Après le 11 février, il y a le 12... ( Noël Mamère)

dimanche 11 février 2007.
 

L’élection présidentielle devient une série américaine. Comme les instituts de sondage et les médias ont mis en scène un débat entre deux quinquas et un éventuel troisième homme, il faut pour pimenter ce programme peu affriolant un minimum de suspense. On a donc les rapports entre François et Ségolène, Cécilia et Nicolas, Jean Marie et Marine, on publie les enquêtes à répétition des RG, on assiste à la mise au piquet d’Arnaud, à l’arrivée de José...

Mais tout cela ne dure qu’un jour. Il faut donc trouver en permanence de quoi retenir l’attention afin comme ils disent, de rythmer la campagne. Le dernier effet trouvé par les ordonnateurs du steeple-chase de l’Elysée est donc le grand prix du 11 février. Promis, juré, le 11 février, Elle, l’ex-reine de la popularité, la présidente du Poitou-Charentes, Ségolène en personne, va rebondir en présentant son programme issu des débats participatifs. Mais que peut-il se passer de si important ?

Les socialistes ont planché plus de six mois sur leur programme, sans compter la préparation de leur congrès. Que peut on trouver de nouveau, de décoiffant, de stratégiquement renversant dans cette attente imposée du 11 février ?

La vérité c’est que, même si quelques innovations sont apportées, la matrice du programme socialiste ne sera pas mise en cause.

Si c’était le cas, elle chamboulerait les équilibres du Parti socialiste, que ce soit sur l’Europe, l’immigration, la justice fiscale ou la précarité. Les quelques innovations de la candidate sur les 35H des enseignants ou sur l’armée encadrant les jeunes des banlieues ont construit une popularité externe mais ont mis en question sa crédibilité de femme politique, ancrée durablement à gauche, dans des fractions de l’électorat.

Devant la récupération éhontée des valeurs de gauche par l’occupant de la Place Beauvau, il est urgent d’asseoir son message sur un ancrage de rassemblement de la gauche.

C’est là que le débat fait rage, en réalité, au parti socialiste. L’inventeur de la gauche plurielle, Jean Christophe Cambadélis, se veut toujours le mécanicien de la « gauche durable ». Il a donc faiu ses comptes : une gauche à 40 % ne peut pas gagner au deuxième tour contre Nicolas Sarkozy. Il faut donc créer le FAS, le Front anti-Sarko, qui pourrait réunir contre le président de l’UMP - comme ce fut le cas en Italie, face à Berlusconi - l’extrême gauche, la gauche de gouvernement et le centre. En somme, rassembler tous les « gentils » : Bayrou, Besancenot, Buffet et Bové, Voynet et Laguiller, contre le chef des « méchants ». Nous ne sommes pas en Italie. Cette fable ne peut prendre dans un pays divisé en deux camps, gauche et droite, et par des clivages de société béants depuis le 29 mai ou la crise des banlieues. Les stratégies de troisième force ont toujours échoué en France, car elle se heurte à la tradition politique du pays comme aux aspirations de sa composante la plus nombreuse, les salariés.

On pourra toujours signer avec Hulot, les Don Quichotte ou AC le feu !, tous les pactes consensuels que l’on veut, pour faire de belles images au « 20h », la réalité de la mise en application des politiques publiques verra s’affronter des conceptions diamétralement opposées. Ce qui n’a pas été possible au moment le plus favorable, en 1965 avec Monsieur X, en 1981 avec les illusions de Giscard (rassembler deux français sur 3), sera encore plus difficile à l’heure où la mondialisation néolibérale et son cortège de délocalisations, de licenciements et de chômage, frappe en profondeur le pays tout entier, à l’heure où le réchauffement climatique oblige à des choix drastiques sur notre mode de développement. Non, il n’y aura rien de plus après le 11 février, que la gueule de bois du 12 et l’attente du nouvel artefact d’une campagne en trompe l’œil.

Pour que la candidate de la gauche ne fasse pas mourir l’espoir, il faudrait que les candidats complémentaires de l’écologie que sont Dominique Voynet pour les Verts et José Bové pour le pôle anti-libéral, créent une dynamique majoritaire autour de leurs thématiques permettant à la candidate du PS de faire ce que Léon Blum ou François Mitterrand avaient réalisé en leur temps : le rassemblement majoritaire du peuple de gauche. En 1936, le parti communiste n’avait pas participé au gouvernement mais il avait soutenu le Front Populaire.

Aujourd’hui, l’union de la gauche et des écologistes ne peut se faire que dans la lutte contre la précarisation de nos vies. Si le monde n’est pas une marchandise, le programme pour changer ce monde ne pourra pas se limiter à un gadget, avec quelques sucettes extraites de débats participatifs. Les luttes de ces dernières années ont bien mis en valeur ce qui est refusé et ce qui est acceptable pour le peuple de gauche. Ce qui n’a pas été dit ni fait par le PS depuis 25 ans, ni depuis 2002, ne se fera pas dans la nuit du 10 au 11 février.

Pour « que la fête commence », comme vient de le dire Claude Bartolone, paraphrasant Bertrand Tavernier, rejetons nos illusions et quittons le monde hors sol de la scène présidentielle. Pour gagner, il faudra d’abord débattre des préoccupations de ceux qui se sentent abandonnés par la gauche institutionnelle et les convaincre que, cette fois-ci, les promesses ne sont pas faites uniquement pour ceux qui y croient le temps d’une campagne.


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