Pour une dynamique populaire, sociale et citoyenne

mardi 14 août 2012.
 

- Lettre ouverte à François Hollande

Par Jean-Claude Mairal, Président du Centre d’information, de documentation, d’études et de Formation des élus (Cidefe).

Monsieur le président de la République,

Par sa forte participation ­électorale, l’élection présidentielle a montré une nouvelle fois, contrairement aux autres élections, qu’elle est, pour nos concitoyens, l’élection la plus importante.

Or, paradoxalement, cette élection qui apparaît comme le summum de la démocratie est, en fait, mortifère pour celle-ci. En faisant de l’élection du président de la République au suffrage universel direct, l’élément majeur et structurant de notre système de représentation politique, la Constitution de la ­
Ve République a tout simplement favorisé un recul de la citoyenneté. En effet, dans l’inconscient collectif et individuel, s’est installée peu à peu l’idée que c’est au président de la République, doté de pouvoirs très importants, sorte de guide de la nation, de résoudre les problèmes qui se posent au pays ou à chacun d’entre nous. Ce présidentialisme dominant et dominateur, qui concerne aussi les grandes collectivités, a été aggravé par l’inversion du calendrier électoral décidée en 2002 par Lionel Jospin, alors premier ministre, et votée par l’Assemblée nationale. Les élections législatives se trouvent ainsi « présidentialisées » et perdent de l’importance aux yeux de nos concitoyens, comme en témoigne la faible participation aux élections législatives de juin.

Un tel système, comme le montre l’histoire de ces trente dernières années, est porteur d’importantes illusions qui se transforment très vite en désillusions, avec comme corollaires, en ces périodes de crise systémique, une alternance de la droite et de la gauche, à la tête de l’État, et la montée de l’extrême droite.

Contrairement à ce qu’ils croient, les ­citoyens ne sont que de simples spectateurs d’une pièce de théâtre où se jouent leurs conditions de vie et de travail, mais qui se joue sans eux et le plus souvent contre eux.

Certes, on pourrait me répondre que cette année nos concitoyens ont moins d’illusions que par le passé, mais c’est plus, pour un grand nombre d’entre eux, sur le registre du fatalisme, face à la crise mondiale, que sur celui de l’intervention citoyenne. Or celle-ci est absolument nécessaire si l’on veut sortir des immenses difficultés auxquelles notre pays et les populations sont confrontés. Pour cela, il faut déconstruire-reconstruire le système politique représentatif actuel, y compris dans les mentalités, pour le revivifier, à l’aune de la démocratie du peuple, par et pour le peuple.

Vous souhaitez aller – vous l’avez de nouveau affirmé le 14 Juillet, lors de votre entretien télévisé – vers une refonte des institutions et des procédures démocratiques. Nous sommes nombreux à partager cette volonté. C’est dans ce cadre que je me permets, au nom de ses signataires, de vous faire parvenir l’appel « Pour répondre à la crise et aux défis planétaires, et redonner confiance à nos concitoyens  : oser la démocratie  ! » (1). Cet appel propose un certain nombre de pistes en faveur du renouveau de la citoyenneté, pour faire vivre la démocratie partout, dans les territoires et dans les entreprises.

Cependant, s’il est absolument indispensable de repenser, par la loi, la gouvernance territoriale et démocratique, partout dans notre pays et au plan européen, cela ne sera pas suffisant pour réussir le changement en faveur du plus grand nombre. Dans une période de crise mondiale aussi profonde, de pertes de repères, de difficultés sociales et économiques importantes, de crise écologique planétaire et de tensions fortes, l’intervention citoyenne et la mobilisation de la nation tout entière sont absolument nécessaires. L’histoire l’atteste, il y a toujours échec des politiques progressistes quand la dynamique sociale, populaire et citoyenne en est absente.

C’est dès maintenant qu’il faut sortir de cet engrenage mortifère pour la démocratie. Il est nécessaire d’agir à la fois pour une nouvelle Constitution en faveur d’une République ­citoyenne et de construire partout une nouvelle culture politique recréant de la citoyenneté, avec le peuple au centre. Cela implique de rompre avec la logique délégataire dominante et de s’appuyer, du local au national, sur tout ce qui bouge dans les territoires, pris dans leur diversité. Vous le savez par votre expérience d’élu local, des gens agissent collectivement ou individuellement dans leur territoire. Ils génèrent un foisonnement d’initiatives positives, dans les quartiers, les villes, les communes rurales, les associations, les syndicats, les collectivités et ce dans de multiples domaines  : culture, éducation populaire, environnement, solidarité, coopération, commerce équitable, réseaux sociaux, agriculture de proximité, alimentation et consommation responsable, le vivre ensemble, etc. Il y a les luttes multiformes dans les entreprises pour l’emploi et les services publics, au travers de nombreux collectifs de défense. Il y a tout ce qui a trait à l’économie sociale et solidaire, avec de nouvelles formes d’interventions économiques, financières, sociales et écologiques. Toutes ces initiatives, petites ou grandes, doivent être mises en lien et en synergie car elles sont tout simplement l’expression de la volonté de participation et de vivre mieux. Nous avons là les prémices d’une nouvelle société et d’une nouvelle civilisation. Les citoyens ne sont plus de simples consommateurs déresponsabilisés par le système et l’idéologie dominante, ils sont acteurs de leur vie, de leur territoire et de la communauté humaine.

Cette citoyenneté et cette créativité aux multiples facettes, concernant des millions d’individus, doivent être encouragées et ­facilitées par les pouvoirs publics à tous les niveaux. Un gouvernement de gauche digne de ce nom se doit de leur donner les moyens nécessaires à leur épanouissement, et ne pas hésiter à s’appuyer sur elles.

Vous avez souhaité favoriser, au plan ­national, la concertation dans de nombreux domaines. Cela est louable et change de ­l’attitude de votre prédécesseur. Mais si vous voulez réussir le changement, il convient d’aller plus loin et de développer concertation et consultations dans chaque territoire, avec les élus, les syndicats, les associations et les citoyens. Ceux-ci aspirent à être, enfin, écoutés et ­entendus. Pourquoi ne pas lancer des assises du changement ou des états généraux  ? Pourquoi ne pas mettre en place dans chaque bassin d’emploi, de formation et de vie, des comités d’initiatives citoyennes et participatifs  ? Bref, multiplier les lieux et les initiatives de démocratie et de citoyenneté active  !

Monsieur le président, la clé de votre réussite et de celle de votre gouvernement implique que vous soyez les facilitateurs, même quand cela dérange, de cette intervention citoyenne et démocratique. C’est ainsi que se rétablira la confiance entre le peuple, les élus et les ­institutions, permettant de mobiliser l’ensemble de la nation pour répondre aux enjeux et aux défis auxquels elle est confrontée. C’est notre vœu le plus cher.

Vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à mon courrier et à notre appel.

Je vous prie de croire, Monsieur le ­président, en l’expression de ma haute ­considération.

Jean-Claude Mairal,


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