« Les droits sociaux doivent être opposables » (Bernard Teper)

vendredi 9 février 2007.
 

Pour l’Union des familles laïques (Ufal), « association familiale contre le familialisme », c’est le citoyen, et non la famille, qui est à la base de la société. En toute logique, son président, Bernard Teper considère les droits de l’Homme et du citoyen comme un outil « indispensable » contre les exclusions. Bernard Teper, par ailleurs coordinateur national d’Attac pour la santé et la sécurité sociale, répond à Interdépendances assis sous une gravure de la Déclaration de 1789...

Les droits de l’Homme vous semblent-ils pouvoir être utiles contre les exclusions sociales ?

Bernard Teper : Ils sont indispensables. A condition de bien parler des droits de l’Homme et du citoyen - car si on ne parle pas du citoyen, on aboutit à un maintien des inégalités. Et à condition de s’intéresser aux droits nécessaires à notre XXIe siècle. Une nouvelle Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen devrait, je pense, énoncer neuf principes : la liberté, l’égalité, la fraternité ; mais aussi la laïcité, la démocratie, la solidarité, la souveraineté populaire, la sûreté et le développement durable.

Certes, il faut matérialiser ces neuf principes dans la vraie vie. Il faut donc aussi mettre en pratique des droits concrets. Des droits civils, politiques, économiques, culturels, mais aussi les droits sociaux qu’on essaie de tuer actuellement. Il faut notamment réaliser le droit au logement. A l’Ufal, nous considérons qu’il doit devenir opposable. Un citoyen doit pouvoir attaquer en justice les pouvoirs publics pour faire valoir ce droit. Bien sûr, pour obtenir un droit il faut un rapport de force majoritaire. A l’Ufal nous tentons de créer ce rapport de force en défendant partout cette idée de droit au logement opposable.

C’est notre travail d’éducation populaire. Le droit à la protection sociale doit lui aussi être opposable. Chacun doit avoir droit à la solidarité, de sa naissance jusqu’à sa mort. Par exemple, les parents doivent pouvoir choisir le mode de garde de leurs enfants, et trouver une place en crèche, s’ils le souhaitent, sur un claquement de doigts. Chacun doit aussi pouvoir accéder à la prévention et à des soins de qualité, indépendamment de sa maladie, de ses revenus, de ses déterminants sociaux. C’est la responsabilité des pouvoirs publics. Et ne créons pas de sous-catégories : les droits sociaux doivent être opposables par tous, sans exception.

Et le droit à l’emploi ?

B. T. : Il est plus difficile de le rendre opposable. Un gouvernement ne peut pas gérer les emplois. En revanche, il peut mener une politique incitative. Et favoriser les entreprises qui créent des emplois, plutôt que celles qui privilégient la rémunération de leurs actionnaires. Ou mener une politique de grands travaux, pour construire des places de crèches. Un droit au service public doit également être proclamé. Et il doit lui aussi être opposable. Les personnes qui n’ont pas accès à la Poste ou à des centres de santé de proximité vivent dans l’exclusion sociale.

N’est-ce pas utopique ?

B. T. : Absolument pas, et je le prouve ! Les richesses produites en une année se répartissent en deux agrégats. D’une part, les revenus du travail et les cotisations sociales ; d’autre part, les profits. Or ces vingt-cinq dernières années en France, la part des profits a augmenté de 10 points, ce qui diminue d’autant la part des revenus du travail et des cotisations sociales. Si l’on retient le mode de calcul de la Commission européenne, par exemple, les profits sont passés de 20 à 30 % du PIB depuis le début des années 80.

Le curseur s’est déplacé sous l’effet du néo-libéralisme, qui comprime les revenus du travail et les cotisations sociales, en faveur des profits. Or 10 points de PIB, en France, représentent près de 160 milliards d’euros. Si aujourd’hui le curseur était au même niveau qu’en 1982, on aurait donc quelque 160 milliards d’euros de disponibles pour faire respecter les droits sociaux. Pour financer des emplois, des crèches, des logements sociaux... Qu’on ne me parle donc pas d’utopie. En 1982, la France n’était pas marxiste-léniniste !


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