A Lavaur, « on s’est servi des enfants » pour accueillir Sarkozy

mardi 14 février 2012.
 

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1) « Sarkozy, Sarkozy ! » (article La Dépêche du Midi)

Ils n’ont pas plus de 12 ans mais ils ont acclamé le président de la République comme les plus fervents des militants de l’UMP, mardi 7 février sur le parvis de la nouvelle mairie de Lavaur (Tarn), petite ville de 12 000 habitants que Nicolas Sarkozy a choisie pour présenter les grandes lignes de sa politique familiale.

Dans ces images tournées par « Le Petit Journal » de Canal+, on voit l’accueil réservé au Président par le petit groupe d’enfants.

« On leur a dit que c’était une grande chance »

Une maman d’élève, émue par ce qu’elle qualifie de « propagande », assure à Rue89 que des consignes très précises ont été fournies aux enfants :

« La veille, on leur a dit qu’on avait la grande chance de recevoir le Président dans notre petite ville, que c’était une aubaine. On leur a dit : “Le Président va peut-être nous donner des sous.” Chacun avait un petit drapeau. Ma fille, elle a 10 ans, m’en a parlé ; elle a refusé d’y aller.

Mais d’autres parents n’ont pas été prévenus. Le papier, une “invitation à aller regarder le défilé” remis la veille aux enfants, n’a pas été mis dans tous les cartables. Toutes les autorisations n’ont donc pas été signées. C’est scandaleux de se servir ainsi d’enfants. »

Dans un courrier envoyé aux parents, il était noté « que les enfants de l’Alae [Accueil loisirs associé aux écoles, ndlr] du centre assisteront au passage du cortège présidentiel sur les allées Jean-Jaurès. Dans l’hypothèse où vous ne souhaiteriez pas que votre enfant participe à cette animation, veuillez le signaler à la direction de cette structure ».

« Je n’ai pas été prévenue ! »

Tous les parents n’ont pas signé l’autorisation, d’autres ne l’ont jamais reçue. Dans La Dépêche du Midi, certains protestent :

« On leur a donné un drapeau bleu blanc rouge et on leur a demandé de dire fort “Vive Sarkozy ! ”. Je n’ai pas été prévenue de cette sortie impromptue. »

« Pourquoi n’ont-ils pas uniquement pris les enfants ayant une autorisation ? Des recommandations très précises ont été données aux enfants : “Bien se tenir, se mettre en rang, crier ‘Sarkozy, Sarkozy’, leur donner des petits drapeaux français pour qu’ils puissent les secouer”. »

La responsable de cette mise en scène est la directrice de l’Alae. Après avoir donné les consignes la veille aux enfants, la sortie sur le parvis de la mairie le mardi 7 février, à l’heure du déjeuner, s’est déroulée sous sa responsabilité. La Dépêche du Midi décrit ainsi sa rencontre avec le chef de l’Etat :

« Il est happé par une animatrice de l’Alae qui l’embrasse. »

Que les enfants profitent de cette journée exceptionnelle

L’Alae et l’école du centre de Lavaur étant injoignables en cette période de vacances, Rue89 a contacté Bernard Carayon, député-maire UMP de la ville. Il nous a renvoyé à la déclaration de son adjoint à au maire chargé des Sports et de la Jeunesse, Joseph Dalla Riva, au quotidien La Dépêche. Il écrit :

« J’ai souhaité, à la fois en ma qualité d’ancien enseignant du public, et compte tenu de mes convictions républicaines profondes, que les enfants inscrits à l’Alae se situant sur le parcours, puissent profiter pleinement de cette journée exceptionnelle.

Le seul objectif était que ces enfants puissent voir le Président, le plus près possible afin qu’ils gardent de cet évènement un souvenir fort qu’ils pourront raconter encore en étant adultes.

Compte tenu des contraintes de sécurité particulières, nous avons eu cette possibilité au dernier moment, ce qui explique certaines imperfections.

Si je comprends les interrogations exprimées, je ne peux en revanche accepter la volonté délibérée de nuire, dont certains font preuve. Les sourires et les visages radieux lèvent toute ambiguïté et peuvent rassurer les parents. Les enfants n’ont pas agi sous la contrainte. »

Peu convaincus par cette explication, beaucoup de parents d’élèves attendent des explications de la mairie et la direction de l’école. Une maman :

« Ils doivent reconnaître que ce n’était pas légitime d’utiliser des mineurs pour faire de la politique. »

Une semaine après, cette visite laisse un goût amer aux habitants. A la polémique suscitée par la présence des élèves de l’école primaire s’ajoute la confiscation d’une banderole par des gendarmes. Mobilisés contre la suppression d’une classe, des enseignants ont déroulé une banderole « Ecole sacrifiée, avenir en danger ». Las, deux gendarmes sont partis avec.

Zineb Dryef | Journaliste Rue89

2) Déplacements bidonnés de Sarkozy : et maintenant les enfants à Lavaur (articles de L’Humanité)

Après le voisinage rameuté pour faire la claque à Metz, après les faux ouvriers à qui l’on demande de faire semblant de travailler près de Longjumeau, voici les enfants d’un centre de loisir à qui l’on impose l’activité "salue le président en secouant ton petit drapeau". Le déplacement que Nicolas Sarkozy a consacré à la politique familiale, mardi 7 février dernier à Lavaur, s’ajoute à la désormais longue liste des visites de pré-campagne bidonnées du futur ex-président de la République.

Cette fois, c’est la Dépêche du Midi qui dévoile le pot au rose. Les services du maire de Lavaur, l’UMP Bernard Carayon, ont organisé dans la précipitation cette "animation" particulière du centre Accueil loisirs associé aux écoles (ALAE) de la ville. Ont-ils été sollicités par le service communication de l’Elysé ? Toujours est-il que la ville admet au quotidien régional un certain cafouillage dans sa mise en place, puisque cette sortie s’est faite sans le consentement de certains parents, ou en donnant de mauvaises informations à d’autres.

Dans la note municipale, il est stipulé "que les enfants de l’ALAE du centre assisteront au passage du cortège présidentiel", mais le lieu indiqué est faux. Les parents ne peuvent donc pas savoir que leurs enfants vont se retrouver à l’intérieur du périmètre de sécurité, directement en contact avec Nicolas Sarkozy et sa cohorte médiatique. La Dépêche note aussi que "des recommandations très précises ont été données aux enfants : « Bien se tenir, se mettre en rang, crier Sarkozy, Sarkozy, leur donner des petits drapeaux français pour qu’ils puissent les secouer »". La vidéo de la visite diffusée par le Petit journal est assez éloquente :

Une semaine après, les parents déplorent que cette animation ait créé deux clans, les pro et les anti-Sarkozy. L’image de défenseur des familles dont souhaitait se parer le prochain candidat de l’UMP à la présidentielle 2012 en prend donc un sacré coup.

3) Visite de Nicolas Sarkozy à Lavaur : la présence des élèves fait polémique (Rue89)

L’enthousiasme trop démonstratif de responsables, normalement astreints à la neutralité, a du mal à passer chez certains observateurs de la visite du président candidat.

140 enfants sur le parvis de l’hôtel de ville de Lavaur. Ils crient : « Sarkozy, Sarkozy ! ». Mardi 7 février, 12h20, le président de la République descend les marches de l’hôtel de ville sous les acclamations des élèves de l’école du Centre de Lavaur. Dans leurs mains, ils agitent des petits drapeaux tricolores.

Le chef de l’Etat s’approche : il est happé par une animatrice de l’ALAE (Accueil loisirs associé aux écoles) qui l’embrasse. Il réussira tout de même à avoir quelques mots gentils pour les petites têtes blondes. Une sortie de l’ALAE qui n’a pas été du goût de tous les parents.

Laure (prénom modifié) s’étonne : « Cela avait l’air très difficile d’approcher le président en raison des barrières de sécurité. En fait, il suffit de promener quelques gamins et hop, on a droit à la bise ! ».

Sortie impromptue

Cyrille Atlan , parent d’élève explique :« L’ALAE a proposé aux enfants de sortir de l’école et d’aller voir le représentant de notre pays. On leur a donné un drapeau bleu blanc rouge et on leur a demandé de dire fort « Vive Sarkozy ! ». Je n’ai pas été prévenue de cette sortie impromptue. ». De son côté, Coralie Lestrade a amené hier matin un courrier à l’attention de Bernard Carayon et de ses employés : « Pourquoi n’ont- ils pas uniquement pris les enfants ayant une autorisation ? Des recommandations très précises ont été données aux enfants : « bien se tenir, se mettre en rang, crier Sarkozy, Sarkozy, leur donner des petits drapeaux français pour qu’ils puissent les secouer » . En revanche, d’autres parents, n’ont pas caché leur satisfaction à ce que leur enfant voit le président. Une note d’information a bien été remise aux parents des enfants de l’ALAE, mais tous les parents ne l’ont pas eue dans le cartable. D’après notre décompte , effectué hier, ils étaient au moins 12 dans ce cas. Dans cette note, il est stipulé « que les enfants de l’ALAE du centre assisteront au passage du cortège présidentiel sur les allées Jean-Jaurès. Dans l’hypothèse où vous ne souhaiteriez pas que votre enfant participe à cette animation, veuillez le signaler à la direction de cette structure ».Or les petits n’ont pas été conduits sur les allées Jean-Jaurès comme indiqué dans la note, mais bien à l’intérieur du périmètre de sécurité, place du genéral Sudre.

Pro et anti Sarko à la récré

A la mairie, on explique que cette « animation » a été faite au dernier moment et dans la précipitation, ce qui expliquerait que la demande soit inexacte et que certains parents ne l’aient pas eue dans les cartables. Cela suffira-t-il à calmer la colère de certains parents d’élèves particulièrement remontés ? « Personnellement nous n’avons pas souhaité que notre fils participe à cette sortie, ce que je constate c’est que cela crée à l’intérieur de l’école deux clans : les pro et les anti Sarkozy, ce qui est particulièrement déplorable », précise Stéphanie Taulelle, une maman.

Hier soir, la ville donnait l’assurance qu’il n’y avait eu aucune manipulation ni des employés, ni des enfants, lors de cette sortie. A 17 h, hier, plusieurs parents distribuaient un tract pour dénoncer ce qu’ils appellent une « manipulation ».

4) Au Sarkozystan, des enfants figurants pour le président

Des gamins ont été « invités » à manifester leur joie de voir 
le président lors 
de sa visite dans le Tarn.

Cette fois pas de faux ouvriers mais de vrais enfants. Tout y était, des bambins au sourire éclatant, agitant des petits drapeaux tricolores, scandant des « Sarkozy  ! Sarkozy  ! », au moment où le chef de l’État descend le perron de la mairie de Lavaur (Tarn), pour l’un de ces voyages express dont il abuse. Le prétexte  ? Disserter sur la politique familiale. Quoi de plus naturel donc d’y associer des enfants, pour produire ces images d’Épinal dont la télévision raffole. C’était le 7 février dernier, et des parents ne décolèrent toujours pas d’avoir vu leurs enfants embrigadés. Car si certains avaient bien vu, glissé dans leur cartable, une anodine « invitation à aller regarder le défilé » du cortège présidentiel sur les allées Jean-Jaurès, d’autres n’ont pas été prévenus. Et n’ont pu, « dans l’hypothèse où vous ne souhaiteriez pas que votre enfant participe à cette animation », comme le précisait le mot, décliner l’invitation.

Le conseil local des parents d’élèves FCPE de Lavaur dénonce « l’excès de zèle et la manipulation » au détriment des enfants, « amenés par la directrice de l’accueil loisirs pour acclamer le président, drapeau à la main ». Ainsi que « la mobilisation exclusive des services techniques pour cette visite, au détriment de la sécurisation des alentours des établissements scolaires ».

Bernard Carayon, le député maire UMP de la ville, renvoie à son adjoint chargé des sports et de la jeunesse. « J’ai souhaité, se défend Joseph Dalla Riva dans la Dépêche du Midi, à la fois en ma qualité d’ancien enseignant du public et compte tenu de mes convictions républicaines profondes, que les enfants puissent profiter pleinement de cette journée exceptionnelle (...), voir le président le plus près possible afin qu’ils gardent de cet événement un souvenir fort qu’ils pourront raconter encore en étant adultes. » Le ton sépia de la scène ne le choque pas outre mesure.

Une maman d’élève, citée par Rue89, confie même que des consignes avaient été données, « bien se tenir, se mettre en rang, crier Sarkozy, Sarkozy. On leur a dit  : “Le président va peut-être nous donner des sous” ». Justement Jacques Valax, député socialiste du Tarn, s’est ému auprès du ministre du Budget du coût du déplacement (qui pourrait être imputé au compte de campagne du candidat)  : « 600 000 euros pour visiter une crèche, tenir une réunion de travail et faire un discours dans lequel il n’a pas voulu “détailler un programme ou dresser un bilan”, semblent être une facture démesurée à l’adresse des contribuables. » Si l’on y ajoute la confiscation par les gendarmes de la banderole que comptaient déployer des enseignants en lutte contre la suppression d’une classe, on nage dans ce que d’aucuns ont renommé Sarkozystan  ; le pays de l’éternel bonheur... d’être président.

Lionel Venturini, L’Humanité


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