Pourquoi nous sommes Alsaciens, laïques et contre le Concordat

lundi 12 mars 2012.
 

Dans un article publié dans Le Monde du 10 février 2012 ("Pourquoi nous sommes Alsaciens, laïcs et pour le Concordat"), Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg, se revendique "concordataire" et affirme appartenir, tout comme les principaux leaders politiques alsaciens – du PS à l’UMP, en passant par le Modem et Europe Ecologie – "à la très grande majorité des Alsaciens et Mosellans, d’obédiences religieuses diverses, laïques ou même athées, qui soutiennent le régime concordataire". Aucune enquête sérieuse ne confirme à ce jour de telles affirmations. Bien au contraire, comme partout ailleurs sur le territoire français, les pratiques religieuses se sont étiolées et la fréquentation des cours de religion dans les établissements scolaires (spécificité d’Alsace-Moselle) ont considérablement diminué.

Comme de nombreux Alsaciens, nous pensons qu’il faut en finir avec le Concordat d’Alsace-Moselle, régime napoléonien dépassé, à l’opposé d’une conception républicaine et laïque de la France. Contrairement à une vision compassionnelle et erronée de la "société alsacienne", le Concordat n’assure pas le "vivre-ensemble" mais crée les conditions d’une séparation communautaire organisée entre les religions elles-mêmes (en excluant tout autre culte que les quatre cultes reconnus) et par ailleurs entre les croyants et les agnostiques ou les athées.

Loi de concorde, la loi de 1905 garantit au contraire, en séparant les Eglises et l’Etat, la liberté de conscience et par conséquent celle de culte. Cette loi de liberté qui doit s’appliquer partout sur le territoire français rappelle que la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte en application des deux principes fondamentaux que sont l’égalité entre les citoyens et l’universalité de la dépense publique.

Le régime concordataire est en contradiction flagrante avec ces deux principes. D’une part, seuls quatre cultes (catholique, protestants réformé et luthérien, israélite) sont reconnus. D’autre part, le Concordat a un coût très élevé pour le budget de l’Etat : plus de 50 millions d’euros ont été dépensés en 2011 pour rémunérer les 1 400 ministres des cultes alors même que, depuis 2007, le gouvernement a supprimé 65 000 postes dans l’Education nationale. Pour le seul Bas-Rhin, plus de 400 postes d’enseignants seront supprimés à la rentrée 2012. L’argent public doit financer les services publics qui sont notre bien commun (école, hôpital, crèches, services sociaux, etc.) et non les cultes qui relèvent des pratiques privées. Il est paradoxal que ceux qui défendent le Concordat suppriment dans le même temps des postes dans la fonction publique d’éducation ou de la santé au nom d’une supposée gestion rationnelle des fonds publics (sous l’effet de la révision générale des politiques publiques).

Outre le régime concordataire, le statut scolaire local (lois Falloux de 1850) est toujours en vigueur dans les établissements scolaires, instaurant l’enseignement religieux obligatoire à l’Ecole et la prise en charge par l’Etat des salaires des "enseignants de religion", prélevés sur les deniers publics de la totalité des citoyens français.

Les tenants du régime concordataire brouillent le débat et cultivent l’amalgame entre le Concordat et le droit social local pour créer des inquiétudes infondées auprès des Alsaciens et Mosellans. Hérité de la période allemande, ce droit local en matière de sécurité sociale est favorable aux salariés d’Alsace-Moselle qui en assument d’ailleurs la charge financière supplémentaire.

Nous considérons que c’est là un modèle dont nous pourrions nous inspirer pour l’étendre aux autres départements suivant le principe d’alignement des droits sociaux par le haut.

Nous, Alsaciens venant d’horizons sociaux, culturels, religieux et philosophiques très divers, attachés à notre patrimoine culturel hérité des Lumières et de la Révolution de 1789, affirmons que la laïcité est le socle de tout projet d’émancipation citoyenne. Celle-ci n’est pas la guerre aux religions, bien au contraire elle met fin aux conflits religieux et aux surenchères communautaires. En toute rationalité, on ne peut se réclamer de la loi de 1905 et soutenir simultanément l’exception concordataire.

par

- William Gasparini, professeur des universités,

- Josiane Nervi-Gasparini, maître de conférences en mathématiques, Université de Strasbourg

- Jean-Claude Val, professeur de sciences économiques et sociales en CPGE, Strasbourg ;

- Alfred Wahl, professeur émérite d’histoire, Université de Metz ;

- Jean-Pierre Djukic, chercheur en chimie, administrateur de l’Université de Strasbourg ;

- Yan Bugeaud, professeur des universités, mathématiques, Université de Strasbourg ;

- Roland Pfefferkorn, professeur des universités, sociologie, Université de Strasbourg ;

- Pierre Hartmann, professeur des universités, littérature, directeur de l’Ecole doctorale des humanités, Université de Strasbourg.


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