Le front de gauche va changer de braquet

mardi 15 juillet 2014.
 

La longue marche vers la victoire. Épisode 3

Suite des deux épisodes précédents :

Electoralisme et activisme, les deux maladies infantiles du militantisme.

http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

L’armée invisible et la prison du silence.

http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Quelles sont les conditions de faisabilité d’une telle stratégie axée sur la formation qui ne peut conduire inévitablement, si elle est bien conduite, qu’à la victoire ?

Le FDG ne peut réussir que s’il dispose :

- 1. d’un projet de société et d’un programme de gouvernement clairs . Il existe déjà avec le programme populaire partagé "L’Humain d’abord", qui constitue une bonne base mais ce programme demande encore à être enrichi et à être plus précis sur un certain nombre de points.

- 2. d’une organisation démocratique unitaire, bien structurée et efficace

Elle est encore relativement embryonnaire du fait de son caractère actuellement électoraliste et de l’absence de comités locaux et régionaux unitaires fédérant toutes les forces disponibles de ses différentes composantes.

- 3. d’une formation suffisante de ses militants tant sur le plan économique, écologique et politique que sur les techniques de communication, de travail coopératif et d’organisation.

En particulier, la maîtrise de l’outil Internet est incontournable et demande à être développée.

- 4. d’une audience importante pour que ses idées soient comprises, acceptées et partagées par une large majorité de la population.

Malgré des percées réelles de Jean-Luc Mélenchon, son audience globale est très largement insuffisante comme en témoigne le faible score aux dernières élections législatives.

Les quatre points précédents sont interdépendants et indissociables : je l’appelle système PAFO (Programme – Audience – Formation- Organisation)

Ils constituent, en quelque sorte, un système dynamique de forces.

Pour mettre en place un tel système dont la finalité n’est pas de gagner quelques sièges ou de faire poids sur le parti socialiste mais est véritablement la prise du Pouvoir, il est nécessaire que le FDG change de braquet c’est-à-dire ne soit pas un simple cartel électoral ou une coalition de circonstance.

Un nombre grandissant de militants, de sympathisants et de responsables du Front de gauche partagent cette espérance.

Martine Billard, présidente du Parti de gauche, est consciente de cette situation comme l’indique son point de presse du 3 septembre 2012, à partir de la 33e minute de son exposé. Voir la vidéo :

http://www.dailymotion.com/video/xt...

Sur le site du PCF d’Aubervilliers, on pouvait lire le 18 juin 2011 une formulation claire et concise :

"Il faut dépasser le cadre d’un simple cartel d’organisations et ne pas réduire le rassemblement à sa seule dimension électorale. Il faut, à Aubervilliers et ailleurs, développer des pratiques communes pour construire un véritable front (politique, syndical, associatif, citoyen) pour mieux affirmer une force, une dynamique. Le PCF et le Front de Gauche ont tout à gagner à accepter de respecter la diversité, de donner une place suffisante aux composantes qui veulent participer au rassemblement".

http://pcfaubervilliers.fr/spip.php...

Dans L’Humanité du 24 août 2012, on pouvait lire :

"Depuis sa fondation, le Front de gauche a vécu une succession de rendez-vous électoraux  : les européennes, les régionales, les cantonales, la présidentielle et enfin les législatives, augmentant son score à chaque scrutin. D’une alliance électorale, il entend devenir une construction politique inédite. La transformation est cependant loin d’être simple. Il faudra innover et «  trouver, dans la durée un fonctionnement de plus en plus collégial, même en place des formes de participation qui ne mettent personne sur la touche  », souligne Pierre Laurent."

http://www.humanite.fr/politique/le...

Dans la résolution adoptée au CN du Parti de Gauche les 13 et 14 octobre 2012, on pouvait lire :

"Dans une perspective d’élargissement, nous restons évidemment favorables au principe d’adhésion directe au Front de Gauche de toutes et tous les citoyen-nes, militant-e-s du mouvement social et syndical, qui n’envisagent pas aujourd’hui d’intégrer l’une des composantes du Front de Gauche. Nous souhaitons développer les Assemblées Citoyennes et les Fronts Thématiques. Pour ces derniers, nous proposons l’organisation d’une convention nationale. Là où les conditions sont réunies, il est tout à fait envisageable de constituer des comités locaux du Front de Gauche."

http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Le 17 octobre 2012, différentes composantes du Front de gauche (Convergences et Alternative, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique incluant l’Association des Communistes Unitaires, Gauche Anticapitaliste, Gauche Unitaire) ,proposent des transformations du FDG dans un document intitulé : "Rassembler, pour une alternative à gauche". Voir le texte intégral sur le site de la FASE ou sur le site du GU :

http://lafederation.org/index.php?o...

http://gauche.unitaire82.over-blog....

Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon répond à cet événement avec l’intelligence politique qui lui est coutumière :

"Il s’y produit des regroupements dans les partis et groupes membres du Front de Gauche. Selon moi, ils sont positifs. Ils devraient simplifier le fonctionnement et solidifier la cohérence politique du Front. Je ne partage donc pas l’émoi de ceux de mes amis qui se sentent heurtés de voir les uns se rapprocher des autres sans solliciter tout le monde. Tout ici est dans l’ordre des choses. Que les trois groupes issus du NPA se regroupent, cela ne me semble pas déraisonnable bien au contraire, c’est logique ! C’est là une culture et une histoire commune qui veut se prolonger. C’est sans doute un moyen important d’élargir l’écoute du Front dans des secteurs nouveaux de l’opinion. Que d’autres organisations du Front de Gauche comme la Fase et « les communistes unitaires » s’impliquent dans ce nouveau rassemblement, voilà qui est de nature à stabiliser la nouvelle entité, le cas échéant. C’est pourquoi le PG avait fait le pari de proposer, au fur et à mesure que le Front s’élargissait, soit la fusion de tous soit de ceux qui le voudraient"

http://www.jean-luc-melenchon.fr/20...

Observons que, sur son blog, Clémentine Autain, appellait de ses vœux une transformation du FDG :

http://clementineautain.fr/2011/06/...

Bref, avec un optimisme raisonnable, il me semble bien que le Front de gauche va changer de braquet et se munir progressivement de tous les moyens politiques pour se lancer enfin à la conquête du Pouvoir et non à la conquête de quelques sièges ou encore de se satisfaire d’être une force de pression sur le parti socialiste.

La "fédération" de la quasi-totalité des forces politiques situées à gauche du PS dans un Front de gauche élargi autonome et souple, doté d’un programme commun clair, non seulement rend possible la mutualisation de forces dispersées et décuple ainsi son efficacité, mais permet à l’électorat d’avoir enfin une vision simple et crédible de l’Autre gauche qui ne se trouve plus diluée dans une multitude de petits partis concurrents.

Les pratiques passées se contentaient, pour l’essentiel, de capitaliser les mécontentements et d’obtenir des sièges dans différentes assemblées. Est-ce là le but ultime des militants du Front de gauche ? Il est très probable que non !

Observons qu’un électoralisme exacerbé est plutôt mal perçu par la population qui considère alors que la politique n’est qu’une activité de "gagne-pain" (Bourdieu), une activité alimentaire et de prestige.

Remarquons aussi, en passant, que ce genre de pratique passée, qui élude problème de la formation de nos concitoyens, ne barre pas la route au Front National qui, lui aussi, non seulement capitalise le mécontentement mais aussi les frustrations en tous genres, avec un relais médiatique sournois qui ne dit pas son nom.

D’autre part, si le Front de gauche ne veut pas être tributaire d’une alliance électorale avec le PS et s’il arrivait un jour au pouvoir, il lui faudrait dans chacun des cas une assise populaire large et très bien formée. Cela suppose qu’il devienne de très loin la première force électorale de la gauche mais qu’il ait la capacité de réunir environ 60 % du corps électoral, au minimum, pour pouvoir appliquer son programme dont la radicalité constitue une rupture avec le système capitaliste actuel.

Dans ces conditions, on se rend mieux compte de l’ampleur de la tâche à accomplir et de son décalage avec la modeste ambitions d’obtenir quelques sièges dans les assemblées.

On n’est plus dans la même dimension d’espace de la lutte politique, on ne se situe plus dans une stratégie à la petite semaine qui se développe d’une manière erratique au gré des élections et des résistances réactives aux coups de boutoir des serviteurs du Capital contre les acquis sociaux.

On ne se laisse plus piégés par les spécialistes de la guerre cognitive au service du Pouvoir qui allument des feux sur plusieurs fronts pour disperser les forces militantes et faire diversion sur les problèmes essentiels qui concernent 99 % de la population..

Le Front de gauche devrait pouvoir ainsi élargir son champ de vision sans oublier non plus d’orienter ses projecteurs sur lui-même en se considérant comme un objet d’études .digne d’intérêt.

Il ne s’agit pas de conduire une guerre de tranchées, de transformer le Front de gauche en un bunker, pour répondre à une crainte de Pierre-Laurent, mais au contraire de l’élargir et d’organiser une action politique de formation tranquille, en profondeur, inscrite dans la durée.

Cela n’exclut évidemment pas que cette action continue de formation fasse référence aux contextes politiques et sociaux du moment qui ont l’avantage de donner un support concret à cette formation et de motiver les militants à agir. Mais cette formation, pour être efficace et offensive, doit dépasser les contingences particulières d’une situation qui ne suffisent pas à faire comprendre tous les mécanismes d’aliénation auxquels sont soumis nos concitoyens.

Les lettres de formation et d’information économique, écologique et politique peuvent avoir un caractère ciblée en fonction de la population visée ou être thématiques. Mais répétons-le, elles ne doivent pas se réduire à des contenus réactifs, comme on le voit très souvent, suite à un événement dommageable pour la population notamment celle des salariés.

Le piège dans lequel il ne faut pas tomber dans cette démarche formatrice est celui de "l’avant-garde éclairée". Il est normal que les militants apportent leur savoir et suscitent des interrogations, mais il va de soi que les contacts ainsi créés et avec la population doivent être interactifs. Prenons un exemple : celui des assemblées citoyennes. La tribune ne devrait pas être monopolisée par "ceux qui savent" ou "apportent leur lumière" mais être aussi ouverte aux citoyens qui possèdent une connaissance assez précise d’un sujet sans s’être forcément reconnu comme des experts patentés. Ces citoyens deviennent ainsi à leur tour formateurs.

Prochain épisode : Les clés de la Victoire : le système PAFO

Hervé Debonrivage


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