Pourquoi le Front de gauche a voté ce 23 octobre contre le projet de programmation des finances publiques

mardi 30 octobre 2012.
 

André Chassaigne, chef de fil du groupe Front de Gauche à l’Assemblée nationale explique et motive les décisions de son groupe parlementaire de voter contre le projet de programmation des finances publiques et de s’abstenir sur le projet de loi de finances lui-même. "Nos votes sont réfléchis. Nous ne sommes pas sur une posture politique. Nous ne sommes pas dans l’opposition mais dans la construction". Les deux projets ont été adoptés par la majorité PS, PRG et Verts en fin d’après-midi ce mardi.

Les députés du Front de gauche se sont abstenus lors du vote sur les recettes du budget 2013 et ont "toutes les raisons de voter contre" le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dans l’état actuel du texte. C’est ce qu’a expliqué ce mardi André Chassaigne. S’ils voteront contre le projet de loi de programmation des finances publiques 2012-2017, les députés du groupe s’abstiendront sur le volet recettes du projet de loi de finances 2013. Ce budget, dans sa première partie, comporte des "avancées extrêmement timides", notamment un début de taxation du capital via une nouvelle fiscalisation des dividendes. Parmi les "éléments négatifs", il faut citer le refus du dégel du barème et la progressivité insuffisante de l’impôt sur le revenu. Mais aussi le "recul pas acceptable" sur la taxation des plus-values de cessions d’entreprise face à la fronde des "pigeons, ces champions de la plus-value à court terme, au risque de compromettre la mise en œuvre du principe que toute la gauche appelait de ses vœux, à savoir l’alignement de la taxation du capital sur celle du travail."

"Le gouvernement a l’œil rivé sur les 3 %"

Ce mardi à l’Assemblée, avant le vote et pendant les questions au gouvernement, le député PCF Nicolas Sansu a résumé ainsi les profondes réserves du groupe parlementaire : "Il n’est à notre sens pas opportun de s’accrocher à l’objectif de 3% de déficit budgétaire, avec pour conséquence la déprime des dépenses publiques et sociales utiles, et au bout du compte, le risque d’une nouvelle explosion du chômage."

Autre sujet majeur de mécontentement : le gel de la Dotation globale de fonctionnement (DGF) au bénéfice des collectivités locales, avant une baisse en 2014 et 2015. "Cela représente une baisse de 6 à 7% des recettes sur deux ans. Les effets seront catastrophiques et se répercuteront soit dans une hausse des impôts locaux, soit dans une baisse des prestations", a-t-il prévenu. "Sans compter de nouvelles réductions d’effectifs dans la fonction publique, 2% en moyenne d’ici 2015".

"Nous n’avons de cesse de tenter de convaincre que c’est la croissance qui nous permettra de réduire nos déficits, et non l’inverse."

Quant au projet de budget de la Sécu, "dans l’état actuel du texte, nous avons toutes les raisons de voter contre". C’est un budget "d’une extrême gravité, sans rupture avec le gouvernement précédent qui fait courir à la catastrophe, en particulier dans les hôpitaux". Il a cependant évoqué quelques "points intéressants" comme le remboursement à 100% des interruptions volontaires de grossesse (IVG), la retraite à 60 ans pour les travailleurs de l’amiante ou la lutte contre les fraudes des employeurs.

Enfin sur le volet dépenses du budget, les députés Front de gauche se prononceront "au cas par cas", décidés par exemple à voter pour le budget de la Justice.

Programmation des finances publiques 2012-2017, explication de vote par André Chassaigne pour le Front de Gauche

Nous achevons la discussion du projet de loi de finances pour 2013 dans un contexte économique et social marqué par l’accroissement des difficultés.

Pour la France, le FMI prévoit désormais une croissance économique de 0,1 % cette année contre 0,3 % attendu par le gouvernement, et surtout de 0,4 % seulement en 2013, moitié moins que le chiffre retenu dans le projet de loi de finances que nous examinons. Dans la note de conjoncture publiée la semaine dernière, les économistes de l’OFCE sont catégoriques : la France n’atteindra pas les 3 % de déficit public en 2013. Au mieux, il s’établira à 3,5%. Selon leurs prévisions, la croissance atteindrait 0,1% en 2012 et 0% en 2013.

Vingt-neuf économistes, interrogés par Reuters, vont dans le même sens, prévoyant de leur côté un déficit à 3,5% pour une croissance de 0,3%.

Malgré ces prévisions convergentes, vous persistez à vouloir faire revenir les déficits publics sous la barre des 3% l’an prochain. C’est une entreprise dangereuse, car si l’objectif inatteignable doit être atteint coûte que coûte, ce sera au prix réajustements brutaux, évalués à plus de 20 milliards d’euros, qui risquent de plonger un peu plus l’économie française dans la récession et, au bout du compte, d’accroître encore l’endettement public, comme le montrent les exemples de l’Italie, de l’Espagne ou encore de la Grèce.

Nous n’avons de cesse de tenter de vous convaincre que c’est la croissance qui nous permettra de réduire nos déficits, et non l’inverse. Dans le contexte actuel, marqué par un niveau record du chômage et une situation de l’emploi qui risque encore de se dégrader l’an prochain, nous jugeons déraisonnable de faire de la réduction du poids de la dette l’unique priorité.

C’est pourtant l’orientation prise par le projet de loi de programmation, qui prévoit à cet effet de nouvelles réductions d’effectifs dans la fonction publique, 2% en moyenne d’ici 2015, de nouvelles coupes dans les dépenses de fonctionnement des ministères, 5% d’ici 2015, un quasi-gel des investissements, la réduction des concours de l’Etat aux collectivités locales de 750 millions d’euros par an à compter de l’an prochain…

Les efforts budgétaires consentis sur les missions jugées prioritaires représentent bien sûr une avancée, mais ils restent prisonniers d’une logique étroitement comptable.

Nous retrouvons la même inspiration, la même hantise du déficit, dans votre stratégie fiscale. Si nous nous félicitons de la volonté de mettre à contribution les revenus des contribuables aisés et des grandes entreprises, qui furent les grands bénéficiaires de la gestion calamiteuse de la précédente majorité, rien ne justifiait de maintenir le gel du barème de l’impôt sur le revenu que François Hollande s’était engagé à supprimer et qui va se traduire, malgré la décote, par une augmentation significative de l’imposition de plus de dix millions de nos concitoyens.

Nous regrettons en outre que vous soyez demeurés, sur bien des sujets, au milieu de gué. Sur l’ISF, sur la réforme du barème, sur le taux marginal d’imposition… vous avez reculé enfin devant les protestations des prétendus « pigeons », ces champions de la plus-value à court terme, au risque de compromettre la mise en œuvre du principe que toute la gauche appelait de ses vœux, à savoir l’alignement de la taxation du capital sur celle du travail.

Nous ne pouvons que constater au terme de l’examen de la première partie du PLF, que la véritable révolution fiscale, qui se fixerait pour objectif de combattre les inégalités, de pénaliser la croissance financière des capitaux, de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, demeure d’actualité. Vous n’avez pas donné de suite favorable à nos amendements et êtes demeurés, comme l’exprimait notre collègue Nicolas Sansu, « l’œil rivé sur la ligne bleue des 3%. »

Nous voterons en conséquence contre le projet de programmation et exprimons les plus vives réserves sur le projet de loi de finances lui-même. Nous nous abstiendrons sur cette première partie, dans l’attente d’évolutions significatives.

André Chassaigne


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