« ANCIEN LIBÉRAL, ÉCŒURÉ PAR LE MONDE DU TRAVAIL, JE VOTERAI MÉLENCHON »

vendredi 20 avril 2012.
 

A priori, François Kahn n’est pas tout à fait l’image qu’on se fait d’un militant du Front de Gauche. Pourtant, la profonde inhumanité à laquelle il a assisté dans le cadre du travail l’a poussé à abandonner ses idées libérales. Il raconte son parcours pour Le Plus.

J’ai 30 ans, je travaille dans le privé depuis 6 ans, et je fais partie des 5% des contribuables français qui paient le plus d’impôts. Mes intérêts devraient me conduire à voter pour le candidat PS ou UMP à l’élection présidentielle. Mais le 22 avril, je ne voterai ni pour François Hollande, ni pour Nicolas Sarkozy, mais pour le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon.

Je n’ai pas toujours voté à gauche. Je suis issu d’un milieu de droite, et à mon arrivée à HEC en 2001, je m’identifiais clairement au libéralisme économique porté par la droite. Mon libéralisme s’étendait aux questions de mœurs, ce qui me rapprochait du PS et m’éloignait de ma classe politique d’origine.

Une conversion radicale à l’antilibéralisme

Aujourd’hui, je rejette radicalement le libéralisme économique, tant celui de l’UMP, que celui du PS avec son vague souci de protection sociale. Cette radicale conversion à l’antilibéralisme économique n’est pas le fruit d’un endoctrinement idéologique ou d’une recherche d’iconoclasme bobo-isant. C’est la fréquentation du monde du travail à son plus haut niveau, celui des cadres de direction générale, c’est l’expérience intime de ce qui se passe à la tête des entreprises modernes qui explique ma conversion à cet antilibéralisme. Mon témoignage n’est pas celui d’actes délictueux devisés au sein des directions générales.

Ce dont j’ai été témoin est à la fois plus simple, plus grave et plus fréquent. Au cœur du soi-disant capitalisme de l’intelligence, j’ai vu une dévalorisation systématique des capacités intellectuelles dans le travail, la destruction et une valorisation systématique des tâches les plus formelles et superficielles, les moins approfondies, les moins créatives. Mon témoignage est une critique du libéralisme économique au nom du travail bien fait, au nom du travail qui assure le progrès économique d’une entreprise dans son ensemble et d’une société dans sa globalité.

Pression managériale

J’ai vu les méfaits de la technocratie managériale dans le privé. J’ai vu des assistantes travailler de 9h à 20h, sans heures supplémentaires, sans jours de récupération. J’ai vu des collègues, cadres supérieurs aguerris, formés dans les meilleures écoles et passés avec succès par des banques d’affaires ou des cabinets de conseil, craquer et fondre en larmes au milieu d’un bureau partagé sous la pression exercée par le management.

J’en ai vu partir régulièrement en arrêts maladie pour surmenage (le “burn out”), se gaver d’antidépresseurs, puis revenir, à peine plus reposés, quelques semaines plus tard, prêts à se ré-user, cumulant tics nerveux, prise de poids, cheveux qui tombent, ongles rongés, et parfois d’étranges et subites paralysies faciales ou corporelles n’ayant d’autres explications autre que celle de la pression et du surmenage.

J’ai vu une fuite en avant pour faire toujours plus toujours plus vite, sans se soucier vraiment de faire mieux. Sans se soucier des conséquences à long terme. Plus on monte dans la hiérarchie, plus les postes et fonctions sont plastiques, les responsabilités floues et les évaluations de court terme. Quelques années après, tel manager n’est plus dans la même division, ni dans la même région du monde, peut-être même plus dans la même entreprise… Après eux, le déluge. Plus de mémoire, plus de long terme, plus de vision. Faire plus que l’an dernier, plus qu’au trimestre dernier, plus qu’hier, faire plus, mais vite : pas de temps pour des modifications structurelles, pour des remises en question ou simplement un peu de réflexion.

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