Martine Billard, de l’usine à l’écologie

mercredi 13 juin 2012.
 

Pour le site d’information Basta !, Eros Sana dresse le portrait de Martine Billard, députée de Paris et candidate à sa réélection dans la 5e circonscription de la capitale.

Un parcours rare parmi les 577 députés : Martine Billard a longtemps travaillé comme salariée dans le privé, de l’usine au bureau. Issue d’un milieu populaire et mélangé (ses grands-parents viennent de Champagne, de Bourgogne, de Paris et d’Alexandrie en Égypte), elle commence dès 16 ans à enchaîner des petits boulots pour « payer sa mobylette pour aller à la fac ». Après une formation de « monteuse câbleuse soudeuse », elle entre comme ouvrière spécialisée dans une filiale de la Snecma. Elle y monte en grade en tant qu’ouvrière. « J’en étais très fière », se souvient-elle avec un sourire.

Après des années de boulots précaires, et plusieurs licenciements pour cause de défense des droits des travailleuses, elle devient bibliothécaire. Paradoxe : c’est en rangeant des livres qu’elle est victime de son premier accident du travail. Des dizaines de codes civils, « des Dalloz », empilés sur un chariot, lui tombent dessus. Aujourd’hui encore, son corps s’en rappelle, se manifestant par de fortes douleurs au dos, paralysant parfois sa main droite.

Une députée assidue

Côté politique, elle voit défiler Mai 68 dans un lycée privé de jeunes filles – « alors que j’étais boursière, fille de divorcés, athée et de gauche » – et milite au sein du groupe d’extrême gauche Révolution. Elle adhère aux Verts en 1993 puis est élue députée de Paris en 2002, réélue en 2007. C’est l’unique mandat qu’elle exerce. « Ce n’est pas possible d’exercer deux mandats simultanément. Quand c’est le cas, c’est alors les collaborateurs de l’élu qui font le travail. Et quitte à faire le travail, autant qu’ils soient élus », estime-t-elle.

On ne peut ainsi lui reprocher de s’être entièrement consacrée à sa tâche de députée : première députée parisienne en termes de présence, près de 4 000 amendements déposés, presque autant d‘interventions, plus d’une dizaine de propositions de loi. Son travail sera même salué par le mensuel économique L’Expansion, qui la classe en 2011 parmi les dix députés les plus sérieux, aux côtés de Gilles Carrez (UMP) ou Jérôme Cahuzac (PS) [1].

Des Verts au Parti de gauche

Martine Billard a quitté les Verts en 2009 pour rejoindre le Parti de gauche (PG), dont elle devient la coprésidente aux côtés de Jean-Luc Mélenchon. Pourquoi rompre avec la famille écologiste ? Elle évoque une profonde divergence d’opinion sur le rapport entre le travail et l’écologie. « Ce qui a été passionnant dans la campagne du Front de gauche durant la présidentielle, c’est d’avoir pu penser l’écologie au sein de l’industrie et non pas contre elle. Les Verts ont tendance à penser que, au prétexte d’antiproductivisme, il faut penser l’écologie et donc l’économie en dehors de toute la production, une économie dématérialisée. C’est une vision anti-écolo, car c’est oublier que ce qui n’est pas produit ici est produit ailleurs et dans des conditions sociales et environnementales souvent désastreuses », critique-t-elle.

« Non, vous n’êtes pas des pollueurs et vous détenez les solutions pour intégrer les contraintes écologiques », dit-elle aux ouvriers. Martine Billard s’est intéressée de très près aux projets de sauvetage de leurs usines portés par des salariés de Gandrange, Fralib ou Petroplus. Tous tentent désormais d’intégrer « la réduction de la consommation d’énergie, de CO2, la promotion de l’agriculture bio pour Fralib… » (lire notre article).

Droits des travailleurs et droits numériques

Dans la 5e circonscrition de Paris, elle affronte Seybah Dagoma, du PS, et Benjamin Lancar, de l’UMP. Difficile, mais Martine Billard croit en ses chances de siéger à nouveau à l’Assemblée nationale. Réagissant à notre sondage sur les lois sarkozystes à abroger en priorité – le Pacte pour l’euro (45 % des votants), la loi Loppsi 2 (44 %), la réforme des retraites (41 %), la loi sur le certificat d’obtention végétale (38 %), elle pense qu’il faut aller plus loin. Et surtout ne pas oublier toutes les lois qui ont détricoté le droit du travail : les dispositions instaurant le travail le dimanche, les contrats de travail atypiques, les contrats de projet, la rupture conventionnelle… « Ce sont des enjeux sur lesquels les syndicats sont très mobilisés, mais qui intéressent peu les politiques. »

Si elle est réélue, Marine Billard veut lancer des « ateliers législatifs » : des rencontres avec le mouvement social et des citoyens pour discuter et rédiger des propositions de loi « ailleurs que dans des bureaux », pour favoriser les mobilisations. Ces premiers ateliers législatifs porteraient sur les droits des travailleurs et les droits numériques. « Les jeunes mettent tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux, sans savoir que les recruteurs aujourd’hui consultent Internet. Il est essentiel de créer un droit à l’oubli. ». Un nouveau combat pour cette fille de résistants.

Eros Sana


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