Laissera-t-on le capital mener la lutte des classes  ?

dimanche 20 novembre 2016.
 

Par Pierre Zarka, Association des Communistes Unitaires (Fase), Observatoire des Mouvements 
de la Société (OMOS).

Après les échecs du XXe siècle (modèle soviétique ou autre terme en « isme »), ne plus rêver au grand soir équivaudrait à nous en tenir à une succession de mesures en rupture avec le capitalisme. On pense alors qu’au fil de leur application, de telles mesures parleraient d’elles-mêmes. L’expérience concrète ne suffit-elle pas  ? Non. Elle produit d’abord du conformisme. L’expérience dessine une normalité  : si je suis demandeur d’emploi, je vérifie par la pratique que ma vie dépend du pouvoir de l’offreur. Sans outil d’analyse, l’expérience me conforte dans un rapport de dépendance. Les mots « théorique » et « philosophique » sont devenus synonymes de hors de la réalité. Ce type de raisonnement a laissé le champ libre à l’aggravation de la crise et handicapé les forces alternatives.

On considère qu’une proposition se suffirait à elle-même et n’impliquerait aucune bataille idéologique. On croit être simple et on est impuissant  : la Sécurité sociale repose sur une idée chère aux communistes, de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins. Mais, ce principe n’ayant pas été partagé, la Sécurité sociale n’a eu aucun effet de contagion. Pire, en profiter comme si elle était naturelle la rend vulnérable. Si les tenants du capital sont les seuls à s’appuyer sur la cohérence d’un système, la lutte est inégale. On l’a vu avec ArcelorMittal  : la nationalisation a été présentée par défaut, et non comme un moyen de donner du pouvoir aux citoyens face aux marchés. L’efficacité des luttes est liée à leur inscription dans la perspective d’une autre organisation de la société.

On pense trop qu’un idéal ne pourrait se greffer qu’en bout de course, au terme d’expériences concluantes. On confond alors processus et intention. Sans intention, il n’y a même pas de début de processus. L’intention vient au commencement pour pouvoir orienter l’élaboration et le tri des mesures. Cela suppose qu’elle soit l’objet d’un combat au cœur des questions quotidiennes. Même si elle est processus, la révolution ne se fait pas par coïncidence.

On peut interroger le sous-usage du mot « communisme ». Celles et ceux qui s’y réfèrent disent qu’il s’agit d’un processus, mais dès que l’immédiat surgit, c’est-à-dire tous les jours, le communisme disparaît. Cette dissociation entre immédiat et révolution est un héritage du grand soir et nous fait retomber dans le découragement, le «  moindre mal  » ou/et le FN.

Il y a urgence à commencer à tracer, non pas le détail, mais la charpente de ce que peut être l’Humain d’abord. L’expression est belle mais ne suffit pas. Pour qu’elle dise quelque chose, cela suppose de situer le capital comme l’adversaire afin que qui se ressemble puisse se reconnaître et s’assembler. Il n’y a de conscience collective qu’à partir d’un antagonisme. Pour l’instant, c’est le capital qui mène la lutte des classes avec le plus grand esprit de décision.

Cette charpente implique aussi d’explorer ce que les anciennes conceptions du communisme avaient occulté. C’est le cas du dépérissement de l’État. Ce n’est pas une question parmi d’autres. Tant que le but est le bon gouvernement, nous restons dans un registre délégataire, réduisant la citoyenneté au statut de consommateur, incompatible avec la transformation du mouvement de tous en puissance révolutionnaire. Partout le capitalisme a absorbé la contestation de son règne en se protégeant derrière la dissociation État-société civile.

Si on se place du point de vue du peuple, pouvoirs institutionnels et pouvoir faire ne sont pas toujours synonymes. Si le communisme est le mouvement propre des intéressés, il est temps de désétatiser nos esprits et conceptions. Nous apprenons de l’histoire que la «  démo-cratie  » n’est pas l’État mais les pouvoirs qu’arrache le peuple. De nombreux signes de quête d’émancipation s’expriment en marge des enjeux institutionnels. Or la conception traditionnelle de la politique passe à côté. Reste à faire du communisme… 
intentionnellement.

Par Pierre Zarka, Association des Communistes Unitaires (Fase), Observatoire des Mouvements 
de la Société (OMOS).

Par Pierre Zarka, Association des Communistes Unitaires (Fase), Observatoire des Mouvements 
de la Société (OMOS).


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