L’équation délicate du quotient familial

vendredi 20 janvier 2012.
 

L’économiste Thomas Piketty, qui a largement inspiré le projet socialiste pour sa partie fiscale, milite ainsi pour la suppression du quotient familial et des allocations familiales actuelles, pour les remplacer par un crédit d’impôt forfaitaire par enfant. Ce n’est qu’un volet de la réforme fiscale que François Hollande devra bien dévoiler, un jour ou l’autre. Piketty suggère aussi, à l’instar de Hollande, une fusion CSG-impôt sur le revenu. Grâce à cela, explique-t-il, « les impôts baisseraient pour 97 % de la population, augmenteraient un tout petit peu pour 3 % des revenus les plus élevés ». Question de fond  : quelle est l’unité de base à considérer  : tout individu, l’individu adulte, ou la famille  ? Le projet du PS penche pour l’individualisation, à l’image des pays scandinaves. Question « dont il faudra débattre avec l’ensemble de la société », est-il prudemment ajouté.

Le quotient, conforme au principe de l’équité

Dans un article de mai 2010, Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), défendait à l’inverse qu’il est « absurde de reprocher au quotient familial de ne pas bénéficier aux familles les plus pauvres  : elles bénéficient toutes de leur non-imposition et de prestations spécifiques (allocation logement, complément familial) qui aident ceux qui ne sont pas imposables ».

La politique familiale française se fixe trois objectifs, résume l’économiste  : « assurer un niveau de vie minimal à chaque enfant, assurer aux familles le même niveau de vie qu’aux personnes sans enfant, favoriser l’emploi féminin ». Ce mélange français, mêlant allocations sous conditions de ressources et prestations scolaires à prix réduits d’un côté, allocations familiales de l’autre, le tout tempéré par le quotient familial, réalise « en principe une politique équitable, différenciée selon les besoins des différentes familles », poursuit Henri Sterdyniak. En principe, car deux constats s’imposent. L’impôt sur le revenu est trop faible, 2,9% du PIB contre 4,7% pour la CSG et 10% dans la moyenne de l’Union européenne. Ensuite, « la politique familiale a été dépouillée au profit de la politique de l’emploi, que ce soit pour inciter les femmes à rester au foyer, ou, au contraire, pour les inciter à travailler ». Du coup, pour retrouver le niveau relatif de… 1954, il faudrait quadrupler les prestations familiales versées pour deux enfants.

Exception française, le quotient familial est pourtant le seul conforme au principe de l’équité entre les familles, riches ou pauvres. Ce n’est pas le niveau de salaires qu’il faut considérer, mais le niveau de vie. Et justement, celui des familles avec enfants est inférieur à celui des couples sans enfants. Encore faut-il accepter les contradictions entre les différents objectifs de la politique familiale. Trop centrée sur les plus pauvres, une réforme « se priverait du soutien des classes populaires et moyennes », met en garde l’économiste de l’OFCE. Rappelant cette évidence, la fiscalité est un puissant moyen politique. Henri Sterdyniak soulève enfin un ultime obstacle à sa suppression, « ce serait contraire à la Déclaration des droits de l’homme qui stipule que chacun doit contribuer aux dépenses publiques selon ses capacités contributives ».

Lionel Venturini


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