Finance austéritaire : Le PS ne brisera pas le totem

jeudi 3 décembre 2020.
 

Le processus de privatisation de l’État par le néolibéralisme n’a pas encore été stoppé par le gouvernement socialiste.

Mardi 7 octobre 2012, la chaîne de télévision Arte a diffusé en soirée un documentaire thématique de qualité intitulé "Noire finance." On peut lire en introduction sur le site Internet de la chaîne "Peut-on encore arrêter la finance folle ? Une enquête magistrale au coeur d’un capitalisme financier que plus personne ne maîtrise, et qui a plongé le monde dans de graves turbulences."

Ce documentaire montre clairement comment depuis la crise de 1929, le fait de laisser toute liberté d’action au monde financier conduit à une succession de catastrophes économiques et sociales. Il est mis en évidence que l’absence de mesures efficaces de régulation des marchés financiers et de limitation de l’appétit financier aux USA s’explique principalement par la connivence étroite entre les élus politiques et les groupes capitalistes notamment financiers.

La nomination à des hauts postes de responsabilité dans la sphère administrative et politique s’effectue en puisant dans le vivier des directions de banques et groupes industriels.

Il n’est possible d’être élu que si l’on a le soutien des médias eux-mêmes entre les mains de ces puissances financières et industrielles. Il n’est pas courant qu’un documentaire ait le courage d’aller si loin dans l’analyse. Mais il est vrai que la faible audience d’Arte (environ 1,5 %) et le caractère quelque peu didactique de ce genre d’émission ne lui confère un taux d’audience probablement de l’ordre de 0,5 %. Il est évidemment impensable qu’un tel documentaire puisse être diffusé sur TF1 voire France 2 à la même heure.

On constate en France, que de très nombreux économistes, pas forcément tous des anti libéraux, ne sont absolument pas d’accord avec la politique économique actuelle du gouvernement et son intention de signer le traité budgétaire européen instaurant une politique d’austérité dont la conséquence probable sera la mise en récession de l’économie française et une augmentation du chômage.

D’autre part, 72 % des Français sont partisans que l’adoption de ce traité soit soumis à référendum.

Alors comment expliquer un tel entêtement de la part du gouvernement français et des autres gouvernements européens tous libéraux ou sociaux libéraux ?

La raison est malheureusement quelque peu sordide : ce que montre le documentaire de Arte s’applique aussi à la France : la connivence et l’assujettissement des élus politiques libéraux dits de droite ou de gauche aux puissances industrielles et financières.

Il est parfaitement évident que sans l’audience colossale accordée par les médias aux représentants de l’UMP et du PS, ces deux partis politiques actuellement majoritaires seraient en fait minoritaires dans le pays, compte tenu de l’ampleur de la crise et des dégâts sociaux constatés depuis 10 ans en France et en Europe.

Mais à cette promotion médiatique s’ajoutent des aides financières plus ou moins opaques. Mediapart a publié la liste des 544 donateurs à l’UMP en 2007 pour faire réussir Nicolas Sarkozy. Il est dit dans cet article : "Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur les 544 membres du Premier Cercle de juin 2007, 147 appartiennent au monde de la haute finance. Soit, à nouveau, un gros quart. Les plus grands banquiers de la place sont dans la liste : Charles de Croisset (Goldman Sachs), Michel David-Weill (Lazard), David de Rothschild (Rothschild), Nicholas Clive-Worms (Banque Worms), Édouard de Ribes (Rivaud), Charles-Henri Filippi (HSBC)…" http://www.mediapart.fr/article/off...

Bien évidemment, le PS ne dispose pas autant d’appuis que la droite dans le monde des affaires, mais il a tout de même tissé un certain nombre de relations avec ce milieu.

Comme l’indique par exemple un article écrit en avril 2012,avant les élections présidentielles, "Dans la course aux soutiens patronaux, François Hollande refait son handicap face à Nicolas Sarkozy. Discret sur ses relations avec le monde des affaires, le candidat socialiste cultive ses relais et a conquis une audience auprès des patrons, à l’image des banquiers maintenant ouverts à une discussion sur son projet de séparer les dépôts des activités spéculatives "Je n’ai jamais vu autant de chefs d’entreprise et de banquiers, même quand j’étais ministre de l’Economie et des Finances, que depuis trois mois", déclarait de son côté Michel Sapin, chargé du projet présidentiel de François Hollande, lors d’un entretien accordé à Reuters la semaine dernière." …

Voir l’article complet disponible sur chacun des liens suivants :

http://bourse.lesechos.fr/infos-con...

http://www.tradingsat.com/marche-fi...

On peut aussi retrouver sur Internet un article du Monde diplomatique de 2003 intitulé :"À gauche, mais proches des milieux d’affaires…"

http://bric.brac.free.fr/2010/37/ps...

Cette connivence avec les milieux d’affaires ne s’explique pas uniquement par une stratégie politique d’accès au pouvoir mais par nécessité économique dans un contexte où depuis 30 ans, les différents gouvernements successifs ont désarmé sans cesse l’État de son pouvoir d’action économique. Ce désarmement économique s’est réalisé par la privatisation d’un nombre croissant d’entreprises publiques et par le vote de lois de dérégulation des échanges commerciaux et financiers.

L’État est censé représenter l’intérêt général de la société, ce qui veut dire plus concrètement, est censé organiser un partage équitable entre les intérêts publics et les intérêts privés. En le désarmant de ses moyens d’action économique et financier, les hommes politiques se sont eux-mêmes enchaînés au pouvoir des multinationales et ont assujetti les pouvoirs publics au secteur privé. (On comprend alors les minauderies du PS à l’égard du Medef, pointées par Jean-Luc Mélenchon.)

C’est en ce sens ,d’ailleurs que Jacques Généreux parle de privatisation de l’État. Alors que la conception marxiste pure et dure qui définissait l’État comme "exercice de la violence d’une classe sur une autre", avait été battue en brèche par la mise en place de "l’État providence" durant les "30 glorieuses", appelé aussi "État social", le développement du néolibéralisme et la crise du système capitaliste actuelle lui ont rendu toute sa brutale actualité : Marx is back !

Un nombre croissant d’économistes comprennent qu’il n’y a pas d’issue à la crise et à la croissance du chômage sans la sortie du carcan néolibéral dans lequel se sont enfermés les gouvernements européens, sans donner à l’État et au secteur public (sous différentes formes) des prérogatives économiques et démocratiques adaptées à la situation.

Il existe aussi un facteur politique qui explique l’entêtement de la direction du parti socialiste : l’Europe constitue pour le PS un principe identitaire et d’unité pour son mouvement politique qui ne s’appuie plus sur une base idéologique claire et homogène. Cela fait plus de 25 ans que l’on parle de crise d’identité pour les socialistes français. On ne compte plus les articles qui ont été rédigés ici et là sur ce thème.

Affronter le parti conservateur allemand, sachant que l’Allemagne représente, par sa production, 25 % du PIB européen et affronter aussi les autres gouvernements libéraux risquerait, selon lui, de provoquer une fracture, voire une implosion, de l’union européenne. Le PS n’est pas prêt de casser son totem qui assure l’unité de son clan.

M.ais ce qu’il ne voit pas, c’est que la persévérance dans les politiques d’austérité conduira à des crises sociales qui provoqueront l’éclatement de l’union européenne et la victoire des mouvements nationalistes.

Ceci étant dit, il convient de ne pas être manichéen et d’analyser objectivement et précisément les mesures politiques qui vont dans le bon sens comme l’abolition de la TVA sociale, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, les mesures tendant à fiscaliser de la même manière le travail et le capital. Comme nous l’avons déjà dit, il convient d’adopter une méthode dialectique d’analyse et ne pas sombrer dans la logique binaire du tiers exclu : soit blanc – soit noir.

Hervé Debonrivage


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