Publication du patrimoine des élus : Les sociaux libéraux ont encore réussi à protéger le royaume de l’argent

mercredi 24 avril 2013.
 

Il faut faire du judo médiatique. La publication des patrimoines des élus est un attrape-nigaud, destiné à écarter les regards loin des lieux où la partie de la finance occulte a ses véritables enjeux. Cependant exprimer une opposition politique et morale au grand déballage exigé par Hollande et Ayrault ne nous rapporterait rien. Sinon d’être rendus suspects. Il faut au contraire utiliser la loi de suspicion proposée par Hollande et Ayrault pour demander l’élargissement de son champ d’action.

Suspect, c’est ce qui a failli m’arriver dans la mise en place d’un traquenard médiatique que je n’ai pas identifié tout de suite. C’était mon invitation au 20 Heures sur le plateau de « France 2 ». Je n’avais pas compris que j’avais été invité pour me « faire avouer » mon patrimoine. Comme je n’avais que quatre minutes de temps de parole, j’étais surtout soucieux de passer mes propositions. Mais comme Pujadas insistait et qu’il le faisait d’une voix mielleuse, au milieu de l’émission, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un piège ! J’ai immédiatement compris le profit que je pouvais en tirer. Alors, pour moi, tout l’intérêt de la situation était de retourner la charge. Du judo. J’ai demandé à Pujadas de révéler son propre patrimoine. Il se liquéfia ! Sainte trouille de la lumière, priez pour nous. Ces gens sont à notre portée ! Mille merci à Hollande et Ayrault qui nous ont livré la corde pour les pendre ! (NDLR : attention ceci est juste une expression. L’auteur est partisan de l’abolition de la peine de mort, même pour les exilés fiscaux.)

Mais pourquoi cet intérêt pour moi ? Je ne l’ai compris qu’ensuite. En fait comme vous le savez puisque j’en ai déjà parlé ici, l’extrême-droite répand des légendes à mon sujet. Notamment la rumeur selon laquelle je refuserais de faire connaître ma situation patrimoniale. La vérité est que j’ai toujours été contre cet exercice, que je considère comme une hypocrisie sans garantie de véritable transparence. Mais, bien sûr, je n’ai jamais refusé de le pratiquer pour moi-même. Mon patrimoine est donc public depuis des années. Mais quelqu’un dans la rédaction s’est dit « Mélenchon va refuser ». Pour les « journalistes » peu importe que mon patrimoine soit public ou pas et depuis combien de temps ! Peu importe que mes raisons contre cette pratique hypocrite soient d’ordre politique ! Cela n’a aucune importance. Ce qui leur importe c’est de salir « les politiques » et de se donner la posture enviable de ceux qui révèlent les turpitudes des autres. Et davantage encore de disposer d’un bon spectacle qui fait du buzz. Ils n’ont ni morale, ni sens civique ni aucun sentiment du devoir humain. C’est juste une meute que l’odeur du sang affole. Cela n’étonne que ceux qui croient encore que les médias politiques sont des miroirs de la société et n’ont pas compris qu’il s’agit juste d’une arène. Dans Marianne de cette semaine il y a un récit à propos du livre de l’ex-philosophe du « Grand Journal » de Canal+, Ollivier Pourriol. A mon avis ce bouquin n’aura pas de succès médiatique car il ne dit pas de mal des personnes. Il se contente de décrypter un système avec des arguments rationnels. Marianne rapporte qu’un technicien de plateau aurait dit à Pourriol : « Ne croient pas que les gens regardent un talk-show : ils regardent comme dans une arène qui bouffe, qui survit, qui crève ». Je ne crois pas que le spectateur se trompe de comportement. Je pense au contraire qu’il a parfaitement compris de quoi il s’agit. Il faut donc en jouer nous aussi. Car les gens de médias sont incapables de se contrôler une fois lancés sur la piste du sang. Ils n’imaginent même pas qu’on puisse les manipuler à leur tour et se servir de leurs plus bas réflexes pour faire avancer nos machines de guerre contre le système ! Dans mon cas leur excitation a été alimentée par une consigne commune à l’extrême-droite et au PS à mon sujet. Mais rappelons le, les journalistes influencés par le PS ou par l’extrême-droite relaient donc les éléments de langage moins par docilité politique que par gout du scandale qu’ils croient tenir. Leur appétit pour flatter les plus bas instincts est sans limite. Les « journalistes » ont donc fait « comme si ». Au prix du ridicule pour madame Ruth Elkrief qui sur BFMTV prétendait mercredi de nouveau que je refusais cette publication alors que je venais de la renouveler et que tout le monde en riait. Ou pour « Le Monde » qui reprend cette même assertion sur mon refus en début de semaine en précisant que je « m’en tire avec une pirouette ». Ah bon je « m’en tire » ? Le but était donc bien de me « coincer » ? L’intention de nuire est avouée. Personne n’a l’air de remarquer que Noël Mamère a refusé de publier quoi que ce soit. Et ses arguments ne sont pas repris. C’est comme « le coup de balai » : exquis dans la bouche de Ségolène Royal contre Sarkozy, inacceptable dans la mienne. C’est comme « salopard ». Pur dans la bouche de François Hollande en pleine campagne présidentielle contre Sarkozy, insupportable dans celle de François Delapierre contre Moscovici. Que ces exemples vous servent de leçon, mes chers lecteurs, les jours où vous vous demandez si « on n’en fait pas trop ». Comme disait le père Duchène : si je disais " bougre !" et "foutre !" pour défendre les aristocrates, ils trouveraient cela délicieux et piquant. Mais comme je le dis contre eux, ils trouvent ça odieux !

Je marche donc dans une double identité. L’une fabriquée de toute pièce par des portraitistes à gage et l’autre, tel que je suis, dans des positions toujours niées et occultées parce qu’elles sont incompréhensibles par le rustre médiatique ordinaire. Celui-la (celle-là) pense comme un répondeur automatique, écrit avec un marteau piqueur et s’étourdit de sa propre propagande. Voyez comment « Le Monde » rend compte de mes critiques contre le plan présidentiel ? Il ne dit pas un mot des propositions concrètes de lutte contre les paradis fiscaux que j’ai présentées le même jour au même endroit et qui sont plus brièvement formulées que mes critiques. Peu importe. Il faut utiliser leur insondable bêtise à notre profit. Bien sûr, le procédé utilisé par Hollande et Ayrault est un attrape-nigaud. Aucune déclaration publique d’aucune sorte n’empêchera un menteur de mentir, un voleur de voler. De toute façon, tant que les moyens ne sont pas mis en face des intentions tous ces discours ne sont d’aucune portée pratique. Le reste du dispositif de contrôle ne vaut pas mieux.

Seules les vraies fortunes pourront dire « merci » à Hollande et Ayrault. Grâce à eux, de la malhonnêteté d’un proche du président, Jérôme Cahuzac, on aura officialisé un soupçon généralisé strictement réservé aux élus. C’est à peine croyable. Cela doit nous aider à réfléchir. Les sociaux libéraux ont encore réussi à protéger le royaume de l’argent ! La bonne mesure eut été d’interdire à toute banque française d’avoir une succursale dans les paradis fiscaux. Pas d’en « révéler publiquement » la liste qui existe déjà dans n’importe quel bottin. La bonne mesure eut été de publier la liste des détenteurs de comptes dans les paradis fiscaux. Au minimum de ceux qui n’ont pas régularisé leur situation depuis que le fisc a reçu la liste des 3000 clients fraudeurs de HSBC. Pourquoi refuser de publier la liste des coupables avérés et publier celle des présumés innocents ?

Bref, la méthode misérable du tandem Ayrault-Hollande peut servir nos objectifs. Nous ne devons pas faire autre chose que d’applaudir des deux mains. Car c’est le moyen d’enfoncer un coin dans le dispositif de nos adversaires. D’une part le moment venu nous pourrons dire « il est prouvé que les mesures individuelles ne servent à rien, donc il faut des procédures collectives qui frappent à la racine du problème. » Les mesures contre le secret bancaires par exemple. Personne ne pourra nous accuser d’exagérer ou d’utiliser des méthodes inquisitoriales. Il suffira de rappeler les applaudissements de la caste médiatique aujourd’hui. De plus, Hollande et Ayrault ont ouvert une brèche qui permet d’exiger la même suspicion préalable pour d’autres catégories qui en seront bien plus encombrées et qui le méritent bien davantage. Par exemple les dirigeants des groupes de presse, les rédacteurs en chef, les chefs de rubrique que nous accusons de cacher la vérité, les grands patrons d’entreprise stratégique et les banquiers dont les décisions impliquent l’équilibre du pays. Les riches en général qui font circuler de l’argent. Et ainsi de suite. Naturellement cela ne se fera pas aujourd’hui. Ce refus sera donc une nouvelle occasion de les montrer du doigt comme des gens qui ont quelque chose à cacher, ce qui est l’exacte vérité. Dans ces conditions nous tirerons de la bêtise des Rantanplans solfériniens un effet mécanique de propagande et de discrédit contre nos adversaires. Rien n’est plus utile pour continuer d’effondrer la légitimité de l’ordre politique et social en place.

Ce qui me fait jubiler c’est de voir les Rantanplans solfériniens pris à leur propre piège. Ainsi quand, à la une du « Monde », François Hollande est soupçonné de populisme, et que l’historien Pierre Birnbaum l’en accuse avec des arguments et une démonstration qui était jusque-là utilisée par les mêmes solfériniens contre nous ! Birnbaum, à son tour, ressort les épouvantails des années 20 et 30. Mais cette fois ci, c’est bien contre Hollande ! Trop drôle ! En attendant, grâce à Pierre Birnbaum, j’ai enfin compris ce qui m’est reproché. Car depuis trois semaines je m’arcboute contre l’amalgame avec le vocabulaire et les méthodes de l’extrême-droite de ces années-là. Pierre Birnbaum m’éclaire par son reproche à Hollande. Je vais citer tout un passage de son argumentaire. « J’ai écouté attentivement ce qu’a dit François Hollande, mercredi 10 avril, à la sortie du Conseil des ministres. J’ai été étonné par les mots et les métaphores qu’il a employés. « Nécessité d’une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte ». Comment ne pas penser aux années 1920-1930, à la dénonciation du « mur de l’argent », des « ploutocrates » et des « deux cent familles ». Le lecteur sait-il que deux types de critiques radicalement opposé à l’époque sont ici amalgamés par Pierre Birnbaum ? « Ploutocrates » est pris dans le vocabulaire de l’extrême-droite antisémite d’avant-guerre. Le « mur de l’argent » et les « deux cent familles » sont des mots du vocabulaire du Front Populaire pris dans la bouche de Léon Blum. Donc en résumé, Pierre Birbaum met dans le même sac toutes les dénonciations de l’argent de la période d’avant-guerre ! C’est très instructif ! Je pense que c’est le fond non-dit de tout ce qui m’est reproché. Ce n’est que la dénonciation de l’argent roi. Birnbaum lui au moins ne se cache pas derrière une indignation de façade. Il assume : « Comment ne pas être troublé, écrit-il, par ces références qui constituent le vieux fond sémantique de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite ? ». Je lui suis reconnaissant de noter que « nul ne peut accuser Mélenchon de préjugés antisémites ». Mais je persiste à dire que c’est une terrible erreur d’imputer à mes propos au sujet de « la langue de la finance internationale » des connotations telles que « une telle phrase appartient à un registre qui ne peut que les évoquer ». Je ne le dis pas en défense de mon droit à parler comme je l’entends sans tenir compte de la religion de ceux dont je parle, mais pour souligner quel genre de précédent scandaleux est créé si l’on considère que parler de « finance internationale » serait une incrimination raciste.


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