« Fusillés pour l’exemple » de 14-18, quelle réhabilitation ?

dimanche 18 mars 2012.
 

Ces hommes ont été les victimes de la bêtise humaine

La Première Guerre mondiale a une spécificité historique, par ses 19 millions de morts et ses 21 millions de blessés. Durant ce conflit, 1,7 million de nos concitoyens sont morts, soit plus de 10 % de la population active masculine. Presque toutes les familles ont vécu la souffrance de perdre l’un des leurs. Ce fut la première guerre d’une telle ampleur, ce devait être « la der des der ». L’horreur des tranchées restera à jamais dans les consciences. Une autre particularité du conflit interroge  : les « fusillés pour l’exemple ». Les historiens s’accordent sur le fait qu’il y eut environ 600 soldats français exécutés pour des motifs divers (sentinelle endormie, insulte à officier, battue en retraite sans autorisation, mutinerie, désertion…) après des jugements expéditifs et arbitraires rendus par des conseils de guerre spéciaux improvisés et sommaires. Ces faits sont à remettre dans le contexte de l’époque. Le front n’était qu’un immense charnier, sous les obus et la mitraille, des hommes ont souffert, douté, ont eu peur. Certains ont refusé de partir à l’assaut, de tuer, à l’époque où le statut d’objecteur de conscience n’existait pas, ou encore d’obéir à des ordres donnés par des officiers incapables. Ces soldats, épuisés par des attaques vouées par avance à l’échec, trempés de sang, plongés dans le désespoir, refusèrent d’être sacrifiés. Malgré un mouvement pour leur réhabilitation qui débuta dès la fin de la Première Guerre mondiale, seules quelques-unes, isolées, furent obtenues. La réhabilitation de ces victimes de la bêtise humaine est une revendication essentielle. L’honneur de la République est en jeu. Le 11 novembre 2008, à Douaumont, le président de la République a rendu hommage aux soldats de la Première Guerre mondiale qui se sont battus jusqu’à la mort dans des conditions effroyables ainsi qu’à tous ceux qui, « un jour, n’ont plus eu la force de se battre », tous ceux « qui furent exécutés alors qu’ils ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches mais… simplement… étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces ». Mais depuis, rien n’a avancé. Le gouvernement répond que cette question est « complexe et sensible ». Le 11 novembre 2011, à Escaudain, devant le monument aux morts pacifiste, étaient rassemblés des militants de la Ligue des droits de l’homme, de l’Arac, de la Libre-pensée, de l’Union pacifiste de France, du Cercle Henri-Barbusse ou encore du Mouvement de la paix. Pour la réhabilitation et bien d’autres combats, tout est question de mobilisation et de volonté politique. Il faut le savoir, mais, en 2006, la Grande-Bretagne a réhabilité, par voie législative, ses 306 soldats fusillés pour l’exemple. Les 5 fusillés néo-zélandais l’avaient déjà été en 2000, et les Canadiens l’année suivante. En France, par conséquent, il faut désormais avancer vite pour la réhabilitation rapide, pleine et entière de tous les fusillés pour l’exemple, morts « par » la France et non « pour » la France.

À l’occasion de l’étude d’un projet de loi sur le 11 Novembre, justement, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche défendirent un amendement pour réhabiliter ces malheureux fusillés. Sa rédaction est simple  : « Les “fusillés pour l’exemple” de la Première Guerre mondiale font l’objet d’une réhabilitation générale et collective et, en conséquence, la nation exprime officiellement sa demande de pardon à leurs familles et à la population du pays tout entier. Leurs noms sont portés sur les monuments aux morts de la guerre de 1914-1918 et la mention “Mort pour la France” leur est accordée. » Les masques, à droite, sont rapidement tombés. Une fois les compliments sur « l’importante question soulevée » relative à ce « dernier kyste mémoriel », on m’a poliment suggéré de retirer notre amendement, le problème « ayant vocation à être abordé dans un autre cadre »  ! Le rapporteur UMP avança qu’il pensait « sincèrement prématuré (sic  !) de vouloir régler cette question aujourd’hui, au moyen d’un amendement ». Qui peut régler le problème, si ce n’est l’Assemblée nationale  ? Le gouvernement avança qu’« une réflexion ministérielle est actuellement en cours quant aux modalités de cette réhabilitation. Elle se révèle, en effet, sensible et complexe, en ce qu’elle doit être examinée sous différents angles  : historique, juridique et politique notamment ». Marc Laffineur, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants, concéda qu’il revient bien à la République de régler ce dossier, mais pour mieux noyer la perspective dans une commission qui devra « examiner les situations au cas par cas », et non par une loi générale. Une première catégorisation fut avancée  : « Pour les soldats tirés au sort alors qu’ils n’avaient rien à se reprocher, la République devra tirer les conséquences de l’injustice du traitement qui leur a été réservé, en réhabilitant ces soldats et leurs familles. » Et pour tous les autres condamnés à mort  ?

Par Jean-Jacques Candelier, député du Nord, secrétaire de la commission de la défense nationale et des forces armées.


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