Le Front de gauche contre le budget 2013

mardi 18 décembre 2012.
 

Tribune publiée dans la presse (en particulier L’Humanité) signée par Jean-Michel Drevon, Janette Habel, Pierre Khalfa, Roger Martelli, Evelyne Sire-Marin, membres du Conseil national de campagne du Front de gauche.

Six mois après son élection, quel bilan tirer de l’action du président de la République et de son gouvernement ? Certes, ce dernier est revenu sur certaines des mesures prises par Nicolas Sarkozy, comme par exemple la réforme de l’ISF ou l’instauration de la TVA sociale. Mais dès l’été, les mauvais signes s’amoncelaient, levant progressivement les ambigüités de la campagne du candidat Hollande.

Le coup de pouce dérisoire au SMIC (0,6 %) et l’absence de mesures générales sur les salaires, alors que le pouvoir d’achat baisse, interrogeaient sur la stratégie gouvernementale. Mais c’est l’objectif de réduire à tout prix le déficit budgétaire à 3 % du PIB en 2013, sur la base d’une prévision de croissance fantaisiste, avec comme perspective l’équilibre budgétaire en 2017, suivi d’une ratification à la va-vite du Pacte budgétaire européen qui a donné le sens de la politique économique du gouvernement.

L’austérité budgétaire devient la règle : baisse de 15 % en trois ans des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’intervention de l’Etat incluant les dépenses sociales, soit une norme plus sévère que celle du précédent gouvernement ; baisse des effectifs de la Fonction publique de 2,5 % par an sur la durée du quinquennat, pour compenser la création de 65000 postes dans l’Education nationale, la police, la gendarmerie et la justice ; maintien du gel du barème de l’impôt sur le revenu décidé par l’ancienne majorité équivalant à une hausse de 2 % qui va toucher l’essentiel des contribuables même si une décote est prévue pour les plus modestes.

Le contenu du projet de budget 2013 ne fait que mettre en musique ces orientations. Il s’y rajoute quelques petites perles qui montrent à quel point ce gouvernement est sensible à la pression des plus riches. Passons sur la capitulation en rase campagne face aux « pigeons », qui considéraient comme une aberration que le capital soit taxé comme le travail, mais attardons nous sur l’ISF, les niches fiscales et la taxation à 75 %. François Hollande est revenu sur la réforme de Nicolas Sarkozy, mais en partie simplement : le taux supérieur qui touche les très gros patrimoines n’est plus de 1,8 %, mais de 1,5 %. Mais surtout, en refusant que soient pris en compte les biens professionnels dans son assiette, le gouvernement continue de faire de l’ISF un impôt qui touche avant tout les classes moyennes/supérieures et épargne les plus gros patrimoines. Un foyer fiscal pourra réduire au maximum son impôt de 10 000 euros par an (contre 18 000 euros auparavant) par le biais des niches fiscales, mais un certain nombre de niches profitant essentiellement aux ultra riches comme par exemple le système de défiscalisations dans les DOM-TOM, est maintenu intégralement. La taxation à 75 % va toucher les revenus supérieurs à un million d’euros par an mais elle sera exceptionnelle et ne prendra pas en compte les revenus du capital. Or c’est justement eux qui constituent une bonne partie du revenu de ces ultra riches .

Le vote du budget se déroule dans une situation particulière, celle d’un tournant du gouvernement sur la question de la compétitivité des entreprises. Tout le long de la campagne électorale, François Hollande avait condamné l’augmentation de la TVA, car cet impôt touche de manière disproportionnée ceux qui consomment l’essentiel de leur revenu, c’est-à-dire les classes populaires, et avait indiqué que le coût du travail en France n’était pas le problème. Le voilà maintenant qui reprend textuellement le discours patronal sur ces sujets et applique les mêmes recettes que le précédent gouvernement. Il s’apprête à baisser le coût du travail avec un cadeau de 20 milliards d’euros aux entreprises compensé par une hausse de la TVA de 7 milliards d’euros et une nouvelle réduction des dépenses publiques de 10 milliards d’euros. Les ménages paieront donc deux fois : une fois par l’augmentation de la TVA, une autre fois avec moins de services publics, de protection sociale, d’investissement pour l’avenir. Ce reniement pleinement assumé s’accompagne d’autres déclarations qui font de la réforme du droit du travail le prochain objectif du gouvernement avant la réforme de la protection sociale et celle de l’Etat. C’est donc la totalité de l’agenda néolibéral qu’est en train de rependre François Hollande, tel qu’il se met en œuvre dans de nombreux pays européens sous l’impulsion de la Troïka, Commission européenne, Banque centrale européenne et Fond monétaire international.

Ces orientations sont non seulement socialement destructrices, mais elles sont économiquement absurdes. En effet, l’essentiel des relations commerciales des pays de l’Union européenne a lieu à l’intérieur de l’Union. Les clients des uns sont les fournisseurs des autres et les déficits des uns font les excédents commerciaux des autres. La contraction de la demande interne produite par la réduction des coûts salariaux et les coupes dans les dépenses publiques, ne peut donc qu’être porteuse que d’une logique récessive et il n’y a pas d’issue dans un recours plus grand aux exportations puisque tous les pays appliquent les mêmes orientations. L’Europe s’enfonce donc dans la récession et voit même l’Allemagne aujourd’hui touchée par la contraction économique.

Le Front de gauche avait, lors de la campagne électorale, montré qu’il était possible de faire autrement, qu’un gouvernement de gauche n’était pas condamné à se renier en appliquant la politique de la droite. Il avait proposé des mesures concrètes permettant de rompre avec la domination de la finance, de répondre aux besoins sociaux et d’engager la transition écologique. La politique du gouvernement est aux antipodes de celle que préconise le Front de gauche. C’est pourquoi il aurait été nécessaire que, dans le cadre du débat budgétaire, le Front de gauche présente en tant que tel, avec son groupe parlementaire, un projet de contre budget, détaillant sur quelques points essentiels la politique alternative qu’il mènerait s’il était au pouvoir.

En étant présents dans les institutions et dans les luttes, le Front de gauche cherche à faire reculer la politique social-libérale suivie par le gouvernement et permettre ainsi des avancées immédiates. Cependant son but n’est pas seulement d’infléchir cette politique mais de proposer une alternative globale. Il ne peut donc en aucun cas apparaître lié, d’une façon ou d’une autre, à la politique menée actuellement. Le vote au Parlement contre le budget doit exprimer une double ambition : délivrer un message clair de défiance et de critique de la politique d’austérité de ce gouvernement ; rouvrir le champ de l’espoir pour toute la gauche.

C’est pourquoi il est indispensable que le Front de gauche mène une campagne nationale, contre cette politique d’austérité, sur des mesures d’urgence pour sortir de la crise. Cette campagne, dont le contenu doit être discuté collectivement, doit s’appuyer sur une mobilisation de l’ensemble du Front de gauche, organisations politiques, assemblées citoyennes, associations locales, fronts thématiques et adhérents non encartés.


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