École privée : l’heure de solder les comptes !

mercredi 6 février 2013.
 

Quelle situation inique, car là où l’enseignement public, avec une diminution des moyens financiers et humains, se doit d’accueillir tous les enfants, l’enseignement privé déroge à la carte scolaire... De plus, pour ne prendre que la Région Ile de France, ce sont près de 8 millions d’euros de travaux qui ont été votés en 2012 pour des travaux non prévus par la loi. Les Régions, dirigées par des socialistes pour la plupart, continuent d’entretenir une inégalité d’accès à l’éducation au profit de l’enseignement privé.

En rappelant à l’ordre l’enseignement catholique qui entend faire preuve de prosélytisme dans le débat sur le mariage pour tous, Vincent Peillon a déclenché les foudres de la droite, et Mme Boutin sort de sa retraite pour l’accuser de "réveiller la guerre scolaire". Si seulement ! Car Vincent Peillon fait mine d’ignorer ce fait désormais incontestable : l’enseignement privé confessionnel catholique reste un enseignement privé confessionnel et catholique. Il est donc en effet l’artisan de l’œuvre prosélyte de l’Église dont il constitue un moyen privilégié d’atteindre les consciences. Les combats des philosophes des Lumières ont toujours souligné l’enjeu que représentait l’école pour les dogmes religieux, l’enfance étant un moment propice pour son œuvre de propagande. En intervenant dans le débat de société, l’enseignement privé catholique accomplit bien en effet ce qu’il considère être sa mission. Le préambule du statut de l’enseignement catholique rappelle notamment son objet : promouvoir « Une communauté chrétienne ayant pour base un projet éducatif enraciné dans le Christ et son évangile. L’enseignement catholique ne peut pas renoncer à la liberté de proposer le message et d’exposer les valeurs de l’éducation chrétienne. L’École catholique est donc elle-même un lieu d’évangélisation. » Le problème tient donc moins à cette intervention, qu’à la situation dans laquelle l’enseignement peut encore être confié dans la France républicaine à une entreprise prosélyte.

Voilà qui devrait faire réfléchir tous ceux qui croient qu’en mettant leurs enfants à l’école privée, ils ne font que les exempter des influences fantasmées des pauvres et des immigrés : ils les soumettent également à une influence religieuse. Quelle situation inique, car là où l’enseignement public, avec une diminution des moyens financiers et humains, se doit d’accueillir tous les enfants, l’enseignement privé déroge à la carte scolaire. Voilà qui doit nous interpeller dans un pays où, malgré le principe de laïcité, l’État et les collectivités locales financent encore très largement les établissements privés, souvent bien au-delà des obligations légales : ainsi, 10 milliards d’euros seront versés par la puissance publique à l’enseignement privé en 2013, et, pour ne prendre que la Région Ile de France, ce sont près de 8 millions d’euros de travaux qui ont été votés en 2012 pour des travaux non prévus par la loi. Les Régions, dirigées par des socialistes pour la plupart, continuent d’entretenir une inégalité d’accès à l’éducation au profit de l’enseignement privé.

Voilà qui devrait inquiéter quand on sait quelle est la place de l’enseignement privé - essentiellement catholique d’ailleurs - dans certaines régions de France ou dans l’enseignement privé agricole. Alors oui, cette intervention de l’école catholique dans un débat de société doit nous conduire à réaffirmer le principe simple, mais garant de l’égalité et de la laïcité : école publique fonds publics, école privée fonds privés. Il est temps, non de réouvrir la guerre scolaire, mais de solder les comptes.

Tribune de BENOÎT SCHNECKENBURGER Professeur de philosophie dans l’enseignement public


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