Paraguay : Solidarité face au coup d’état fomenté par l’oligarchie et les fascistes pro-américains

mardi 3 juillet 2012.
 

3) Paraguay : Un nouvel Honduras ?

La conspiration contre le président paraguayen, l’ex évêque Fernando Lugo, a commencé le jour même de sa victoire aux élections présidentielles, car il n’avait pu vaincre que grâce à la mobilisation populaire. Sans parti propre ; sans assise parlementaire importante afin de le soutenir ; avec une vaste base sociale dans la paysannerie, mais dispersée et inorganisée ; forcé d’affronter l’opposition de la hiérarchie de sa propre Eglise ; Lugo a toujours été dépendant de son alliance fragile avec le parti du vice-président Federico Franco, le Parti Libéral Radical, foncièrement conservateur et représentant un secteur des grands propriétaires terriens.

Les partisans de la dictature de Stroessner, quand à eux, ont continué et continuent toujours à occuper les principaux postes dans l’administration publique, les forces répressives et la prétendue « Justice », ainsi que la Cour Suprême. C’est fort tardivement que Lugo a tenté de créer un parti-front : le « Front Guasú » (« Large », en langue guarani), qui n’a fait que poser ses premiers pas et est loin d’être homogène. Mais l’ensemble des forces de la droite paraguayenne, soutenues dans l’ombre par les Etats-Unis, n’a pas voulue attendre plus longtemps, malgré le fait que le mandat du président se termine dans un an et qu’il ne reste que 10 mois pour des élections présidentielles dans lesquelles Lugo ne pouvait pas se représenter. Elles n’ont pas voulu donner le temps aux forces de centre-gauche de s’organiser afin de se maintenir au gouvernement.

Sous la houlette d’Horacio Cardes, grand propriétaire terrien du Parti Colorado, lié en outre au narcotrafic, les forces de droite ont organisé une parodie de procès politique qui a duré une journée, sur base d’accusations sans preuves selon lesquelles Lugo stimulait les occupations de terres par les paysans ou se limitait à combattre timidement la petite guérilla paysanne existant dans le département où se trouvait son diocèse. Cardes, les « oviédistes » du parti conservateur Patria Querida et les libéraux, ont mené leur coup d’Etat parlementaire – en suivant l’exemple de leurs collègues au Honduras – sans avoir à séquestrer par les armes le président et à l’expulser du pays en pyjama, vu que Lugo s’est probablement réfugié dans l’ambassade d’Equateur.

Le prétexte utilisé pour précipiter le coup d’Etat fut le massacre de Curuguaty, qui s’est déroulé il y a une semaine et où les forces répressives ont attaqué des paysans, qui se sont défendus, laissant un bilan de 17 morts parmi les policiers et les paysans, ainsi que 80 blessés et des dizaines de prisonniers.

La destitution parlementaire de Lugo a été contestée par des manifestants qui se sont spontanément rassemblés devant le Parlement ; par des paysans qui, à l’intérieur du pays, ont coupé les routes ; par des émigrés paraguayens en Argentine, qui sont retournés par milliers au Paraguay afin d’empêcher le coup d’Etat ou qui ont organisé une manifestation devant l’Obélisque de Buenos Aires. Au Sénat, seuls quatre élus ont défendu Lugo, mais son principal soutien ne réside pas dans la capitale, où se concentre essentiellement la classe moyenne des fonctionnaires et des partisans du parti Colorado, mais bien dans les provinces paysannes de l’intérieur du pays où la résistance sera longue et dure.

Fernando Lugo, en outre, était président temporaire de l’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) et le coup d’Etat dont il a été victime représente ainsi un nouveau coup porté par la droite paraguayenne contre l’intégration sud-américaine, après le refus du parlement du Paraguay d’accepter le Venezuela au sein du Marché Commun du Sud (MERCOSUR) et sa résistance à intégrer le Bancosur.

Les ministres des affaires étrangères de l’UNASUR qui ont visité Asuncion afin de tenter de dissuader les putschistes ne sont pas parvenus à empêcher ce coup d’Etat mal déguisé, tout comme l’Organisation des Etats Américains (OEA) n’avait pu empêcher la dictature de Micheletti au Honduras, quand le parlement de ce pays avait illégalement destitué le président constitutionnel Manuel Zelaya il y a trois ans.

Il se fait que derrière ces deux coups d’Etat – comme cela fut amplement démontré et documenté dans le cas du Honduras – se trouvent les Etats-Unis. Le Paraguay est un pays clé afin de contrôler l’aquifère de Guaraní, la plus grande réserve d’eau du monde, qui occupe une grande partie de son territoire et s’étend au Brésil, en Argentine et en Uruguay.

Au Paraguay se trouve également la base militaire étatsunienne de Estigarribia, qui permet de contrôler la zone de la Triple Frontière argentine-brésilienne-paraguayenne. Dans la province argentine du Chaco, touchant au Paraguay, les Etats-Unis veulent installer une autre base, plus petite, avec le soutien du gouverneur Jorge Capitanich – le même qui déclare que les chauffeurs de camions en grève sont anti-patriotiques -, mais la protestation populaire a empêché, pour l’instant, cette violation de la souveraineté argentine au moment même où la présidence de Cristina Fernández Kirchner prétend défendre cette souveraineté dans les Iles Malouines.

Un gouvernement paraguayen étroitement lié à l’UNASUR et particulièrement influencé par l’axe Brésil-Argentine est contraire aux intérêts des Etats-Unis. De là leur feu vert accordé à un coup d’Etat qui, sans aucun doute, a été discuté et élaboré en commun avec les diplomates étatsuniens à Asuncion et qui répète les mêmes méthodes, un peu améliorées, utilisées il y a peu au Honduras, un autre pays pauvre et faible avec un président hésitant.

Les pays de l’UNASUR pourraient aujourd’hui isoler économiquement le Paraguay, qui n’a aucune issue vers la mer, et lui retirer tout soutien à son économie. Ils pourraient également ne pas reconnaître le gouvernement fantoche de Franco, qui ne durera que le temps d’avancer les élections présidentielles ou de ne les réaliser qu’en 2013, en laissant sa place au Parti Colorado.

Mais les paysans ne vont pas attendre ces pressions diplomatiques et vont réagir en prenant les terres, en coupant les routes, en construisant des pouvoirs locaux et, probablement, au vu de leurs traditions, en recourrant aux armes afin de mener des actions guérilla qui pourraient compter sur la bienveillance des gouvernements de Bolivie, d’Argentine et du Brésil, qui ne peuvent accepter ce coup de poignard porté à l’UNASUR.

Les putschistes ont écarté le faible Fernando Lugo sans tirer un seul coup de feu, mais ils vont probablement devoir user des armes par la suite, particulièrement quand ils seront confrontés aux protestations sociales alimentées par la rage des mouvements sociaux et paysans du continent face à l’affront incarné par cette répétition des événements au Honduras.

Guillermo Almeyra

* Source : http://www.rebelion.org/noticia.php...

* Traduction : Ataulfo Riera. http://www.europe-solidaire.org/spi...

2) Coup d’Etat au Paraguay : la revanche de l’oligarchie

De tous les gouvernements sud-américains qualifiés de « progressistes », le plus fragile était sans conteste celui du président paraguayen Fernando Lugo, qui vient d’être destitué ce vendredi 22 juin par le Parlement. Ce fut également l’expérience la plus courte.

Bien que soutenu par les mouvements paysans, pour parvenir à la présidence en 2008 il avait du compter sur une coalition hétérogène de partis ; l’Alliance Patriotique pour le Changement. Au sein de cette dernière prédominait le Parti Libéral Radical Authentique, dirigé par celui qui occupe aujourd’hui… la présidence, Federico Franco.

La défection du PLRA – à la suite d’un lent processus initié dès 2010, au même moment que le coup d’Etat au Honduras – est le facteur clé qui a facilité la chute de Lugo, qui ne comptait que sur une poignée de députés et de sénateurs fidèles. La droite, qui représente les intérêts de l’oligarchie paraguayenne – très impliquée en outre dans la contrebande et le narcotrafic – domine à la fois la Chambre des députés et le Sénat, tandis que la judicature et l’armée sont aux mains des conservateurs.

Dans ce contexte de faiblesse institutionnelle, la présidence de Fernando Lugo s’inclinait plus à chercher des accords et des compromis au sein de l’Etat avec ses opposants qu’à articuler une force populaire qui tente de briser l’hégémonie politico-économique héritée de la dictature brutale d’Alfredo Stroessner. Au Paraguay, il n’y a jamais eu d’Assemblée Constituante ; c’est la Constitution réformée de 1992 qui a, de fait, servi à formaliser la destitution de Fernando Lugo.

Les principaux responsables de la dictature de Stroessner n’ont jamais été jugés, ni même blâmés. Même sous la présidence de Lugo, on n’a jamais mené à bien la nécessaire réforme agraire afin d’en finir avec les privilèges acquis pendant la dictature – qui a distribué près de 8 millions d’hectares de terres entre ses partisans.

Au contraire, pendant le mandat de Lugo, le modèle agro exportateur de soja a été renforcé : la superficie destinée à la production de soja transgénique pour l’exportation a augmenté de 10% entre 2008 et 2010. Cela n’a fait que consolider le pouvoir des grands propriétaires, ces 1% qui possédaient déjà 77% des terres quand Lugo est arrivé à la présidence, alors que des centaines de milliers de paysans pauvres réclament la dévolution de terres qu’ils qualifient de « mal acquises ».

La pression fiscale est d’à peine 13%, l’une des plus basses des pays du Mercosur. La question de la terre est d’autant plus complexe avec la présence de 400.000 « brasiguayos » -des Brésiliens installés au Paraguay depuis les années ’70 – et dont la moitié se trouve près de la frontière avec le Brésil où ils se consacrent principalement à l’activité agricole, surtout à la production de soja.

Dans l’Acte d’accusation dressé contre Fernando Lugo par le Parlement qui l’a destitué, on peut constater que le massacre de Curuguaty – probablement un coup monté – n’est rien d’autre qu’un prétexte. Il est particulièrement honteux qu’on y affirme que « nous regrettons aujourd’hui les pertes en vies humaines, dans une quantité jamais vue jusqu’à présent dans l’histoire contemporaine de la République du Paraguay », alors qu’il y a eu des dizaines de milliers de personnes torturées, assassinées et « disparues » pendant le dictature de Stroessner.

En réalité, le véritable et principal reproche des députés envers Lugo est exprimé dans les conclusions du document, où l’on évoque « la confrontation et la lutte de classes sociales constante » ; autrement dit, la remise en question, même minimale, de leurs privilèges.

Ce qu’ils reprochent à Lugo, ce n’est pas son esprit d’initiative, qu’il n’a jamais eu, mais bien son ambiguïté ou sa tolérance envers les actions menées par les paysans pauvres, comme l’invasion de Latifundos ou le vol de bétail, des stratégies élaborées par les coordinations paysannes et la toute récente Ligue nationale des ouvriers agricoles.

Et cela, malgré le fait que Lugo a fait approuver, avec la bénédiction des Etats-Unis, une dure loi anti-terroriste ou encore d’avoir militarisé des zones rurales sous le prétexte de combattre un groupuscule connu sous le nom d’Armée du Peuple Paraguayen. Tout cela était insuffisant aux yeux d’une élite qui n’a aucune sorte de reconnaissance à l’heure d’exprimer sa haine de classe.

La réaction de l’UNASUR, qui a pris la défense de la présidence de Fernando Lugo - comme elle l’avait fait en 2008 avec Evo Morales - constitue un fait positif, mais, à cette occasion ci, il est douteux qu’elle puisse inverser le fait accompli, d’autant plus que Lugo lui-même l’a accepté.

L’oligarchie paraguayenne semble disposée à assumer un certain isolement politique et, de fait, l’une des accusations portées contre Lugo était son acceptation du Protocole de Ushuaïa II sur l’engagement démocratique. Au sein de l’UNASUR, la position décisive est celle du Brésil. Il faudra voir si ce dernier pays optera pour empêcher ce précédent anti-démocratique au sein du Mercosur ou si ses puissants intérêts économiques au Paraguay (représentés par les « brasiguayos », mais aussi par le barrage hydroélectrique de Itaipú) l’amèneront finalement à s’accommoder de la nouvelle situation.

Pour le moment, une réunion du Mercosur est prévue le 28 juin à Mendoza, en Argentine, où, en principe, le Paraguay devait assumer la nouvelle présidence tournante du Mercosur… Federico Franco présidera-t-il le Mercosur, même si ce n’est que pour quelques mois ?

De la courte expérience de Fernando Lugo, on peut tirer quelques leçons. La première, c’est que c’est sa mollesse à l’égard des puissants et non sa prétendue radicalité qui l’a politiquement mené à la défaite. Mais sa fatale dépendance à l’égard du PLRA s’explique également par la faiblesse et la division des mouvements sociaux paraguayens. De là la seconde leçon : il ne suffit pas que des « intrus » tels que Lugo occupent la présidence ou forment un gouvernement s’ils ne s’appuient pas sur les masses organisées. C’est à partir d’en bas que l’ont peut générer une nouvelle légitimité démocratique et non l’inverse. Enfin, troisième leçon ; si on ne s’attaque pas aux mécanismes de dépossession des biens communs, si on ne remet pas en question ce qui constitue le fondement économique (terres, finances) des oligarchies (qu’elles soient paraguayenne ou européenne), ce n’est qu’une simple question de temps avant qu’elles ne prennent leur revanche.

Javier Ortiz

* Source : http://www.javierortiz.net/voz/samu...

* Traduction : Ataulfo Riera.

1) Paraguay Le Parti de gauche condamne fermement le coup d’Etat constitutionnel organisé contre Fernando Lugo

Suite à l’expulsion de terres occupées par une communauté paysanne qui a mal tourné et fait 17 morts (11 paysans et 6 policiers) dans des circonstances assez confuses, la droite a mis à exécution son vieux plan : destituer le président Fernando Lugo par un jugement politique.

Des organisations de la gauche paraguayenne ont décidé d’organiser des mobilisations pour défendre le président. Après le coup d’état militaire au Honduras...

Depuis des mois, les secteurs les plus réactionnaires de la droite paraguayenne issus du parti Colorado, avec la complicité du parti libéral membre de l’alliance gouvernementale, cherchaient un moyen de déstabiliser le président démocratiquement élu, Fernando Lugo. Et ce, alors qu’il lui reste neuf mois de mandat à effectuer.

Ils ont pris prétexte du dramatique affrontement qui a opposé, dans le Nord-est du pays, à Curuguaty, policiers et paysans qui occupaient des terres. Ce dernier a fait 17 morts, dont 11 paysans et 6 policiers.

La droite a saisi cette macabre opportunité pour engager une procédure de destitution contre Fernando Lugo considérant que sa responsabilité était engagée dans les événements. Ce dernier, qui a refusé de démissionner, a accepté de se présenter devant la Cour suprême pour se défendre dans ce jugement politique.

Néanmoins, il ne disposera que de deux heures pour s’exprimer ce vendredi 22 juin 2012.

Le PG condamne fermement ce coup d’Etat maquillé par les apparences du droit constitutionnel et affirme sa pleine solidarité avec les mouvements sociaux paraguayens qui se mobilisent actuellement pour le respect de la démocratie dans le pays. Le PG salue également l’initiative de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) dont une délégation des ministres des affaires étrangères des pays membres conduite par le secrétaire général de l’organisation, Ali Rodriguez, s’est rendue sur place pour veiller au respect des droits de la défense. Le PG s associe pleinement à la préoccupation de ce dernier qui voit dans les événements en cours une atteinte à la démocratie en Amérique du Sud qui "affecte l’Unasur".

Vendredi 22 Juin 2012

Christophe Ventura

Source : http://www.lepartidegauche.fr/actua...


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