Le jeu du pouvoir et de la trahison . . . au Parti socialiste

mercredi 16 avril 2014.
 

Philosophie ou politique, paraphrasant Jaurès, la question est désormais  : «  La trahison est-elle la condition suprême du pouvoir  ?  » (Gérard Mordillat)

Je me permets de proposer à Vincent Peillon un sujet à soumettre aux candidats du prochain baccalauréat. La question est celle-ci  : les socialistes (les dirigeants socialistes passés et présents, ceux qui occupent des postes gouvernementaux, pas les militants bien entendu) trahissent-ils en fonction des circonstances ou trahissent-ils par nature  ? Peut-on parler d’une ontologie de la trahison socialiste  ? Il sera bon d’évoquer les souvenirs douloureux du passé  : 1914-1918 où, Jaurès à peine enterré, les responsables socialistes votent les crédits de la guerre, l’abandon des républicains espagnols par le gouvernement de Léon Blum, Munich, Pétain, à qui ils accordent les pleins pouvoirs, Jules Moch, qui fait tirer sur les grévistes en 1947, Guy Mollet et Mitterrand pendant la guerre d’Algérie… et de relier cette histoire à aujourd’hui. La lecture du livre récent de Bertrand Rothé, De l’abandon au mépris (Seuil), peut éclairer fortement le propos pour la période 1981-2013…

Il y a beaucoup de choses à reprocher à Nicolas Sarkozy mais il faut lui reconnaître de la constance et de l’endurance. Élu par la droite, sur un programme de droite, il n’a jamais dévié de cette perspective droitière, gouvernant à droite toute, voire à l’extrême droite, pour satisfaire les désirs et les revendications de ceux qui l’avaient élu. Sans attendre une révolution, les électeurs de François Hollande et de son gouvernement pouvaient espérer au minimum qu’ils aient la même constance et la même endurance à gouverner à gauche, voire au rose pâle, au centre gauche. Eh bien non, ils gouvernent à droite, et bien à droite  ! Ils mettent cyniquement leurs pas dans les pas de leurs prédécesseurs au rythme de Tina chantant le refrain bien connu  : «  Il n’y a pas d’alternative  !  »

Sur le plan économique, c’est du pareil au même, voire du pareil au Medef  ; sur le plan social, c’est la reprise d’un alexandrin goguenard de Frédéric Lordon vendu comme une vérité révélée  : «  La rigueur aujourd’hui, la croissance demain  »  ; sur le plan politique, c’est le mépris ou l’injure, critiquer les choix du gouvernement fait de vous aussitôt un «  populiste  », un incompétent, un irresponsable  ; sur le plan démocratique, c’est «  circulez, il n’y a rien à voter  !  »  ; sur le plan moral, c’est Iago, Manuel Valls réussissant une synthèse idéale entre Messieurs Guéant, Besson, Hortefeux, une brillante réussite digne du prix «  Jules Moch  » du plus grand traître à l’idéal socialiste.

Philosophie ou politique, paraphrasant Jaurès, la question est désormais  : «  La trahison est-elle la condition suprême du pouvoir  ?  »

Gérard Mordillat, écrivain

Tribune parue dans L’Humanité


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