Nicolas Sarkozy 1 L’apologiste du modèle communautariste religieux

lundi 15 janvier 2007.
 

Beaucoup n’ont retenu de l’ouvrage de Nicolas Sarkozy consacré à la question religieuse,« La république, les religions, l’espérance », que sa suggestion de modifier la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’État. Peu nombreux sont ceux qui ont observé que son ambition réelle est bien plus vaste et qu’elle consiste à faire des religions le nouvel outil de régulation de nos sociétés.

Exagération de notre part ? Absolument pas ! Il suffit de le lire : « Je suis convaincu que l’esprit religieux et la pratique religieuse peuvent contribuer à apaiser et à réguler une société de liberté ». Et d’ajouter,pour être certain d’être bien compris, qu’« on aurait tort de cantonner le rôle de l’église aux seuls aspects spirituels »(1) .

Il puise en fait directement son inspiration des États- Unis. On dit souvent que l’État y est laïque mais que la société y est religieuse. Les Américains,très attachés à leur liberté individuelle,ont toujours préféré en appeler à la charité chrétienne plutôt que d’accorder trop de pouvoirs à l’État.

Ainsi les racines profondément religieuses de l’Amérique associées à son individualisme directement hérité de la conquête de l’Ouest ontpermis de limiter le poids de l’État dans la société américaine. On comprend mieux alors la fascination de Nicolas Sarkozy pour le modèle américain  : substituer à la solidarité nationale de nouvelles solidarités, essentiellement communautaires, est le moyen de réduire le poids de l’État et de la sécurité sociale dans l’économie française.

Le président de l’UMP plaide donc pour une transformation radicale des relations entre les églises et l’État et un retour en force des religions dans les affaires publiques.On l’a vu proposer de construire des lieux de culte pour résoudre les problèmes des banlieues ! Mais pourquoi alors ne pas déléguer aux prêtres,aux imams etaux pasteurs un rôle de maintien de la concorde dans les quartiers ? Et pourquoi alors s’arrêter aux seuls problèmes des banlieues ? Les religions peuvent légitimer un retour à l’ordre moral dans les domaines de la santé publique et de l’éthique ou se substituer progressivementà notre État Providence.

Cette relégitimation du rôle politique et social des églises prônée par Nicolas Sarkozy n’est pas sans danger.

Elle s’est tout d’abord traduite par l’intronisation de l’UOIF - une organisation musulmane intégriste et minoritaire - comme représentant officiel de l’Islam de France. Nicolas Sarkozy se revendique comme l’ami exigeant des musulmans,il est en fait devenu l’avocat de l’UOIF.

Cette politique de relégitimation fragilise ensuite l’autonomie des cultes car en accordant des droits etdes obligations aux religions,Nicolas Sarkozy propose en fait de renouer avec le régime bonapartiste du concordat de 1801 qui avait organisé un régime de cultes reconnus par l’État. Revenir sur la laïcité, c’est en effet amener l’État à faire le tri dans les philosophies, les croyances et les opinions !

Cette politique organise enfin,et de fait,la promotion des mouvements sectaires et des intégristes. En effet,en octroyantun statutaux religions,Nicolas Sarkozy pose inévitablementla question de la définition de la religion. Quelles sont les religions qui pourront prétendre à ce statut ? Que faire avec les mouvements fondamentalistes et avec les sectes qui revendiquent le statut de religion ? On sait que les témoins de Jéhova ontd’ores etdéjà obtenu des tribunaux français le statutde religion.Àqui le tour sous l’empire des idées sarkozystes ? L’église de la scientologie, les Raëliens, ou encore l’Ordre du Temple Solaire ?

Attardons nous donc, tout au long de ce chapitre, à disséquer les idées du président de l’UMP,véritable apologiste du communautarisme religieux. Cet exercice est aujourd’hui d’autant plus utile que,fidèle à sa nouvelle stratégie de « la rupture tranquille », le président de l’UMP veut rassurer et atténuer les craintes et les peurs que son discours a fait naître parmi les Français.Il se faitdonc aujourd’hui le chantre de notre République laïque et le premier rempart contre le communautarisme : il dénonce à Périgueux,le 12 octobre dernier,« la République (qui) s’abîme dans le communautarisme » et en appelle à cette France qui « ne veut pas de la confusion entre le spirituel et le temporel ».

Mais cette nouvelle posture ne doit pas nous induire en erreur, elle n’est que le camouflage d’un projet de société directement importé des États-Unis et tendant à réguler la société par les religions. Un projet qui inquiète, à juste titre, et qu’il lui faut donc désormais, le temps de la campagne électorale,mettre en sourdine. Mais un projet qu’il est facile de débusquer car Nicolas Sarkozy y avait consacré une bonne part de son énergie et de ses discours au cours des dernières années.


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