Cameroun, de la sale guerre à la néocolonie

mardi 24 janvier 2012.
 

La guerre du Cameroun illustre la façon dont l’armée française étendit à d’autres pays ses sinistres recettes algériennes. Une sale guerre qui servit de creuset au régime néocolonial.

L’INDÉPENDANCE PIÉGÉE, de Jean Chatain, Augusta Epanya, Albert Moutoudou. Éditions L’Harmattan, 2011, 26 euros.

Fin connaisseur de l’histoire coloniale, notre confrère Jean Chatain, longtemps en charge de l’Afrique à l’Humanité, signe, avec les 
Camerounais Augusta Epanya et Albert Moutoutou, un passionnant ouvrage sur le Cameroun. Kamerun, l’indépendance piégée retrace avec érudition l’histoire de cette ex-colonie, de ce 18 juillet 1884, lorsque fut hissé, à Douala, le drapeau allemand, jusqu’à la guerre coloniale, puis néocoloniale menée par la France.

Une sale guerre, qui n’a jamais dit son nom, dirigée contre les nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC), dont les dirigeants furent systématiquement éliminés par la puissance coloniale, puis par ses fondés de pouvoir. Ce fut le cas de Ruben Um Nyobé, abattu par des militaires français en septembre 1955, de Félix Moumié, empoisonné par des agents des services français à l’automne 1960, ou encore d’Ernest Ouandié, exécuté le 15 janvier 1971 sur ordre du pouvoir camerounais.

Jean Chatain revient longuement sur l’histoire du mouvement national dans ce pays, depuis la constitution de l’UPC, en 1948. Il inscrit cette histoire dans le cadre, plus vaste, des luttes de libération nationale sur tout le continent. On apprend ainsi comment l’armée française étendit au « pré carré africain » ses sinistres recettes algériennes. L’institutionnalisation de la torture, née de la guerre d’Algérie, fut aussitôt étendue au Cameroun, rappelle l’auteur, archives et témoignages à l’appui. À cette guerre coloniale succéda la guerre néocoloniale, directement menée par la France. Où l’on apprend qu’au moment même où il proclamait l’indépendance, le 1er janvier 1960, le premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, adressait une missive confidentielle à Matignon pour reconnaître aux militaires français les pleins pouvoirs en matière de « rétablissement de l’ordre », pour mener la guerre contre les maquis de l’UPC. 
 Dans une seconde partie, Augusta Epanya interroge ce choix de la violence insurrectionnelle, devenu, selon elle, « incontournable après la recrudescence de la répression et l’interdiction de l’UPC en 1955 ». Albert Moutoudou, lui, insiste sur l’actualité des valeurs défendues, tout au long de leur histoire, par les indépendantistes camerounais. « La conquête de la liberté et de la démocratie constitue la condition sine qua non pour jeter les bases d’une véritable alternative au néocolonialisme », conclut ce dirigeant de l’actuelle UPC.

Rosa Moussaoui, L’Humanité


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