximité des seize centrales nucléaires allemandes (soit vingt-cinq réacteurs ou anciens réacteurs). Cela a concerné 1592 enfants, dont 593cas de leucémies.

Avec à l’arrivée, un résultat « statistiquement signifiant ». Dans un rayon de cinq kilomètres autour des centrales nucléaires, le risque de cancer dans cette population augmente de 60%. Dans les cas de leucémies, ce taux est même de 117% de plus que la normale (trente-sept cas recensés alors que dix-sept étaient attendus). « Le risque de développer une tumeur ou une leucémie augmente de manière significative en corrélation avec la proximité du lieu d’habitation et d’un réacteur », relèvent les auteurs de l’étude.

La corrélation est moins élevée, si l’on prend en compte un rayon de 50 kilomètres. Conduite en 1992, une étude précédente, sur une population plus large d’enfants et d’adolescents de moins de quinze ans n’avait pas permis de relever une telle symétrie. Elle tendait toutefois à indiquer, déjà, mais dans une seule région, une corrélation pour les enfants de moins de cinq ans. En Grande-Bretagne, des liens entre installations nucléaires et cancers ont été établis.

Dans ce cas, un rayon de seize kilomètres avait été pris comme référence. Et un doublement du risque de leucémie a été relevé chez les enfants des employés de l’usine de retraitement de Sellafield, rappelle le quotidien le Monde[2]. Des soupçons pèsent aussi sur l’usine de retraitement de la Hague (Manche). Des taux de leucémie six fois supérieurs à la norme chez les enfants sont également constatés dans un rayons de dix kilomètres autour de l’usine.

L’étude allemande a mis dans l’embarras les autorités de radioprotection. En effet, si une corrélation peut être empiriquement constatée, l’étude ne permet pas de l’expliquer. Les modèles actuels ne sont pas pertinents en la matière, les doses reçues par ces enfants à proximité d’une centrale nucléaire étant relativement basses. Selon ces normes, il faudrait des taux mille fois plus élevés pour que des effets sanitaires soient perceptibles. C’est donc bien le problème de la radioactivité à basses doses qui est posé. Le ministre allemand de l’environnement, Gigmar Gabriel, a chargé la commission pour la protection contre les rayonnements ionisants de rendre une étude détaillée sur ces résultats.

En Suisse, la Ligue suisse contre le cancer a décidé de mener une recherche similaire. Ce que réclame la Division de la sécurité des installations nucléaires qui a plaidé, le 11décembre dernier pour un registre national des tumeurs et des cancers (la nouvelle a été relayée par l’Agence télégraphique suisse). Quant à l’Office fédéral de la santé publique, il examine actuellement la recherche allemande et étudie la possibilité de lancer une investigation similaire en Suisse.

[1]Les articles sur ce sujet ont été regroupés dans un dossier consultable en allemand sur le site www.sueddeutsche.de.

[2]Le Monde du 11 décembre 2007.

Philippe Bach


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