Convention nationale de PRS Intervention d’Eric Coquerel (Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale)

mercredi 12 avril 2006.
 

Il y a deux ans, à la Pentecôte 2004, j’étais déjà parmi vous, pour le MARS, avec le même statut d’observateur. Deux années après je dois dire que j’en éprouve encore plus de plaisir tant dans la période écoulée, nos choix identiques, notre combat commun lors du référendum, nous ont encore rapprochés.

Oui un grand plaisir de se retrouver au moment où une mobilisation unitaire, populaire et sans nulle doute victorieuse s’empare de nouveau de notre pays.

Je pense que nous partageons les mêmes explications sur les raisons qui font que c’est ici que s’expriment aussi fortement les résistances au libéralisme.

C’est que la France moderne est née d’une révolution. L’une des seules dont on peut, sans guère d’ambiguïté ni réserves, se réclamer. Elle a lancé une dynamique qui a placé l’égalité républicaine au cœur de notre destin collectif. Une république non linéaire (elle a connu ses reculs, ses défaites, ses caricatures), démocratique, laïque, au message universel. Une République inachevée, nécessairement en mouvement sur la question sociale mais dont les fondements sont déjà insolubles dans le libéralisme.

Car ce sont bien les mêmes effets du libéralisme que notre peuple a refusé le 29 mai et qu’il refuse aujourd’hui. TCE et CEP : ce sont bien les deux mêmes questions majeures qui sont posées.

La première est sociale. Le projet de constitution prétendait constitutionnaliser le « marché libre et non faussée » pour faire sauter tout ce qui entrave la maximalisation du profit. Un profit recherché dans tous les domaines de l’activité humaine, sur tous les espaces, au détriment du bien commun et de l’intérêt du plus grand nombre. Une recherche du profit qui passe par la baisse tendancielle des salaires dans la richesse nationale au bénéfice des profits non investis. Cette politique implique de toujours plus réduire la part des services publics quitte à leur laisser les secteurs les moins rentables dans une vision charitable et non plus solidaire de la société. Elle implique de détruire les cadres collectifs et les règles. Pour faire sauter ces verrous on privatise EDF ou l’on prétend imposer le CPE.

La seconde question, tout aussi fondamentale, est la démocratie. L’Union européenne ne peut constituer un moins disant social et démocratique. Elle est aujourd’hui une machine à s’affranchir de toute souveraineté populaire et c’est peut-être ce qui explique en premier lieu le résultat du 29 mai. Cet affranchissement de la démocratie nous la retrouvons dans le CEP. Comment osent-ils évoquer la démocratie contre la mobilisation actuelle ? Quel est leur mandat pour appliquer « cette » politique ? Aucune majorité politique n’a été élue sur un programme libéral et c’est pourtant celui-là que l’on inflige de force au peuple français sous prétexte « d’adaptation » nécessaire à la mondialisation. Et Jacques Chirac doit l’admettre plus que tout autre : son « plébiscite » très particulier de 2002 devrait l’inciter à ne pas être le Président du passage en force. Oui nulle majorité depuis 20 ans ne s’est présentée en promettant davantage de privatisations, d’ouverture de secteurs publics à la concurrence, de flexibilité, de démantèlement du Code du Travail et du Contrat à durée Indéterminée.

Cette caricature de la démocratie nous la retrouvons dans la dernière déclaration du président de la République. En recourant à des artifices qui caricaturent à ce point la politique c’est bien le rapport du citoyen à celle-ci que le chef de l’état distend un peu plus. Cette fin de règne pathétique prouve que notre 5ème République est à bout de souffle. La gauche ne pourra revendiquer sérieusement de transformer les choses sans bouleverser profondément les institutions. Pour que la république demeure, il devient aujourd’hui indispensable d’en changer !

Enfin, autre leçon de ces deux mouvements, leur répétition dans un temps aussi bref démontre que nous sommes peut-être en train de changer de période. Depuis 20 ans s’est exprimée en France une résistance majoritaire au libéralisme. C’était déjà beaucoup, inespéré même. Mais aujourd’hui c’est peut-être non pas de résistance mais d’offensive dont il est question.

Si nous acceptons cette analyse, les implications sont grandes en terme de stratégie. En effet s’il y a le potentiel pour inverser le rapport de force vis-à-vis du libéralisme, cela signifie plus encore que nous pouvons espérer autre chose que, d’un côté, une gauche escomptant sur la politique de la droite pour imposer un simple mécanisme d’alternance et de l’autre une gauche protestataire qui ferait prospérer son pré carré mais impuissante à changer le cours des choses.

Ce qui est en jeu c’est de gagner à gauche avec un programme porteur de rupture avec le libéralisme. Il s’agit donc d’une stratégie majoritaire dont le but est à la fois de battre la droite et d’imposer un véritable programme antilibéral. Ce programme, ce projet pour un gouvernement antilibéral, tous les débats actuels montrent que, malgré nos différences, nous pouvons arriver à le formuler. La charte antilibérale qui devrait être adoptée lors des assises du même nom le 13 mai prochain peut en être la matrice.

Mais il est une seconde condition qui est d’engager un vrai rapport de force avec le social libéralisme, de changer la donne à gauche, de la refonder en profondeur.

Pour cela il n’est qu’un moyen qui justifie, dans la « galaxie » républicaine, l’existence autonome du Mars depuis sa création en 2003 : travailler à l’unité des gauches antilibérales. Mieux que ce terme qui évoque encore la résistance je préfère d’ailleurs, plus conforme à une dynamique offensive, celle de gauche de transformation.

La refondation passe par l’unité de ces forces et, à moyen terme, par davantage encore. Dans l’immédiat par des candidatures unitaires aux élections présidentielles et législatives pour une campagne du même type que celle que nous avons menée ensemble lors du référendum. Une campagne plurielle, populaire, pédagogique, citoyenne, GAGNANTE.

Avouons que des meetings avec Marie-Georges Buffet, José Bové, Olivier Besancenot ou encore Claire Villiers, Yves Salesse, des altermondialistes, féministes, écologistes, républicains bien sûr, constitueraient un événement de taille.

Mais vous me direz qu’il manque quelqu’un à cette énumération. Une composante qui a été essentielle dans la bataille du référendum et qui serait indispensable à toute refondation de la gauche : celle portant l’héritage d’une véritable social-démocratie qui ne se contenterait pas d’accompagner la capitalisme. Une composante que nous ne désespérons pas de retrouver avec nous et qui pourrait prendre une part cruciale dans une campagne victorieuse. Oui nous ne désespérons pas de vous retrouver dans ce formidable espoir pour la gauche. Un vœu qui je n’en doute pas deviendrait une évidence si le candidat, la candidate ?, finalement désigné par le Parti Socialiste avouait ses penchants pour la politique de Tony Blair...

Voilà ce qui à la fois pourrait constituer, enfin, un débouché politique aux mobilisations sociales que nous vivons depuis 1995 et assurer la victoire d’une gauche de nouveau fidèle à sa raison d’être, à sa mission émancipatrice et transformatrice .


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