A Hénin-Beaumont, le jour d’après

vendredi 15 juin 2012.
 

À Hénin-Beaumont, malgré 7 points de plus qu’à la présidentielle, le coprésident du Parti de gauche est devancé par le PS, Philippe Kemel. Score très élevé pour Marine Le Pen.

Mélenchon ne sera pas au 2e tour

Jean-Luc Mélenchon arrive derrière le candidat socialiste Philippe Kemel, en dépit de 1 000 voix et 7 points de plus qu’à la présidentielle. Sans attendre les résultats finaux, dimanche soir, le candidat du Front de gauche a décidé de jeter l’éponge pour le second tour afin de ne laisser aucune chance à Marine Le Pen de gagner. «  L’évolution est nette, mais pas suffisante pour être à la première place à gauche  », estime Lucien, militant du Front de gauche présent, hier place Wagon, à Hénin-Beaumont, où Jean-Luc Mélenchon, juché sur une camionnette, a prononcé son discours. Comme Lucien, beaucoup de militants ont fait le déplacement, après avoir tenu les bureaux de vote de la onzième circonscription du Pas-de-Calais.

Les militants affichent des mines fatiguées. Depuis combien de jours sont-ils sur le pont  ? Combien de tracts ont-ils distribué dans les boîtes aux lettres, sur les marchés  ? À combien de porte-à-porte, de réunions publiques ont-ils participé  ? Le Front de gauche est de loin la force la mieux organisée, avec un réseau des partis qui le composent, principalement celui du PCF. Jean-Luc Mélenchon les remercie, tout comme il le fait à l’égard des «  citoyens et des syndicalistes qui se sont spontanément présentés à la permanence  ». «  Le travail militant paie  », s’exclame Lucien, qui a pris part à ce combat à Montigny-en-Gohelle, ville à direction socialiste où le Front de gauche devance Philippe Kemel.

"Elle est conviviale, sait nous parler"

Sans aucune surprise, Marine Le Pen arrive en tête des candidats. Défrichant le terrain depuis cinq années, elle récolte des résultats largement supérieurs à ses adversaires. Son score (42,36%) est bien au-delà de celui qu’elle a réalisé en 2007 (24,5 %). Le sondage de l’Ifop est sans équivoque, il montre que les jeunes (53 % des moins de 25 ans) et les ouvriers (56 %) lui accordent volontiers leur voix. Sur le terrain, nous l’avons effectivement constaté. Peu de personnes interviewées cachent leur préférence pour l’extrémiste. Jean-Noël, ouvrier devenu chef d’équipe, que l’on a rencontré la semaine dernière devant Faurecia, entreprise d’équipement automobile, explique son choix  : «  Elle est venue devant l’usine trois ou quatre fois. Elle est conviviale, sait nous parler. Elle a beaucoup de bonnes idées, comme la sortie de l’euro. La baguette coûte 65 centimes, vous vous rendez compte  ?  » «  Ici, affirme-t-il, 80 % des gens votent pour elle.  »

Reconversion industrielle et fermeture d’entreprises

Le résultat vertigineux de Marine Le Pen n’étonne même plus, tant la patronne du FN a cultivé le terreau de la mal-vie. Avec 130 000 habitants pour quatorze communes, la circonscription a changé de physionomie, avec la perte de l’exploitation charbonnière dans les années 1960. Et n’est pas prête d’en trouver une nouvelle, tant la reconversion industrielle se heurte à des fermetures d’entreprises, comme Cokes, Metaleurop, Sublistatic ou encore Samsonite.

Plus de 2 300 emplois ont ainsi disparu du territoire en quelques années. Les chiffres du chômage avoisinent les 20 % dans de nombreuses communes de la circonscription. On assiste, écrit Pascal Wallart, journaliste de la Voix du Nord, à «  la naissance dans l’Héninois d’un concept dont la population se serait bien passée, celle de patrons voyous  ». Une souffrance sociale doublée d’une misère culturelle sur laquelle ne cesse de surfer l’extrême droite. «  Situation économique nationale complexe, élus socialistes tricheurs et fraudeurs, équipe municipale pas à la hauteur à Hénin-Beaumont… autant d’éléments qui ont ouvert un boulevard à Marine Le Pen  », commente Alain Alpern, ex-membre du PS.

Mina Kaci


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