Il faut une nouvelle république ! Pourquoi je voterai pour Jean-Luc Mélenchon (par Denis Collin)

vendredi 20 avril 2012.
 

Ni la personne (évidemment) ni le parcours politique de Mélenchon ne sont en cause. J’ai été longtemps un de ses amis et collaborateurs, notamment comme « éditorialiste » du bulletin « A gauche. Données et Arguments ». Nous nous sommes séparés sur la question du référendum sur Maastricht, puisque j’ai voté « non » et lui a voté « oui ». Depuis il a eu l’occasion de reconnaître son erreur. À tout péché, miséricorde ! J’ai eu l’occasion d’exprimer mes critiques sur la méthode et sur la dénomination du « Parti de gauche », mais aussi sur les illusions véhiculées par Mélenchon et ses amis quant aux révolutions latino-américaines. Tout cela évidemment à son importance, comme ont leur importance les désaccords que je puis avoir sur telle ou telle partie du programme commun du Front de Gauche. Comme le répète Jacques Cotta, il ne s’agit donc pas de chercher un « sauveur suprême » (ni Dieu, ni César, ni tribun !).

Il s’agit de comprendre que, contrairement d’ailleurs à ce que j’avais pu penser, derrière Mélenchon et son Front de Gauche, se sont engouffrées les aspirations d’une partie importante de ce qu’on appelle « la gauche » et qui n’est en réalité que vieux fond républicain socialiste et communiste qui scandé de ses mobilisations, de ses manifestations, de ses grèves, l’histoire de notre pays de 1936 à 1945, 1968, 1995, etc. pour ne rappeler que les dates les plus marquantes. Puisque tout le monde parle de « la France », « ma France », celle que j’aime est là et certainement pas du côté des souverainistes de droite. Ma France mêle l’Internationale et la Marseillaise. Du reste l’aventure Chevènement de 2002 a confirmé qu’à vouloir unir « les républicains des deux rives » on va droit à l’échec.

Sur le fond, il y a deux questions qui me semblent essentielles et indissociables que la campagne de Jean-Luc Mélenchon remet au premier plan : la lutte de classes et la lutte pour une nouvelle république. Toutes les autres questions découlent de cela.

La lutte de classes d’abord, car il n’y a ni souveraineté populaire ni république tant que règne sans partage sa Majesté le capital. Les « souverainistes » qui dénoncent le pouvoir de Bruxelles oublient que le pouvoir de Bruxelles n’existe que parce que notre pays est sous la coupe des grands groupes capitalistes et au premier chef des groupes capitalistes français – l’ennemi est dans notre pays. Ceux-là mènent une lutte de classes acharnée contre l’immense masse des salariés et des travailleurs indépendants et les manifestations énormes qu’ont été les meetings de la Bastille et de Toulouse ont été une occasion pour la partie la plus consciente et la plus politisée de notre pays d’affirmer que les capitalistes n’ont pas définitivement gagné la lutte de classes comme l’avait dit un peu imprudemment Warren Buffett. On peut critiquer la mollesse des propositions du Front de Gauche en ce qui concerne la « rupture avec le capitalisme ». Mais un pas un avant vaut mieux qui mille programmes plus « révolutionnaires » les uns que les autres.

La nouvelle république ensuite. La souveraineté populaire ne se décrète pas. Elle ne se construit pas avec des bombes atomiques et des postes de douanes aux frontières. Elle n’existe effectivement, en acte, que dans la mobilisation du peuple et dans sa capacité à se donner des institutions démocratiques qui permettent que soit pleinement réalisé le principe : « la souveraineté réside essentiellement dans la nation. » Or les institutions de la Ve république sont fondamentalement (et peut-être encore plus depuis le coup Chirac-Jospin de 2002) des institutions anti-démocratiques qui bafouent le principe de la séparation des pouvoirs et veulent cadenasser la libre expression de la contestation – notamment par l’intégration des syndicats à l’État et la pyramide corporatiste de la prétendue décentralisation qui étouffe la démocratie locale. Un des mérites et non des moindres du Front de Gauche est d’avoir remis la question des institutions, d’une nouvelle constituante et d’une nouvelle république, dans le champ du débat public. Savoir quelles types de relations on noue en Europe, quelle type de défense, tout cela viendra après, c’est-à-dire quand les citoyens pourront librement débattre et délibérer. En proposant la sortie de l’OTAN, le candidat du Front de Gauche pose un acte fondamental qui indique bien dans quel sens il faut aller.

Un dernier point : Mélenchon serait un rabatteur pour Hollande. J’avoue que cette accusation me laisse pantois. Car si, comme c’est probable, Mélenchon n’est pas candidat au 2e tour, il ne restera comme solution pour se débarrasser de Sarkozy que le vote pour Hollande. Entre deux maux, le sage choisit toujours le moindre mal ! Et tout le monde sait qu’une réélection de Sarkozy constituerait une catastrophe dont seuls peuvent se désintéresser les bavards gauchistes ou les ex-UMP « souverainistes » (comme Dupont-Aignan).

Donc c’est assez simple. Un : vote Mélenchon pour dire ce que nous voulons et préparer l’avenir ; Deux : Hollande pour se débarrasser de Sarkozy, le véritable préalable à toute renaissance de notre pays.


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