Les candidats à la présidentielle veulent-ils vraiment s’attaquer à l’évasion fiscale ? (CCFD Terre Solidaire)

dimanche 12 février 2012.
 

La quasi-totalité des candidats à la présidentielle affichent leur volonté de combattre les paradis fiscaux, sans avancer de mesures concrètes. Le CCFD-Terre Solidaire présente ses solutions.

L’évasion fiscale en chiffres

Dans les pays du sud, le prix de l’évasion fiscale est estimé à 800 milliards d’euros, soit 10 fois le montant de l’aide au développement.

50% du commerce international passe par des paradis fiscaux.

Le Luxembourg est le premier investisseur en France (source Oxfam)

Le montant de la fraude fiscale internationale annuelle en France, 20 milliards d’euros, représente un tiers du budget de l’éducation.

Les candidats à la présidentielle l’ont unanimement reconnu dans leurs premiers discours : il faut rapatrier la manne que représente l’évasion fiscale et mettre fin aux inégalités entre les entreprises et à la course au moins-disant fiscal entre les pays en développement.

Mais derrière cette belle course au volontarisme en façade, les programmes sont encore flous et les observateurs, échaudés par des années de demi-mesures et de discours incantatoires, veulent pousser les candidats à s’engager sur des mesures concrètes.

Confettis

Depuis la crise financière, Nicolas Sarkozy n’as eu de cesse de communiquer dans ce domaine. En 2009, une loi antifraude renforçait les sanctions contre l’évasion fiscale et imposait aux banques françaises de déclarer leurs filiales dans 18 pays considérés comme des paradis fiscaux. Seulement, la liste n’inclut aucun des pays les plus problématiques, pas même les voisins du Luxembourg, d’Andorre ou de Monaco, sur qui la France pourrait exercer une influence directe. « On met l’accent sur des territoires assez peu stratégiques », peste Mathilde Dupré, chargée de mission au CCFD-Terre Solidaire. « Ce sont des confettis, abonde Maylis Labusquière, responsable de plaidoyer financement du développement à Oxfam France. Certes, la BNP a dû fermer une filiale au Panama après la loi de 2009, mais la banque possède toujours 62 filiales au Luxembourg », s’étouffe-t-elle.

Transparence

Pour dépasser l’« impasse » du débat sur les listes des paradis fiscaux, les organisations demandent aux candidats que les mesures de transparence soient prises directement envers les entreprises. Le CCFD présentait ainsi jeudi 2 février dans son « Pacte pour une terre solidaire » les 16 propositions qu’elle soumet aux candidats pour 2012. Index pointé sur l’évasion fiscale, l’organisation humanitaire propose que les multinationales et les sociétés financières soient contraintes de révéler leurs comptes pays par pays. « Les principales banques françaises ont un quart de leurs filiales dans les paradis fiscaux, dénonce Mathilde Dupré. Pour l’État français, la perte est estimée à 20 milliards d’euros ».

Avec de telles mesures, les sociétés seraient contraintes de détailler pays par pays les noms de leurs implantations, leurs bénéfices, leur nombre d’employés afin que leurs éventuelles manipulations apparaissent au grand jour. Neuf régions de France se sont déjà engagées à exiger une telle transparence aux banques avec lesquelles elles travaillent. « Nous demandons à l’État français de faire la même chose sans attendre un accord au sein du G20, ou une nouvelle liste de l’OCDE », résume Mathilde Dupré. En décembre 2011, l’Assemblée nationale a rejeté un amendement que le Sénat avait introduit pour exiger de tels critères de transparence aux partenaires financiers de l’État.

Les positions des candidats

François Bayrou : invité de l’émission « Des paroles et des actes » sur France 2, le 8 décembre 2011, le candidat du Modem a souhaité reprendre une mesure américaine, adoptée en 2010, qui oblige les banques et institutions financières à déclarer les ouvertures de compte de particuliers ou d’entreprises américaines à l’étranger (le Foreign Account Tax Compliant Act, dit Facta). La mesure ébrèche une petite partie du « secret bancaire » et ne dépend pas de la bonne volonté des États qui fait défaut jusqu’à ce jour pour l’avancée des accords internationaux de coopération fiscale. « Cette mesure ébranle un petit peu ce qui fait l’opacité, estime Maylis Labusquière. On commence à rogner le « secret professionnel » »

François Hollande : le candidat socialiste a annoncé sa volonté d’« interdire aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux », sans détailler la liste de pays considérés comme tels.

Eva Joly : dans sa réponse aux questions d’Attac la candidate EELV s’est dit prête à « élargir la liste française actuelle des paradis fiscaux et conditionner l’octroi de la licence bancaire au retrait de la banque des paradis fiscaux ». Comme François Bayrou, l’ex-magistrate propose une loi équivalente au « Facta » aux États-Unis.

Jean-Luc Mélenchon : le Front de gauche défend un « blocage des échanges de capitaux avec les paradis fiscaux, ce qui contribuera à leur disparition », sans rentrer dans les détails ni dresser de liste des pays concernés.

L’UMP n’a pas encore de candidat et le projet du parti ne fait pas office de programme. Mais, à en croire le président sortant Nicolas Sarkozy le 23 septembre 2009, « il n’y a plus de paradis fiscaux » :

« La France s’est battu pour que les paradis fiscaux, le secret bancaire, la fraude organisée soient terminés, jugeait le chef de l’État à Londres. Qui peut contester qu’aujourd’hui des progrès spectaculaires ont été fait en la matière ? […] Il n’y a plus de paradis fiscaux. »

Pour l’heure, aucun candidat ne s’est prononcé sur des mesures de transparence « pays par pays » exigées aux entreprises et aux institutions bancaires. Le CCFD-Terre solidaire publiera leurs réponses sur son site, mais l’organisation a d’ores et déjà précisé qu’elle ne se prononcerait pour aucun candidat.

2) Jean-Luc Mélenchon et la régulation financière

Jean-Luc Mélenchon estime que la finance a conquis ces dernières années des pouvoirs « exorbitants ». Il compte mettre fin à cette situation et libérer les finances publiques de la pression des marchés financiers.

Pôle financier public

Jean-Luc Mélenchon compte créer un pôle financier public pour établir le pouvoir de la société sur les banques et le crédit. Les institutions financières publiques existantes (Caisse des dépôts, Crédit foncier, OSEO, CNP, Banque postale), banques et assurances seront mises en réseaux dans le respect de leurs statuts et la nationalisation de banques et de compagnies d’assurance.

Ce réseau sera chargé d’une nouvelle mission de service public de crédit et de l’épargne au service de l’emploi, la formation, la croissance « réelle », le financement des PME et la préservation de l’environnement. Les salariés et les représentants de personnel disposeront d’un droit de saisine de ce réseau.

La gouvernance de ce pôle public reposera sur des pouvoirs nouveaux exercés par des représentants de la Nation, des représentants des salariés de ces entreprises et des usagers.

Secteur bancaire

Jean-Luc Mélenchon compte séparer les banques entre leurs activités de dépôts et leurs activités d’investissement. Les établissements bancaires auront l’obligation de financer, à des taux d’intérêt faibles, les projets porteurs d’un renforcement de l’emploi, de la qualification et du potentiel de création de valeur ajoutée sur le territoire.

Comme la BCE est les autres banques centrales en Europe, la Banque de France devra financer un Fonds de développement social, solidaire et écologique européen. Il remplacera le Fonds européen de stabilité financière mis sur pied en mai 2010.

Secteur financier

Jean-Luc Mélenchon souhaite taxer les revenus financiers des entreprises et combattre la spéculation et la financiarisation de l’économie : interdiction des ventes de gré à gré, ventes à découverts et produits spéculatifs. Les échanges de capitaux avec les paradis fiscaux seront bloqués.

Les stock-options, LBO et engagements hors bilan seront interdits et les entreprises tenues à une obligation de transparence financières. Le candidat souhaite également protéger les collectivités des emprunts dits « toxiques ».

Régulation internationale

Au niveau européen, Jean-Luc Mélenchon propose de mettre en place : un contrôle des mouvements de capitaux et le blocage de ceux à visée spéculative ; une taxe sur le capital et les transactions financières ; le contrôle des activités des banques.

Comme au niveau national, il prône la mise sur pied d’un secteur bancaire public en Europe pour favoriser le développement d’un nouveau crédit.

Au niveau international, le candidat milite pour la mise en place d’une taxe de type Tobin sur les transactions financières qui abondera un Fonds de coopération solidaire.


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