Turquie : Non à la dictature de l’AKP ! Vive la mobilisation laïque et démocratique !

dimanche 23 juin 2013.
 

- 14) Le Parti de Gauche dénonce la répression de la mobilisation pacifique à Istanbul
- 13) "A Taksim, c’est l’enfer"
- 12) Un journaliste de Bir Gun et un étudiant d’origine kurde témoignent
- 11) La police antiémeute reprend le contrôle de la place Taksim
- 10) Vidéo d’un policier tuant de sang froid un manifestant au pistolet
- 9) Un mai 68 turc
- 8) Témoignage de la place Taksim à Istanbul
- 7) Un mouvement anti-impérialiste et laïque
- 6) Solidaires de la résistance populaire en Turquie (appel unitaire)
- 5) Appel à la solidarité internationale des défenseurs du parc Gezi
- 4) Le Parti de Gauche dénonce la répression de la mobilisation pacifique à Istanbul
- 3) Malgré une répression policière très dure, les manifestations se poursuivent (Mediapart)
- 2) A Istanbul, la place Taksim au coeur de la contestation turque
- 1) Un printemps turc ?

14) Le Parti de Gauche dénonce la répression de la mobilisation pacifique à Istanbul

Depuis Vendredi 31 mai 2013, la répression d’une mobilisation populaire et pacifique en Turquie contre l’urbanisation du parc Gezi à Istanbul, proche de la place Taksim, a fait plusieurs dizaines de blessés. Des milliers de manifestants étaient venus place Taksim pour protester contre la politique de marchandisation de la ville et l’implantation, entre autres, d’un centre commercial, mais aussi plus globalement contre la multiplication de projets pharaoniques dans la ville comme la construction d’un troisième aéroport (qui devrait être le plus grand du monde) ou la construction d’un troisième pont sur le Bosphore.

Suite à la violente répression, le mouvement a commencé à s’étendre à d’autres villes du pays (Ankara, Izmir) et a pris la forme d’une contestation sans précédent contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002, et réélu en 2007 et 2011. Accusé de dérive autoritaire par les manifestants de la place Taksim, Erdogan a réprimé ceux-ci de manière inacceptable. Le Parti de Gauche réclame la fin immédiate des violences contre les manifestants pacifiques."

13) "A Taksim, c’est l’enfer" (témoignage)

Chers tous, je suis réfugié chez des amis. A Taksim, rue Istiklal, dans le quartier de Beyoglu-Cihangir c’est l’enfer. Ils frappent les gosses, arrêtent les médecins qui ont participé aux soins des blessés, ils pénètrent même dans les hôpitaux, dans les grands hôtels, comme le Hilton ou le Divan qui avaient ouvert leurs portes aux gens qui voulaient se protéger. Les robocops ont "nettoyé " la place de Taksim, détruits tout sur leur passage.

Ce sont des SAUVAGES,des BARBARES. Avec les canons à eau ils projettent un liquide acide qui brule la peau. Il y a énormément de blessés, d’aveuglés, de brulés. Mais depuis minuit des centaines de milliers de personnes viennent des banlieues et marchent en cortège par les autoroutes et se dirigent vers le centre. Nous avons décidé ici que personne ne devait sortir seul. Nous attendrons le jour, au plus tôt, pour sortir. Ni moi ni mes amis ne courons aucun danger. Nous avons été encouragés de savoir que la nouvelle des événements était déjà diffusée en France dès 21 h.

Faits passer ces infos : EN LES RECOPIANT DANS UN NOUVEAU MESSAGE. SI VOUS TROUVEZ DES INFOS COPIEZ-LES ET NE LES "PARTAGEZ" PAS DE MANIÈRE À NE PAS RÉVÉLER LES NOMS DES INTERNAUTES TURCS.

Nous sommes à Galata, donc tout près de là où ça barde, mais on ne s’en rend absolument pas compte, on n’entend aucun bruit ni ne voyons aucun nuage de fumée. Mais nous avons passé tout ce temps sur l’ordinateur à essayer d’avoir des infos. Il y a énormément d’appels destinés à l’étranger, pour alerter l’opinion internationale."

12) Un journaliste de Bir Gun et un étudiant d’origine kurde témoignent

René Arrighi, militant du Parti de gauche et Tristan Sadeghi ont rencontré dimanche 9 juin Berhat Gultekin, journaliste à Bir Gun, l’un des principaux journaux de la gauche anticapitaliste turque et membre du Parti de la liberté et de la solidarité (ÖDP) ainsi que Ridvan, un étudiant d’origine kurde membre du BDP, Parti pour la paix et la démocratie. Voici les entretiens qu’ils ont recueillis.

Berhat Gultekin pouvez-vous nous parler de la révolte de la jeunesse turque ? Comment avez-vous vécus cette semaine ?

J’ai tout appris la mobilisation pour le parc par les réseaux sociaux comme facebook. A partir de vendredi dernier j’ai commencé à suivre les évènements pour Bir Gün Gazetesi. Je passe mon temps entre Taksim et la rédaction. J’ai dormi deux fois au parc.

Il faut comprendre que depuis 10 ans le parti du Président, l’AKP (Parti pour la justice et le développement) fait subir une pression grandissante sur les économistes, les journalistes et les académiciens. Dans le même temps la situation économique s’aggrave avec les plus riches qui deviennent plus riches et les plus pauvres qui deviennent plus pauvres. Tout cela crée une animosité à l’encontre du gouvernement. Dernièrement celui-cir à fait connaitre son intention de s’immiscer plus avant dans la vie privée des gens (l égislation sur l’alcool, interdiction pour les couples de s’embrasser en public à Ankara). Une limite à ne pas franchir. Avec Gezi Park la population s’est engouffrée dans un mouvement qui auparavant ne réunissait que les plus militants d’entre nous. Au fur et à mesure que la violence augmentait les gens se sont mobilisés de plus en plus.

Comment pensez-vous que le mouvement va évoluer ?

L’AKP à d’abord choisi de réprimer le mouvement. Ca n’a pas marché. Elle à ensuite choisi le pourrissement en retirant la police de Taksim ces quatre derniers jours. Maintenant nous pensons qu’elle va infiltrer des provocateurs dans le mouvement pour créer des affrontements entre nous et retourner l’opinion publique. Par exemple ils tentent de provoquer un conflit entre nationalistes turques et membres du mouvement kurdes. De même ce matin des jeunes ont lancés des cocktails Molotov contre la police alors que nous avons condamné l’usage de la violence. Il s’agit de milices de l’AKP qui tentent de retourner l’opinion publique contre nous.

Quelles seraient vos revendications ?

Nous sommes pour une société directement géré par le peuple, ce qui n’est pas concevable sous l’AKP. Cependant nous réclamons dans l’immédiat l’arrêt des violences policières et juridiques. Nous demandons que des sanctions contre ceux qui ont usé de la violence de manière disproportionné.

Comment réagit le gouvernement face à vos revendications ?

Dans les médias il se dit prêt à négocier. Gezi Park lui a pourtant envoyé ses revendications il y a quelques semaines et elles sont restées lettre mortes. A présent nous apprenons qu’une délégation de Gezi Park va être reçue. C’est une stratégie pour gagner l’opinion publique, en réalité le gouvernement ne joue pas la carte du dialogue. Il est possible qu’il cède sur quelques points mais sur l’essentiel Erdogan ne reculera que s’il y est forcé.

Quels sont vos relations avec le CHP, le principal parti de l’opposition turque.

C’est un parti hétérogène qui rassemble des libéraux, de sociaux démocrates, des socialistes. Ce qui les regroupes avant tout c’est la défense de la laïcité et le nationalisme. Nous pouvons nous entendre sur certains points, nous avons des désaccords sur d’autres. Nous les retrouvons sur la défense de la vie privée par exemple

Sur la laïcité nous avons des divergences. Nous nous opposons à l’instrumentalisation de la religion par l’AKP. En revanche face à cela le CHP à pendant longtemps adopté par réaction une laïcité d’exclusion. Le résultat à été contre productif. L’AKP a fait des filles voilées un symbole d’une oppression laïque. Nous concevons la laïcité comme la neutralité de l’état vis-à-vis des affaires religieuses associée à une liberté de pratiquer tous les cultes. Nous réclamons la suppression de la mention religion sur la carte d’identité car elle fracture la société en groupe et permet à l’état de ficher les individus.

Quelle est votre position sur la question kurde ?

Nous reconnaissons le droit pour les kurdes d’employer leur langue et nous condamnons toutes les violences dont ils font l’objet. Nous sommes prêts à reconnaitre s’ils le souhaitent leurs droits à des institutions autonomes dans le cadre d’une Turquie fédérale. Cependant nous pensons que la pauvreté et l’exclusion des kurdes provient avant tout du modèle économique turque et de l’idéologie fasciste diffusée par une partie des élites. Turcs et kurdes peuvent vivre ensemble dans un même pays.

Quelle est votre position sur les droits des femmes en Turquie ?

Le pouvoir tente de faire reculer leurs droits qui sont parmi les plus avancés de la région. Quand ils déclarent que l’avortement est un crime, quand le maire d’Ankara propose le suicide comme alternatives à l’avortement pour les femmes violées, quand la justice trouve des prétextes pour limiter les peines en cas de viol ou quand le premier ministre dit que celles-ci doivent faire au moins trois enfants. Tout cela est révélateur de l’état d’esprit du pouvoir vis-à-vis des femmes. Elles sont cependant nombreuses à se mobiliser contre ça.

Quelles sont vos propositions pour faire évoluer le statut de la femme ?

La liberté des femmes, c’est la liberté du peuple. Nous inciterons chacune d’entres elles à faire des études et à travailler. Nous pensons que des quotas sont nécessaires jusqu’à l’arrêt des réflexes patriarcaux. A l’ÖDP 30% de nos représentants sont des femmes, 50% pour les fonctions les plus importantes.

Quelle est votre position vis-à-vis du modèle économique turc ?

La Turquie est complètement dépendante du monde extérieur et se développe en fonction des besoins des capitalistes. Nous souhaitons une réappropriation populaire de tous les secteurs clefs de l’économie, avec des mécanismes de prises de décisions directes et collectives.

La privatisation de la santé et de l’école ces dernières années a contribué à une hausse des inégalités. L’école doit former un esprit critique et la réflexion individuelle. La médecine doit être préventive afin d’éviter au maximum les interventions et les traitements violents pour le corps.

Comment envisagez-vous l’avenir de la Turquie ?

Les élections, telles qu’elles se pratiquent en Turquie, ne sont pas démocratiques. D’une part il ne peut pas y avoir de démocratie réelle dans un système ou les opposants, les journalistes ou les élus d’oppositions sont persécutés et où le parti politique au pouvoir contrôle les principaux moyens d’informations. D’autre part nous refusons l’idée de confier tous les quatre ans le pouvoir à des élus sans que ceux-ci ne doivent rendre des comptes. Nous sommes pour une prise de décisions collective dans chaque aspect de nos vies. La résistance de gezi Park, cette politisation nouvelle, révèle une chez la jeunesse une volonté d’être acteur de son propre destin.

Ridvan, comment en es tu arrivé à d’adhérer au Parti pour la paix et la démocratie, le BDP ?

L’adhésion au BDP a été naturelle. Dans ma région natale (le Kurdistan au Sud Ouest de la Turquie), le BDP est la principale force politique active. J’y ai adhéré tôt, dès mes 17 ans.

Comment expliques-tu le mouvement de contestation qui s’est développé à partir de Gezi Park ?

La défense du parc Gezy n’est pas la raison principale du mouvement initié dans ce même parc. En réalité, cela faisait un certain temps que l’AKP (parti du premier ministre, Tayyip Erdogan) mettait sous pression les Kurdes et les Turcs. On pourrait dire que le seuil de tolérance de la population a été dépassé et qu’il s’agit d’un mouvement résultant d’un long processus politique engendrant la colère. C’est l’expression de notre mécontentement vis-à-vis de la politique menée par l’AKP.

Que reproche t-on exactement à l’AKP ?

Le gouvernement restreint les libertés individuelles (lois restreignant la consommation d’alcool, les démonstrations d’affection publique pour les couples) ou politiques (quasi criminalisation de la politique au sein de l’université). Boire de l’alcool, militer dans un parti politique ou un syndicat, parler une autre langue que le turc dans la rue, est passible de sanction. Fait grave, on compte à travers le pays environ 10.000 prisonniers politiques. Pour vous donner un ordre d’idée de l’atmosphère du pays, Il a fallu attendre plusieurs jours après le début des événements du Parc Gezy pour que les télévisions publiques en parlent.

Il faut également rappeler que les inégalités économiques s’accroissent, que les riches profitent énormément de la croissance économique alors que les personnes les plus modestes s’appauvrissent davantage.

Quelle est l’atmosphère au Parc Gézy ?

L’atmosphère est aujourd’hui [NDLR : dimanche 9 juin] encore extraordinaire. De nombreux stands ont été installés pour distribuer gratuitement de la nourriture.

La force du mouvement est justement d’avoir su s’élargir pour devenir plus festif et s’ouvrir à des personnes moins politisés qui se politisent petit à petit en venant au parc mais qui viennent initialement pour l’atmosphère festive. De plus en plus de monde, qui n’hésitera pas, le cas échéant à se dresser face à la force répressive envoyée par le gouvernement.

Quelles sont les revendications immédiates du BDP ?

En premier lieu, nous exigeons l’abandon du projet de destruction du Parc. Ensuite, nous demandons la libération des trop nombreux camarades placés en garde à vue, parfois même placé en examens seulement pour avoir participer au mouvement. Nous portons également la revendication d’une garantie légale de limitation de l’usage de gaz lacrymogène par la police Enfin, des excuses publiques d’Erdogan pour les violences commises à notre égard et ses insultes (ndlr : le premier ministre Erdogan a notamment traité les manifestants de « vagabonds », de « casseurs ») sont attendues.

Et quelles seraient vos revendications à plus long terme pour la Turquie ?

Sur le plan économique, nous constatons que la croissance importante qu’a connue la Turquie n’a profité qu’à une poignée de privilégiés et que les inégalités se sont creusées. Nous souhaitons donc un grand changement de la politique économique menée, avec une augmentation des salaires et la réalisation d’une politique du type de celle menée par le Vénézuela ou la Bolivie.

Nous mettons également en avant la question de la place des femmes dans la société. Elles ont en effet du mal à trouver du travail, bien que cela soit un peu moins difficile dans certaines régions du pays, comme au Kurdistan. La société entière est en effet encore fondée sur le modèle patriarcal : de nombreux maris dissuadent ou tentent de dissuader leurs épouses de s’investir en politique. C’est pourquoi nous estimons que la mise en place de quota hommes/femmes (en tant que mesure provisoire) pour les élections politiques peut être une bonne idée pour faire évoluer les pratiques de la société.

Enfin nous voulons une égalité de traitement entre les musulmans, les alévis, les chrétiens, les athées. Même si le pays est majoritairement musulman chacun doit être traité de la même manière. L’état doit prendre en charge les lieux de culte de chacun et cesser de mépriser les minorités

http://www.lepartidegauche.fr/viede...

11) Istanbul : la police antiémeute reprend le contrôle de la place Taksim

Les policiers ont pris d’assaut les barricades érigées par les manifestants, qui dénoncent la politique du gouvernement turc depuis douze jours. Le Premier ministre doit recevoir leurs représentants ce mercredi.

Des dizaines de policiers anti-émeutes ont repris le contrôle mardi de la place Taksim à Istanbul, siège du mouvement de protestation antigouvernementale qui secoue la Turquie depuis 12 jours, faisant un usage massif de grenades lacrymogènes.

Les policiers, secondés par des blindés munis de canons à eau, ont pris d’assaut les barricades érigées par les manifestants sur certaines avenues menant à la place, mais ne faisaient pas mouvement vers le parc Gezi, jouxtant la place, où des centaines de protestataires ont installé leurs tentes.

Le gouverneur d’Istanbul, Hüseyin Avni Mutlu, a assuré que l’objectif de l’opération n’était pas de chasser les manifestants du parc. « Notre intention est d’ôter les pancartes et les dessins sur la place. Nous n’avons pas d’autre objectif », a déclaré Hüseyin Avni Mutlu sur Twitter.

« On ne touchera en aucun cas au parc Gezi et à Taksim, on ne vous touchera absolument pas. A partir de ce matin, vous êtes confiés à vos frères policiers », a également affirmé le gouverneur, appelant les manifestants à « rester à l’écart des possibles méfaits » de provocateurs.

De nombreux jeunes se sont cependant répandus dans les rues proches de la place Taksim et ripostaient à la police avec des lance-pierres et des cocktails Molotov, tandis que les canons à eau sont entrés en action. Erdogan va recevoir les manifestants

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a auparavant fait un premier geste concret lundi pour désamorcer la crise qui secoue le pays en acceptant de recevoir, mercredi, des représentants des manifestants qui exigent sa démission.

Au soir d’une nouvelle journée de mobilisation à Istanbul et Ankara notamment, le chef du gouvernement a surpris lundi en faisant annoncer sa première entrevue avec ceux qu’il présentait encore la veille comme des « extrémistes » ou des « pillards ».

« Notre Premier ministre a donné rendez-vous à certains des groupes qui organisent ces manifestations. Je crois qu’il en rencontrera certains mercredi », a déclaré le vice-Premier ministre Bülent Arinç à l’issue du conseil des ministres. « Ils seront informés des faits et notre Premier ministre écoutera ce qu’ils ont à dire », a poursuivi Bülent Arinç sans préciser le nom de ces groupes.

Sitôt annoncée cette ouverture, le porte-parole a adopté à nouveau un ton plus ferme en indiquant que « les manifestations illégales ne (seraient) plus tolérées en Turquie », sans fournir de plus amples détails. « Nous vivons dans un Etat de droit », a-t-il dit.

Le président Abdullah Gül a de son côté promulgué lundi soir une loi très controversée, véritable pied de nez aux manifestants, qui limite la vente et la consommation d’alcool. De nombreux contestataires en ont fait le symbole de la dérive autoritaire et de la volonté de Erdogan de vouloir « islamiser » la société turque.

Jeudi 11 juin 2013 Libération

10) Vidéo d’un policier tuant de sang froid un manifestant au pistolet

Ethem Sarısülük est connu en Turquie comme militant pour la défense de droits de l’homme. Il a reçu 3 tirs de pistolet automatique en pleine tête presque à bout portant.

Le policier assassin paraît avoir reçu un ordre précis pour le liquider puisqu’il s’est replié ensuite au cœur du dispositif policier.

Pour voir cette vidéo, cliquer sur l’adresse URL ci-dessous. You tube a rapidement mis en place un système qui ne permet pas de la visionner.

http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...

9) Un mai 68 turc

Un petit rappel des faits : Pour la préparation des jeux olympique de 2020 le centre ville d’Istanbul est en réhabilitation depuis 3 ans. Dans ce cadre la municipalité AKP de Beyoglu (centre d’Istanbul) procède depuis quelques années à une démolition des vieux quartiers insalubres avoisinant le centre ville sans aucune consultation des acteurs locaux et parfois en violation totale du droit de propriété (on vous annonce un beau matin que votre immeuble va être rasé et que vous avez une semaine pour partir).

Bref dans ce cadre la mairie annonce que le petit parc de Taksim va être détruit et remplacé par un hôtel. Pendant deux mois un petit groupe de militants écologistes vont faire signer des pétitions à la sortie du métro de Taksim pour s’opposer à ce projet. Je n’avais moi-même jamais fait attention à eux. Le jour où les travaux doivent commencer ils décident d’occuper le parc. La police les chasse avec violence. L’histoire se diffuse sur les réseaux sociaux et le lendemain plusieurs milliers de jeunes se réunissent sur chacun des axes menant à Taksim pour reprendre le parc. C’est à ce moment qu’auront lieu les premiers affrontements avec la police et les premiers jets de gaz lacrymogènes.

Cette nuit la je suis avec mon ami D.. jeune militant de la gauche turque. Sur le coup des deux heures du matin nous pensions rentrer lorsque sur le chemin du retour, dans le quartier de Beshiktas, nous avons vu des dizaines de milliers de personnes venir prêter main forte aux contestataires après avoir été alertés par téléphone ou par internet de l’ampleur des évènements. Les rues sont complètement bondées et des voitures recouvertes de drapeaux et de portraits d’Attaturk arrivent de partout. Je n’avais jamais vu un rassemblement spontané d’une telle ampleur.

La foule tente d’avancer vers la place de Taksim situé à 15 min de là. La police la bloque et tente de la faire reculer en usant de gaz lacrymogène et de jets d’eaux. Les gens prennent la fuite lorsque les effusions sont trop fortes pour revenir ensuite par les rues adjacentes. Ils répliquent par des jets de pierre et tentent ainsi de gagner du terrain. Lorsqu’ils peuvent ils construisent des barricades de fortunes. Bien qu’ayant participé à plusieurs grèves et plusieurs mouvements sociaux en France, une telle violence m’était inconnue.

Lorsqu’ils ne peuvent pas prendre la fuite, tant les effusions de gaz sont fortes, les militants se réfugient dans les appartements avoisinant. Moi et mon ami n’avons jamais été mal reçus ou réprimandé, nous avons au contraire toujours été accueillis avec sympathie dans les halls d’immeuble où nous avons séjournés. L’on nous proposera même une fois du thé. Cela ne signifie pas que tous le monde soutient le mouvement mais simplement que la population témoins des évènements à été unanimement choqué par la répression disproportionné adressé à un mouvement pacifiste dans lequel on trouvait de jeunes adolescents dont l’âge ne dépassait surement pas 16 ans.

Dans les quartiers plus éloigné du centre on proteste aussi entre 21 h et 23 heures en frappant sur des casseroles et en coupant rallumant très vite la lumière dans les appartements. (Pratique régulière jusqu’à aujourd’hui). Dans la nuit qui suivra (samedi 1 juin), face au nombre croissant de manifestant la police décidera de se retirer et de laisser la place de Taksim au manifestant. Depuis les conflits ont perdus en intensité. L’occupation de Taksim est ininterrompu depuis une semaine et si la police continue à user de gaz lacrymogène dans les boulevards avoisinant il semble qu’elle a reçu pour consigne d’attendre que la place se vide pour procéder à une offensive. Nous en sommes là.

Qui sont les jeunes qui occupent Gezi Park. Dans leurs majorité ce sont des principalement des jeunes issues de la classe moyenne, étudiants ou jeunes travailleurs (la moitié de la population a moins de trente ans en Turquie). Cette opposition est loin d’être homogène. Parmi les drapeaux de Gezi Park on peut voir banderoles socialistes, anarchistes, kémalistes, nationalistes. On peut aussi voir des militants des mouvements kurdes et alévis. Même si elle reste en marge de la prise de décision une partie de l’extrême droite à aussi rejoins le mouvement. Sur la place Taksim la foule a du intervenir à deux reprise pour mettre fin a des jets de pierre entre jeune turc (organisation de jeunesse kemaliste et nationaliste) et BDP (parti pro kurde) Cependant la majorité des jeunes présent n’appartient à aucun parti et ne se revendique d’aucune idéologie. Tout les textes adoptés proclament leur caractère apartisan et refusent la récupération du mouvement par quelconque organisation ou idéologie. Même Mustafa Kemal Attaturk et le Kémalisme –pourtant figure centrale de l’opposition turque depuis des années- n’y sont pas cités.

Ce qui regroupe ces jeunes c’est avant tout leurs refus de voir leur mode de vie libéral remis en question par le gouvernement. Enfant d’une classe moyenne précaire ils ont la chance de vivre mieux que leurs parents et d’avoir plus de libertés dans leurs choix de vie. (jeunes filles étudiantes dont la mère est femme au foyer, jeunes cadres dont le père comme ouvriers pour l’envoyer à l’université) Pas encore marié, buvant, se déplaçant et vivant comme bon leurs semblent, ils supportent de moins en moins le projet gouvernemental s’infiltrant dans leurs vie privées.

Que revendiquent-ils ? Quelque plates formes ont étés votés ce week end. Elles sont longues et sont régulièrement amendés cependant j’ai pu relever quelque axes principaux :

La possibilité de vivre dans une Turquie vraiment démocratique. La libération des élus, des étudiants et des journalistes emprisonnés (plus de 10 000 prisonniers politiques). Une véritable réforme de la justice pour permettre à celle-ci de travailler librement. L’indépendance des médias par la fin de la censure, l’arrêt de l’intimidation de l’AKP sur les journalistes, le retrait des groupes commerciaux proche du pouvoir dans la direction des journaux.

Egalité de droit et de traitement entre les sunnites et les autres communautés religieuses. Le respect des droits et des spécificités des minorités kurdes chrétiennes et alévies. La reconnaissance de l’athéisme et de de l’agnostisme.

La séparation des pouvoirs : La possibilité pour toutes les composantes du peuple et de la société civile de s’exprimer sans risquer d’être réprimé de quelque manière que ce soit. La mise en place de véritable contre pouvoir permettant au citoyen d’exercer son rôle en dehors des élections.

L’arrêt immédiat des projets d’aménagement décidé sans consultation par les municipalités d’Ankara et Beyoglu. La fin de la dépossession des particuliers ou profit de société privés propriétaires de capitaux.

Le 1er ministre Erdogan est rentré il y a deux jours de l’étranger. Il a été accueilli par ses partisans et a donné un discours ou il a appelé à reprendre la répression du mouvement. Nous de savons pas comment la situation va évoluer, mais l’on prévoit une attaque de la police dans les deux où trois jours qui suivent

8) Témoignage de la place Taksim à Istanbul : « la solidarité du peuple turc est vraiment belle à voir »

Nous reproduisons ci-dessous une lettre envoyée d’Istanbul à un militant du NPA (France).

Depuis déjà quelques mois (et même quelques années), le gouvernement turc islamo-conservateur (mais montré comme modèle d’un islamisme moderne et éclairé) dirigé par Tayyip Erdogan veut à tout prix faire voter des lois visant a détruire les libertés le peuple dont l’interdiction de la vente d’alcool entre 22h et 6h du matin, une réforme qui mène au changement total du système éducatif favorisant l’accès aux écoles religieuses et même une qui empêche les femmes de se procurer la pilule du lendemain sans prescription auparavant. Dans la capitale Ankara, on fait des annonces dans le métro comme quoi on doit « bien se tenir » (sous-entendu ne pas s’embrasser en public), on détruit un cinéma qui a une valeur historique pour reconstruire un centre commercial, on construit un troisième aéroport en détruisant toute une partie de la forêt qui longe le Bosphore. Bref, ils interviennent partout !! Je pense qu’il est primordial de comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’une histoire de parc, mais de tout un peuple qui en a marre d’être réprimé et soumis a un gouvernement qui se croit tout permis.

La place de Taksim est au centre même d’Istanbul et est directement reliée a la rue de l’Istiklal (Liberté). Cette place signifie beaucoup pour la gauche turque, c’est là où se passent pratiquement toutes les manifs, bien qu’interdits quelquefois par la mairie (et surtout le 1er mai). Mais c’est aussi une place qui devient de plus en plus touristique, avec juste à quelques centaines de mètres un quartier très defavorisé qui abrite des réfugiés kurdes, Tarlabasi. Le projet du gouvernement et de « réhabiliter » ce quartier en rasant les parcs, les anciens immeubles et les petites ruelles et construire un maximum d’hôtels et de centres commerciaux à la place. Le parc de Gezi, situé juste a cote de la place de Taksim est un petit parc (même pas un quart du parc de Luxembourg) avec quelques dizaines d’arbres. Dans le cadre du projet, il va être rasé et remplacé par un parking sous-terrain géant et un centre commercial au-dessus. Le gouvernement prétend qu’il va reconstruire des casernes militaires ottomanes (il fut un temps ou c’était des casernes), mais personne n’en a rien a cirer des casernes : ce qu’ils veulent c’est plus de centres commerciaux, plus de tourisme, plus de profits.

Après l’annonce du projet, une initiative a été prise pour préserver le parc, avec une pétition contre la destruction, mais ca n’a pas été très effectif, à tel point que la semaine dernière le comité a envisage de s’abolir, et c’est pile en rentrant de la réunion, à 3-4h du matin, qu’ils ont aperçu les bulldozers arracher les arbres discretos. Ils sont intervenus sur le coup et la machine s’est arrêtée. Ils ont campés dans le parc, le lendemain les flics sont intervenus avec le gaz lacrymo pour faire dégager les gens, un député s’est jeté devant la machine et les flics ont été déstabilisés et se sont barrés. Quand je suis arrivée dans le parc c’était comme un terrain de camping, avec des gens qui jouaient de la guitare, d’autres qui dansaient, on est resté dormir. Le lendemain les flics nous ont reveillés a 5h du mat’ avec des tanks d’eau à pression, ils ont brulés les tentes et je pense que c’est là où tout a commencé. Bien que les médias ont été le plus silencieux (et le plus corrompu possible – ceci dit, ils appartiennent pour la plupart à la famille ou à des proches d’Erdogan) les réseaux sociaux ont joués en notre faveur et les gens ont commencé à venir sur la place. A chaque fois qu’on nous chassait avec les jets d’eau et le lacrymo, un quart d’heure après on revenait sur le parc plus nombreux.

Des personnes extérieures nous ont envoyé à manger, on a reçu des dizaines de pizza, des masques à gaz, des médicaments et très rapidement un nombre incroyable de numéro de contact (d’avocat pour les gardes à vue ou d’étudiants médecins pour les blessés) ont commencé a circuler sur les réseaux. Le mouvement s’est répandu a vitesse grande V dans d’autres quartiers, et même dans la majorité des villes de Turquie. Il y avait des moments où les flics reprenaient le dessus et on se cassait dans les ruelles adjacentes, ou on était accueilli dans les facs, dans les hôtels, dans les maisons (les maisons qui voulait accueillir mettait une serviette blanche à la porte) à qui voulait bien nous ouvrir sa porte. La troisième journée on était vraiment crevé, il fallait marcher partout, plus aucun transport commun ne fonctionnait et des hélicoptères faisaient des tours sur la place en relâchant des nuages de gaz. Je pense qu’ils ont été à court de bombes lacrymo, et qu’ils ont changés de gaz (on a essayé de recueillir le plus de capsules vides pour les envoyer à des labos, car il y a des rumeurs selon lesquelles il s’agit du gaz Orange, un truc dangereux bref), car c’était un truc qui grattait et l’antiacide et le jus de citron ne faisaient plus effet dessus.

Il n’y avait pas vraiment de parti politique qui guidait le mouvement, et je pense que c’est aussi ça qui a fait que cela a accroché, y’avait des jeunes filles voilées, de vieilles dames, des « musulmans anticapitalistes », des écologistes, des artistes, un peu de tout quoi, mais on commençait a diminuer en nombre. Sur ce coup, on est vraiment redevable à un parti qu’en temps normal on n’adore pas des masses, c’est le parti républicain et laïc CHP qui a été fondé par Atatürk (qui a aussi fondé la République turque en 1923). Ce parti – qui est qualifié de parti d’opposition (formé par CHP et MHP ; qui est un parti d’extrême droite nationaliste mais qui est néanmoins considéré comme une opposition) – ne propose pas de vraie solution, il propose de revenir sur les principes de laïcité d’Ataturk (aussi appelé Mustafa Kemal), mais aujourd’hui chez les jeunes si on est contre le gouvernement, on est de « doctrine » kémaliste, on est laïc (ce qui n’empeche pas qu’on soit toujours autant capitaliste).

Cependant, ils avaient une manif prévue à l’avance du coté asiatique d’Istanbul et le président du parti a décidé d’annuler la manif pour marcher vers Taksim. On était coincé dans un hôtel et ça se présentait vraiment mal quand les flics ont eu la nouvelle que 40 000 personnes traversaient le pont du Bosphore pour rejoindre les manifestants à Taksim. Ils ont battu en retraite.

Depuis, les rangs n’ont fait que s’agrandir, la solidarité du peuple turc est vraiment belle à voir, désormais personne ne dort la nuit (inclus les flics), on entend les gens tambouriner des casseroles, des chauffeurs de camion et de bus bloquent les routes aux flics. J’ai vu des petites bourges, des filles qui ont en temps normal peur de se casser les ongles arracher les dalles des trottoirs et faire des barricades.

Apres l’intervention de CHP, on a beaucoup craint qu’ils s’approprient les révoltes, mais le président du parti n’a fait aucun discours ni déclaration (je pense qu’on ne l’a pas laisser faire), d’ailleurs pour répondre à ta question (après ce long topo), il n’y a aucun parti qui mène la lutte plus que l’autre pour le moment, mais j’ai peur comme les camarades que les luttes se dispersent faute d’organisation et de communication. Ce qu’on essaye pour le moment, c’est de former des comités de quartier où on peut débattre, mais tout est trop chaud pour qu’on puisse décider des stratégies à adopter. Les syndicats quant a eux font appel à la grève générale.

Je t’envoie aussi quelques liens avec des photos, vidéos, tout ce que j’ai pu trouvé sur les réseaux sociaux

7) Un mouvement anti-impérialiste et laïque

Communiqué du Parti communiste de Turquie

La résistance au parc Taksim Gezi, qui se poursuit depuis plusieurs jours, s’est transformée en mouvement populaire ce 31 mai. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à Istanbul et dans plusieurs régions de Turquie pour protester contre l’offensive inhumaine et délirante du gouvernement AKP.

Personne n’a le droit de tromper le peuple, d’essayer de tirer de fausses conclusions du déroulement des événements ou d’essayer de profiter de l’occasion pour en tirer des petites victoires politiques ou réaliser des démonstrations de force personnelles. Le mouvement historique et massif d’hier fut une éruption de colère populaire, qui est l’aboutissement de 11 ans de gouvernement AKP.Ces personnes qui partagent la même colère se retrouvent dans des tendances politiques différentes mais elles se retrouvent dans leur riposte commune contre le gouvernement.

Il ne s’agit pas d’un « printemps turc » comme les médias occidentaux aiment à le définir. Ce mouvement qui monte prend un caractère anti-impérialiste et laïque. Il est étroitement lié à l’opposition populaire à la politique belliciste du gouvernement en Syrie et à l’islamisation rampante de la vie publique. Ainsi, il diffère des autres soulèvements au Moyen-orient.

En dépit d’une brutalité policière sans limites et du manque de direction dans le mouvement, les manifestants ont soigneusement évité toute provocation. Depuis hier matin, plusieurs centaines de milliers de personnes défilent dans les rues sans crainte, parcourant en tout des milliers de kilomètres sans mener la moindre action qui puisse laisser un espace pour dénigrer cette résistance populaire légitime.

La terreur d’État qui s’est fait jour hier a fait plusieurs milliers de blessés et conduit à l’arrestation de centaines de manifestants. Cependant, cela n’a pas fait fléchir la résolution et la détermination populaire. Désormais, la riposte va bien au-delà du projet gouvernemental de construction d’un centre commercial à Gezi Parkı près de la place Taksim. Le gouvernement AKP porte l’entière responsabilité de l’escalade des événements. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a essayé de minimiser les protestations et il doit désormais être prêt à affronter une dure réalité : les gens n’ont plus peur de son gouvernement et ils veulent s’en débarrasser le plus vite possible.

Notre parti va maintenant proposer de nouvelles initiatives pour améliorer la coordination de la lutte contre ces plans illégitimes du gouvernement.

Le Parti communiste de Turquie appelle ses adhérents et sympathisants à se rassembler place Taskim à 15 h.

Nous appelons notre peuple à boycotter les médias dominants, qui ignorent, déforment les nouvelles des manifestations et minimisent systématiquement le nombre des manifestants. Les gens doivent soutenir les médias alternatifs, qui sont la véritable source d’information.

Maintenant que le peuple s’est soulevé, la fin de ce gouvernement cruel est proche !

Solidarité contre le fascisme !

A bas la dictature du capital !

6) Solidaires de la résistance populaire en Turquie !

Ces dernières soixante douze heures ont été marquées par une formidable mobilisation populaire en Turquie qui a engrangé d’importants succès malgré une terrible répression policière.

Le point de départ de la mobilisation est un projet du gouvernement et de la mairie d’Istanbul de détruire le parc Gezi sur la place Taksim au cœur de la métropole pour le transformer en un complexe commercial et pseudo-"culturel". Ce projet écologiquement néfaste et démocratiquement illégitime a suscité une résistance courageuse qui est allée en s’amplifiant.

Le mouvement lie désormais la défense de l’écologie urbaine, les droits démocratiques et la résistance à l’autoritarisme néo-libéral.

Malgré la répression policière qui a d’ores et déjà entraîné plus des centaines de blessés, la mobilisation a réussi à occuper en masse la place Taksim, obligeant la police à se retirer alors que des mouvements similaires se développe dans les autres villes du pays .

Le gouvernement Erdogan et son parti l’AKP montrent une nouvelle fois leur véritable visage : au service des puissants et autoritaire.

Nous saluons le succès de la mobilisation populaire en Turquie !

Nous exprimons notre solidarité aux occupants de la place Taksim et à tous ceux qui se sont joints à leur mobilisation à travers la Turquie.

Nous soutenons tous les manifestants victimes de la barbarie policière et/ou qui subissent des poursuites judiciaires.

Nous appelons à participer aux rassemblements unitaires de solidarité dans toute la France, notamment, à Paris, à la Fontaine des Innocents à 19 heures mardi 4 juin"

Premières organisations signataires :

Associations et syndicats

Attac

Droit Au Logement

Initiative des travailleurs et étudiants grecs à Paris

Fondation Copernic

Marches Européennes

No Vox

Solidaires

SUD BPCE

Organisations politiques

- Front de Gauche :

Convergences et Alternatives

FASE

Les Alternatifs

Gauche Anticapitaliste

Gauche Unitaire

Parti Communiste Français

Parti de Gauche

- Nouveau Parti Anticapitaliste

5) Appel à la solidarité internationale des défenseurs du parc Gezi

A l’attention des organisations internationales, de nos amis, camarades et journalistes du monde entier.

Ceci est un appel urgent de la part de défenseurs des droits de l’homme, activistes, ONG, professionnels, associations de quartiers et stambouliotes.

Depuis le 27 mai, des stambouliotes, classes sociales et appartenance politique confondue, de tous âges et de différents quartiers d’Istanbul sont entrés en résistance passive au parc Gezi, le plus grand parc public de la ville, dont la démolition devait avoir lieu bientôt en raison d’un soi-disant projet de rénovation. Le projet prévoit en effet la construction d’un immense centre commercial (qui devait être une réplique de la maison de l’artillerie ottomane).

http://www.youtube.com/watch?v=RgBR...

http://www.bianet.org/english/engli...

La police est intervenue à trois reprises, plus violemment à chaque fois :

La première intervention a eu lieu le 28 mai au matin, environ 50 manifestants ont été pris pour cible et le gaz été projeté directement sur leur visage.

http://stream.aljazeera.com/story/2...

En solidarité avec les manifestants, des centaines de personnes les ont rejoint en fin de journée et le mouvement d’occupation a pris en importance. La seconde intervention de la police a pris place le 30 mai à 5 heures du matin. Les forces de l’ordre ont brûlé les tentes des occupants et les gaz lacrymogènes et autres ont été utilisés de manière ininterrompue, causant de sérieuses blessures.

http://www.youtube.com/watch?v=suEV...

http://www.hurriyetdailynews.com/pr...

Contre cette violence extrême et aveugle, la réaction a été d’occuper le parc, cette fois, à plusieurs milliers.

Ce matin s’est révélé être une culmination de violence et de barbarie que peu de mots peuvent décrire, avec un usage de la force tout à fait disproportionné. Les sorties du parc ont été bloquée par la police, enfermant le groupe à l’intérieur. Les manifestant ont été pris entre des violents tirs de gaz et des grenades lacrymogènes, beaucoup se sont évanouis. Les manifestants ont du détruire un mur pour pouvoir s’échapper, beaucoup on été gravement blessés.

http://www.hurriyetdailynews.com/pr...

En ce moment, l’intervention brutale contre les manifestants continue. Le groupe s’est fait attaquer par les forces de l’ordre une nouvelle fois alors qu’ils lisaient leur déclaration à la presse. En ce moment certains sont à l’hotel Divan à Elmadag, se réfugiant des attaques au gaz.

Littéralement toute la place Taksim, ou est situé le parc Gezi, est sous les gaz, les rues autour de Taksim sont sous des nuages de gaz.

Chers camarades, nous croyons n’avoir rien à ajouter, les scènes parlent pour elles mêmes.

La résistance pour les droits de l’homme et la démocratie ne s’arrête pas ici, nous sommes déterminés à continuer notre lutte contre un gouvernement déterminé à écrasé toute opposition, un gouvernement qui ne peut même pas tolérer une manifestation pacifique pour sauver des arbres. Le gouvernement actuel a violé toutes les conventions internationales dont il est signataire.

Votre soutient et votre solidarité est déterminant pour notre détermination et notre résistance. Partagez ces évènements, nommez les et accusez les responsables, afin que cette folie et ces pratiques brutales contre les militants des droits de l’homme stoppent avec la pression internationale.

Au non de la solidarité

Urban Movements Istanbul / Habitat International Coalition

UMI, HIC-HLRN

4) Le Parti de Gauche dénonce la répression de la mobilisation pacifique à Istanbul

Depuis Vendredi 31 mai 2013, la répression d’une mobilisation populaire et pacifique en Turquie contre l’urbanisation du parc Gezi à Istanbul, proche de la place Taksim, a fait plusieurs dizaines de blessés. Des milliers de manifestants étaient venus place Taksim pour protester contre la politique de marchandisation de la ville et l’implantation, entre autres, d’un centre commercial, mais aussi plus globalement contre la multiplication de projets pharaoniques dans la ville comme la construction d’un troisième aéroport (qui devrait être le plus grand du monde) ou la construction d’un troisième pont sur le Bosphore.

Suite à la violente répression, le mouvement a commencé à s’étendre à d’autres villes du pays (Ankara, Izmir) et a pris la forme d’une contestation sans précédent contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002, et réélu en 2007 et 2011. Accusé de dérive autoritaire par les manifestants de la place Taksim, Erdogan a réprimé ceux-ci de manière inacceptable. Le Parti de Gauche réclame la fin immédiate des violences contre les manifestants pacifiques.

3) Turquie : malgré une répression policière très dure, les manifestations se poursuivent (Mediapart)

Des milliers de manifestants étaient encore rassemblés samedi à Istanbul, malgré les violences policières qui ont fait plusieurs centaines de blessés. Le mouvement, provoqué par un projet d’aménagement, s’est étendu à plusieurs villes turques et conteste désormais la politique du premier ministre Erdogan.

C’est l’un des plus importants mouvements de protestation depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre Erdogan en 2003. Il a pris vendredi une tournure violente quand la police a décidé de réprimer les manifestants à grands renforts de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Plusieurs centaines de personnes ont été blessées à Istanbul. Samedi, le mouvement, déclenché par un projet d’aménagement et qui s’est transformé en contestation plus large de la politique du gouvernement, se poursuivait et s’étendait à plusieurs grandes villes turques, dont la capitale Ankara.

Comme lors des révolutions arabes ou les mouvements d’Indignés en Europe ou aux États-Unis, les activistes ont rapidement mis en place des réseaux d’entraide (depuis la place Taksim d’Istanbul, trouver les coordonnées de médecins ou les contacts d’avocats), utilisé Twitter (avec le hashtag #occupygezi) et créé une page Facebook. Ils ont aussi installé une retransmission en direct des manifestations à Istanbul.

Samedi après-midi, les images montraient des milliers de personnes scandant des slogans hostiles au premier ministre, alors que la police s’était retirée de la place la plus célèbre de la ville, la place Taksim, aussitôt envahie par les manifestants.

D’autres manifestations étaient prévues dans plusieurs villes turques (à Antalya, Mersin, Gaziantep ou encore Diyarbakir). Dans la capitale Ankara, des manifestants faisaient aussi face à la police, qui usait samedi après-midi de lacrymogènes et de canons à eau.

La contestation a pris une nouvelle dimension après que la police est très violemment intervenue vendredi matin à Istanbul pour déloger les centaines de personnes qui occupaient pacifiquement le parc Gezi, situé sur la place Taksim. En deux jours, plusieurs certaines de manifestants ont été blessés, dont certains étaient dans un état grave. Vendredi, une photo d’Ahmet Sik, un célèbre journaliste, la tête en sang, a fait le tour de Twitter, touché par un tir de lacrymogène, délibéré selon Reporters sans frontières.

Samedi, l’association Greenpeace a annoncé avoir transformé son bureau stambouliote en « hôpital d’urgence pour les manifestants blessés ».

Les violences policières ont provoqué un élan de solidarité en Turquie. « Au moins autant que la diversité des manifestants, c’est le nombre et les modalités des soutiens qui étonnent : tel restaurant nourrit les manifestants gratuitement ; tel hôtel les accueille ; sur l’avenue Istiklal en état de guerre, des commerçants applaudissent les manifestants ; face au brouillage des lignes de téléphone portable par les forces de sécurité sur les zones d’affrontement, les cafés et restaurants environnants fournissent leurs codes de wifi par réseaux sociaux… Des riverains affichent sur les bâtiments que les manifestants peuvent venir se réfugier chez eux. Dans plusieurs quartiers, au milieu de la nuit encore, de nombreux habitants manifestaient leur soutien en allumant et éteignant les lumières et en descendant dans les rues avec casseroles et poêles. Nombreux sont ceux qui, aux fenêtres, applaudissent ou acclament les manifestants, comme ceux qui klaxonnent pour les encourager », raconte Elise Massicard, la responsable de l’Observatoire de la vie politique turque.

La répression a aussi suscité de nombreuses protestations dans le monde. Amnesty International a critiqué « le recours excessif à la force contre des manifestants pacifistes ». La violence de la répression a même conduit Washington à rappeler à l’ordre son allié turc. « Nous sommes préoccupés par le nombre de gens qui ont été blessés lorsque la police a dispersé les manifestants à Istanbul », a déclaré la porte-parole du département d’État, Jennifer Psaki. La porte-parole a appelé les autorités turques à « respecter les libertés d’expression, d’association et de rassemblement telles que ces personnes, visiblement, les exerçaient ». « Ces libertés sont vitales à toute démocratie saine », a-t-elle souligné.

Les plus hautes autorités turques ont fini par réagir et, samedi en milieu de journée, la police s’est retirée de la place Taksim d’Istanbul. Samedi, le président de la République, Abdullah Gül, a lancé un appel au « bon sens » et au « calme ». « Nous avons tous besoin d’être responsables face à ces manifestations (…) qui ont atteint un niveau inquiétant », a-t-il affirmé dans un communiqué, avant d’exhorter la police à « agir avec le sens de la mesure ».

Même le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a finalement concédé que la police avait agi dans certains cas de façon extrême. « Il est vrai qu’il y a eu des erreurs, et des actions extrêmes dans la réponse de la police. Les mises en garde nécessaires ont été faites », a indiqué celui qui focalise la colère des manifestants. Mais sur le fond, il est resté totalement intraitable, continuant, comme il le fait depuis des mois, de traiter les mécontents par le mépris. « Je demande aux protestataires d’arrêter immédiatement leurs manifestations (…) pour éviter plus de dommages aux visiteurs, aux piétons et aux commerçants. La place Taksim ne peut pas être un endroit où les extrémistes font ce qu’ils veulent », a ajouté Erdogan.

A l’origine, un projet de réaménagement du parc Gezi

Tout a commencé en début de semaine quand les premiers bulldozers ont fait leur apparition dans le parc Gezi sur la place Taksim, que le maire de la ville, proche du premier ministre, veut complètement réaménager. Ce projet est dénoncé par de nombreux urbanistes, architectes et écologistes qui ont remporté une première victoire vendredi avec la décision d’un tribunal administratif d’Istanbul de suspendre le projet de reconstruction de la caserne.

Depuis le début de la semaine, des milliers de Stambouliotes s’étaient donc rassemblés place Taksim pour contrer les plans de réaménagement du maire qui prévoit notamment de construire, dans le parc, d’anciennes casernes ottomanes, agrémentées d’un centre commercial.. Jeudi soir, ils étaient au moins 10 000, soutenus par des associations environnementalistes, des syndicats, de partis politiques de gauche.

Mais vendredi à l’aube, la police est très violemment intervenue pour déloger les centaines de militants qui occupaient le parc Gezi. La répression a provoqué un vaste élan de solidarité et de nombreux habitants sont venus en renfort aux abords de la place Taksim.

Leur mouvement a très vite pris un tour politique en dénonçant le gouvernement et ses méga-projets de construction à Istanbul, comme le troisième pont sur le Bosphore, dont la première pierre a été posée mercredi, ou un aéroport géant. Les manifestants, de l’extrême gauche aux partis nationalistes kemalistes en passant par les organisations kurdes, dénoncent plus généralement l’autoritarisme du premier ministre Erdogan, au pouvoir depuis 2003 après avoir été très facilement réélu en 2007 et en 2011 avec son parti musulman-conservateur, l’AKP.

« Finalement, la mobilisation autour du parc de Gezi n’aura été qu’une étincelle, celle de trop. En fait, plus que le parc lui-même – certes l’un des seuls espaces verts de cette partie de la ville, mais qui n’était ni très fréquenté, ni très bien entretenu, ni particulièrement valorisé par qui que ce soit, bref qui avait assez peu en commun avec Central Park –, c’est l’attitude des forces de sécurité, et plus largement du pouvoir, qui a véritablement mis le feu aux poudres et suscité l’élargissement de la mobilisation », écrit de son côté Elise Massicard, la responsable de l’Observatoire de la vie politique turque.

Depuis deux ans, et singulièrement ces derniers mois, les militants de gauche et des droits de l’homme dénoncent un durcissement du régime et de nombreuses arrestations d’opposants, des attaques contre la liberté de la presse et plusieurs lois qu’ils jugent liberticides et/ou conservatrices (par exemple, récemment, sur la vente d’alcool).

« En se lançant dans une politique souvent qualifiée d’aventuriste à l’égard d’Israël, puis de la Syrie, en morigénant l’agence Standard & Poors qui avait fait passer la note de la Turquie de “positive” à “stable” en mai, en laissant entendre qu’il pourrait envisager un rétablissement de la peine de mort et en affichant une morgue proche de l’inhumanité à l’encontre des grévistes de la faim kurdes à l’automne – “Certains d’entre eux ont d’ailleurs besoin d’un régime” –, (…) en cherchant à prendre le contrôle de l’université quitte à provoquer une fronde étudiante en décembre, en critiquant une série télévisée populaire, “Le Siècle magnifique”, au point d’obtenir que Turkish Airlines renonce à la projeter dans ses avions, il a nourri les accusations de dérive autoritaire et de “poutinisation” que lui prodiguait l’opposition depuis plusieurs années », estimait le chercheur Jean-François Bayart dans un billet publié en février sur son blog sur Mediapart.

Lénaïg Bredoux

* Article publié sur le site Mediapart le 1er juin 2013.

2) A Istanbul, la place Taksim au coeur de la contestation turque

Au troisième jour de leur mouvement, les manifestants turcs ont maintenu ce dimanche la pression sur le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan en occupant la place Taksim d’Istanbul, alors que la contestation s’est étendue à la capitale Ankara.

Tout l’après-midi, des milliers de personnes ont envahi l’emblématique place du centre de la mégapole turque, désormais vide de toute présence policière après deux jours de violents incidents qui ont fait plusieurs centaines de blessés et provoqué l’arrestation de plus de 1.700 manifestants dans toute la Turquie.

De crainte d’un retour des forces de l’ordre, des barricades faites de planches ou de carcasses de voitures ont été érigées dans la plupart des rues avoisinantes, gardées par des manifestants bien décidés à en découdre encore avec les autorités.

Fer de lance du plus important mouvement de contestation populaire du gouvernement islamo-conservateur turc depuis son arrivée au pouvoir en 2002, les militants de la société civile turque répondant aux appels de #Occupygezi sur le sréseaux sociaux, ont largement cédé la place à la gauche et à l’extrême gauche qui ont célébré leur victoire après le retrait des forces de l’ordre samedi. "Tous les Turcs sont sous pression depuis dix ou onze ans", a confié à l’AFP Hallit Aral, "aujourd’hui, tout le monde veut que le Premier ministre s’en aille".

Affrontements à Ankara

Si aucun incident n’a été signalé à Istanbul dans la journée, les forces de l’ordre sont une nouvelle fois intervenues dimanche après-midi à Ankara pour disperser, à grand renfort de gaz lacrymogène et de canons à eau, un millier de personnes qui voulaient marcher sur les bureaux de Recep Tayyip Erdogan Dans la nuit de samedi à dimanche déjà, des affrontements très violents avaient opposé policiers et manifestants dans la capitale, causant d’importants dégâts.

Selon le syndicat des médecins d’Ankara, 414 civils avaient été blessés dans ces incidents, dont six souffrant de graves traumatismes à la tête. De son côté, l’agence de presse Anatolie a fait état de 56 blessés au sein des forces de l’ordre.

La contestation s’étend

Des incidents similaires s’étaient produits dans la nuit autour des bureaux stambouliotes du Premier ministre, dans le quartier de Besiktas. Signe de la persistance de la mobilisation, des manifestations contre le pouvoir ont également eu lieu à Izmir (ouest), Adana (Sud) et Gaziantep (sud-est). Sous le feu des critiques, le Premier ministre a été contraint samedi de lâcher du lest, au terme de deux jours d’affrontements, ordonnant à la police de quitter la place Taksim et le petit parc Gezi, dont la destruction annoncée a donné le signal de la révolte.

Brutalité policière

Les organisations de défense des droits de l’Homme turques et étrangères ont dénoncé la violence de la répression, faisant état de plus de mille blessés. Amnesty International a même évoqué la mort de deux personnes. Ces chiffres n’ont pas été confirmés de source officielle. Le ministre de l’Intérieur Muammer Güler n’a fait état que de 58 civils et 115 policiers blessés pendant les 235 manifestations recensées depuis mardi dernier dans 67 villes du pays. Selon le ministre de l’Intérieur, la police a interpellé plus de 1.700 manifestants, pour la plupart rapidement relâchés.

Au sein même du pouvoir, plusieurs voix dissonantes se sont fait entendre pour regretter la brutalité des interventions policières. Le chef de l’Etat Abdullah Gül a jugé "inquiétant" le niveau de la confrontation. Et le vice-Premier ministre Bülent Arinç a prôné le dialogue "plutôt que de tirer du gaz sur des gens".

Face à ces réactions, le Premier ministre a reculé et concédé que la police avait agi dans certains cas de façon "extrême". "Il est vrai qu’il y a eu des erreurs, et des actions extrêmes dans la réponse de la police", a-t-il dit, ajoutant qu’une enquête avait été ordonnée par le ministère de l’Intérieur. Mais il a répété qu’il mènerait le projet d’aménagement urbain contesté de la place Taksim jusqu’à son terme.

Et comme un nouveau défi aux manifestants qui lui reprochent de vouloir "islamiser" la société turque, Recep Tayyip Erdogan a confirmé ce dimanche qu’une mosquée serait bâtie sur la place Taksim, rendez-vous traditionnel de toutes les contestations à Istanbul. "Oui, nous allons aussi construire une mosquée. Et je ne vais pas demander la permission du président du CHP (Parti républicain du peuple, principal parti d’opposition) ou à une paire de pilleurs pour le faire", a-t-il lancé, "ceux qui ont voté pour nous nous ont déjà donné l’autorité pour le faire".

Article de L’Humanité

1) Un printemps turc ?

Au moment ou nous mettons en ligne, la place Taksim à Istanbul est occupée par les manifestants. Des affrontements continuent sur la place Kizilay à Ankara et dans d’autres quartiers d’Istanbul, les rassemblements continuent dans diverses localités.

Ces images inattendues et impressionnantes ont fait le tour de la planète : rues bondées de manifestants, affrontements violents, foules traversant le pont du Bosphore à pied au petit matin… Mais que se passe-t-il donc dans ce pays qui a pourtant vu ces dernières années un miracle économique que beaucoup lui envient ; dont le parti au pouvoir, l’AKP, est parvenu à se faire reconduire avec pratiquement 50% des voix ; qui est acclamé dans les forums internationaux ; et qui semblait en passe de régler le plus épineux dossier politique, la question kurde ?

De manière discrète, mais continue, les tensions s’accumulaient pourtant depuis quelques temps. Les nouvelles restrictions à la vente d’alcool votées cette semaine s’ajoutent à une liste déjà fournie et font grincer quelques dents. Pas plus tard que la semaine passée, s’est déroulée à Ankara une mobilisation originale : des couples sont venues protester contre des lieux publics de plus en plus moralement restrictifs, en s’embrassant en public. Mais ce n’est pas un hasard si la protestation actuelle est partie du parc de Gezi (la « promenade »), voué à disparaître dans un projet d’aménagement urbain du centre « moderne » d’Istanbul, adopté sans concertation. En effet, ce quartier de Beyoglu a été une cible privilégié des politiques de l’AKP : pour ne citer que les initiatives les plus récentes, interdiction des terrasses des cafés et restaurants en 2011 ; construction d’un immense centre commercial sur l’avenue Istiklal, dont un étage était pourtant illégal ; destruction, il y a quelques jours à peine, du cinéma historique Emek malgré de larges protestations ; et, depuis le 1er mai, interdiction des manifestations sur la place centrale de Taksim (adjacente au parc Gezi) et sur l’avenue Istiklal (voir notre édition du 28 mai 2013). Beyoğlu, et notamment de quartier d’Istiklal, symbolise cette Turquie occidentalisée, cosmopolite et branchée dans laquelle ne se reconnait pas l’AKP et que d’aucuns le soupçonnent de vouloir étouffer. Si les habitants et usagers de Beyoğlu s’estiment victimes de desseins ombrageux du pouvoir, c’est aussi car le premier ministre Erdoğan, ancien maire d’Istanbul, garde un œil attentif sur tout ce qui concerne la mégapole de Turquie. Celle-ci occupe, dans sa vision du futur, la place de choix de mégapole mondiale, pour laquelle il nourrit de grandes ambitions : troisième aéroport se voulant le plus important du monde, troisième pont sur le Bosphore dont la première pierre vient d’être posée, herculéen canal parallèle au Bosphore… Autant de grands projets qui ont suscité beaucoup d’opposition, que le pouvoir a su jusqu’à présent contourner, ignorer ou faire taire.

Finalement, la mobilisation autour du parc de Gezi n’aura été qu’une étincelle, celle de trop. En fait, plus que le parc lui-même – certes l’un des seuls espaces verts de cette partie de la ville, mais qui n’était ni très fréquenté, ni très bien entretenu, ni particulièrement valorisé par qui que ce soit, bref qui avait assez peu en commun avec Central Park – c’est l’attitude des forces de sécurité, et plus largement du pouvoir, qui a véritablement mis le feu aux poudres et suscité l’élargissement de la mobilisation, y compris les soutiens au niveau international. La répression tout d’abord, que beaucoup jugent disproportionnée : le 1er mai, alors que les manifestations à Taksim avaient été interdites officiellement en raison des travaux, la zone entière a été bouclée, les transports publics arrêtés à grande échelle, les véhicules interdits, les ponts sur la Corne d’Or levés ; les altercations ont conduit à l’utilisation massive de gaz lacrymogènes, au point d’affecter de très nombreux riverains, y compris à plusieurs centaines de mètres des lieux d’affrontement. Cet usage s’est répété à plusieurs occasions depuis, jusqu’à inquiéter un certain nombre de touristes qui passaient par là.

Mais plus généralement, certains observateurs ont reproché au pouvoir AKP, en particulier depuis sa dernière législature entamée en 2011, son arrogance et ses dérives autoritaires, qui se sont manifestées en particulier par des pressions sur les médias. Ici encore, les annonces de la préfecture d’Istanbul reprises par les grands médias jusqu’à samedi 1er juin dans la matinée, assurant que le nombre de blessés s’élevait à douze, suscitaient déjà l’incrédulité et le malaise. Mais depuis l’annonce de la Chambre des médecins quelques heures plus tard, annonçant plusieurs centaines de blessés, c’est la colère qui domine.

Les médias classiques sont montrés particulièrement discrets, pour ne pas dire absents. Ils ont d’ailleurs fait l’objet de vives critiques. Vendredi soir, les grandes chaînes mentionnaient à peine les événements. Seules quelques chaînes marginales, pour la plupart de gauche, ont relayé les événements, et ont atteint un audimat record. Dans ce contexte, comme dans plusieurs « printemps arabes », les réseaux sociaux ont joué un rôle crucial, à la fois de relai d’information et de canal de mobilisation. Ce support est propice aussi à la propagation de rumeurs et de légendes urbaines. Il y aurait des morts ; les hôpitaux militaires soutiendraient les manifestants ; des policiers et plusieurs préfets auraient démissionné… Il reste difficile de démêler le vrai du faux dans ce contexte de guerre de l’information.

Mais qui est derrière ce mouvement ? Et que veulent-ils ? On ne distingue pas d’organisation principale. Ce ne sont certes pas les organisations de défense du parc ou même écologistes qui auraient pu mobiliser avec une telle ampleur. Plusieurs partis d’opposition et plusieurs clubs de football ont appelé, hier, à se rassembler. De rares bannières sont brandies ici et là : ici un groupe révolutionnaire musulman, là un parti… Mais c’est un phénomène minoritaire. Beaucoup de gens trouvent là simplement l’occasion de manifester un agacement et leur opposition, bien au-delà de la question de Gezi, et cela pour des motifs qui peuvent s’avérer très différents. Les manifestants scandent « Erdogan démission » ou disent s’opposer au « fascisme ». Ils s’opposent à un pouvoir tellement hégémonique qu’il croit pouvoir se permettre d’être parfaitement indifférent à l’opposition et de la prendre pour quantité négligeable. S’exprime de manière assez large un « ras-le-bol » qui est loin de se limiter aux kémalistes farouchement laïcistes, ni aux groupes de gauche radicale, ni encore à tous ceux ayant envie d’en découdre.

Au moins autant que la diversité des manifestants, c’est le nombre et les modalités des soutiens qui étonne : tel restaurant nourrit les manifestants gratuitement ; tel hôtel les accueille ; sur l’avenue Istiklal en état de guerre, des commerçants applaudissent les manifestants ; face au brouillage des lignes de téléphone portable par les forces de sécurité sur les zones d’affrontement, les cafés et restaurants environnants fournissent leurs codes de wifi par réseaux sociaux… Des riverains affichent sur les bâtiments que les manifestants peuvent venir se réfugier chez eux. Dans plusieurs quartiers, au milieu de la nuit encore, de nombreux habitants manifestaient leur soutien en allumant et éteignant les lumières et en descendant dans les rues avec casseroles et poêles. Nombreux sont ceux qui aux fenêtres applaudissent ou acclament les manifestants, comme ceux qui klaxonnent pour les encourager.

Finalement, les gouvernements Erdoğan ont eu à affronter des oppositions, mais principalement portées par des partis eux-mêmes affaiblis. La Turquie a vu peu de manifestations d’ampleur depuis les grands meetings républicains de 2007. Le pouvoir saura-t-il y faire face ? Lorsqu’Erdoğan a finalement pris la parole samedi à midi – dans une réunion sur le commerce extérieur où il vantait la réussite économique du pays- , c’est encore une fois pour défendre le projet de réaménagement de la place Taksim, mais aussi pour attribuer les événements à une coalition entre partis d’opposition et groupes illégaux, bref pour lui nier toute portée et légitimité. Selon lui, qui n’agit pas dans le cadre de la loi ne peut se prétendre défenseur de la démocratie. Justement, on s’est souvent interrogé sur le potentiel de démocratisation de l’AKP ; la gestion des rassemblements actuels pourraient constituer un véritable test. En attendant, des groupes continuent à affluer vers Taksim, des manifestations de soutien à s’organiser dans différentes villes de Turquie et d’ailleurs.

Elise Massicard,

http://ovipot.hypotheses.org


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message