Soudan : le mouvement contre le régime islamiste tient et s’élargit

mardi 1er octobre 2013.
 

D) Soulèvement contre la dictature au Soudan

Depuis une semaine, des émeutes qui ont commencé à Wad Madani, ville située à l’est de Khartoum, se sont étendues. La politique menée par le régime du président Omar el-Béchir depuis le coup d’État de novembre 1989, les discriminations imposées au nom de l’islam et l’instrumentalisation de cette religion ont servi de terreau propice à la révolte. Ce n’est pas la première fois que le pouvoir militaire est en butte à une contestation populaire. Réussira-t-elle cette fois-ci ?

Les émeutes qui ont débuté à Wad Madani le 22 septembre dernier sont une conséquence logique des politiques poursuivies par le régime du Parti du congrès national (PCN), au pouvoir à Khartoum depuis près de vingt-cinq ans. Ce régime, qui s’est longtemps présenté comme islamiste, n’est en fait plus aujourd’hui qu’un regroupement d’intérêts mercantiles — d’où son surnom populaire de « Tujjar ad-Din », « les marchands de religion » — n’opérant que dans le but de défendre ses propres intérêts. Sauf pour une poignée de militants convaincus, l’islam n’est pour les dirigeants qu’une idéologie leur permettant de justifier leur domination politique et économique. Mais celle-ci a été très mal gérée : en refusant de chercher le moindre accommodement avec la rébellion entamée dans le Sud (souvent impulsée par des chrétiens) par le colonel John Garang en 1983, le pouvoir a dû se résigner à un référendum d’autodétermination qui a donné lieu, il y a deux ans, à la sécession du Sud et à la création d’un nouvel État (le Soudan du Sud, couramment dénommé « Sud-Soudan » par emprunt à l’anglais, ndlr). Garang, mort dans un accident d’hélicoptère en 2005, n’était pourtant pas en faveur d’une séparation, convaincu que les problèmes du pays auraient encore plus de mal à être résolus morceau par morceau, région par région. La suite lui a donné raison.

Garang savait que le problème du Soudan n’était pas la division religieuse, mais les contradictions sociales et les inégalités géographiques. Le PCN a cherché à imposer deux objectifs : arracher le contrôle du pays à la bourgeoisie arabe traditionnelle tout en empêchant la promotion sociale des masses africaines exploitées par les Arabes. Les Africains (chrétiens, mais aussi animistes), les plus touchés par les discriminations, se sont d’abord révoltés. Mais la sécession du Sud n’a fait que déplacer le problème puisqu’à leur tour, les Africains musulmans se sont eux aussi soulevés. L’interminable agonie du Darfour, où les combats se poursuivent encore, en est la pire preuve. Et la guerre s’étend désormais à d’autres régions, comme le Kordofan ou le Nil Bleu.

Garang pensait qu’il fallait restructurer le pouvoir politique pour en rectifier les inégalités criantes, à la fois au niveau social et géographique. N’ayant jamais accepté de discuter de la paix avec le Sud sur des bases raisonnables, Khartoum a fini par le perdre et, de fait, a renoncé à 75 % des zones de production pétrolière. Conservant cette même posture arrogante face aux autres soulèvements régionaux, le régime s’est retrouvé face à de multiples conflits qui lui coûtent très cher, alors que ses ressources se sont effondrées suite à la perte des zones pétrolifères. Or il existait au Soudan ce vestige du « socialisme arabe » des années 1960 qui avait créé un relatif État-providence offrant de nombreux bénéfices à la population la moins aisée. Cet État-providence a peu à peu été démantelé par un mouvement « islamiste » dont les vues économiques étaient proches du libéralisme de Margaret Thatcher et Ronald Reagan.

Dans les années 1990, l’éducation est devenue un système à deux vitesses : il fallait payer pour avoir accès à un bon enseignement. Puis la santé a suivi le même chemin dans les années 2000. Toutefois, les subventions alimentaires qui permettaient de fournir les denrées de base à des prix raisonnables avaient été maintenues. C’est précisément leur abolition le 23 septembre 2013 qui a tout fait exploser. Pourquoi ? Parce que cette mesure intervient alors que le pays connait un taux de chômage de 20 %, que l’inflation tourne autour de 40-45 % depuis dix-huit mois et que d’après la chambre de la Zakat (charité islamique liée au gouvernement), le pays compte quatorze millions de pauvres (sur trente millions d’habitants). Le régime se justifie en avançant que leur financement coûte 3,5 milliards de dollars par an alors qu’il faut « réformer l’économie ». Mais ce qu’il omet de dire, c’est qu’au même moment, les dépenses militaires se chiffrent à 70 % du budget — dont 20 millions de dollars par jour pour la guerre.

Les choix du pouvoir sont clairs : les Soudanais doivent se résoudre à ne plus manger à leur faim (y compris les personnes ayant un emploi régulier) pour que le gouvernement puisse poursuivre une politique de militarisation à outrance et de lutte désespérée contre la majorité de la population. On a longtemps dit que la majorité de la population soudanaise était musulmane, et c’est vrai. Mais en le disant, on omettait aussi de préciser qu’elle était majoritairement négro-africaine et pas arabe. Maintenant que le Sud a fait sécession, on demeure devant une réalité brutale : la minorité arabe est une minorité, même si 90 % des Soudanais de l’État du Nord sont couramment arabophones. Or la répartition des bénéfices économiques suit grosso modo le clivage ethnique, même si elle n’y correspond pas exactement.

La situation est encore plus gravement inégalitaire si on regarde le pouvoir politique. Or la majorité africaine, bien que musulmane, refuse de se plier à une domination à la fois sociale, culturelle et économique et à accepter une place de citoyens de seconde classe au nom de l’islam. Le soulèvement pourrait renverser le régime, mais son problème central est le manque d’organisation. Un quart de siècle de totalitarisme « islamiste » a largement éviscéré la société civile laïque et islamique modérée qui existait depuis les années 1930. Si la révolution réussit, son triomphe sera plombé par un lourd héritage. Le manque tragique de soubassement civil obérera toute la réorganisation à venir : les vieux partis politiques — que les islamistes ont laissé vivoter dans leur médiocrité inefficace — n’auront rien, ou presque, à offrir comme capacité de reconstruction.

Gérard Prunier : ancien directeur du Centre français des études éthiopiennes à Addis-Abeba, il est aussi membre du Centre d’études des mondes africains de Paris et auteur de plusieurs articles et ouvrages sur le Soudan.

C) Soutien à la révolution soudanaise (NPA)

Depuis une semaine, la jeunesse soudanaise descend dans la rue pour protester contre l’augmentation des carburants et partant du coût de la vie. Elle exige le départ du président Omar Al Béchir, au pouvoir depuis 1989.

Parti de la ville universitaire d’Oued Madani, le mouvement s’est rapidement étendu aux autres villes du Soudan et a touché la capitale, Khartoum. Il est une réplique du mouvement de 2012 qui avait éclaté dans des conditions similaires.

Le pouvoir soudanais, qui a pris la mesure de cette nouvelle mobilisation massive, n’entend pas céder et ne recule pas devant la répression : des centaines de morts et presque un millier d’arrestations, la fermeture des écoles et la suspension de la presse et des coupures d’internet. Il entend jouer la fermeté, alors que des voies discordantes se font entendre en son sein.

Le NPA salue l’insurrection soudanaise, l’assure de son soutien, exige la libération des prisonniers, la vérité et la justice sur les meurtres en série. Il appelle toutes les forces, estudiantines, syndicales et politiques à se mobiliser en solidarité avec le peuple soudanais en lutte pour la démocratie et la justice sociale.

NPA, Montreuil, le 30 septembre 2013

B) Soudan : Halte à la répression militaire (communiqué PCF)

L’annonce, il y a quelques jours, par le chef de l’Etat Omar Hassan al Bashir de nouvelles hausses de prix suite à la suppression des subventions sur le carburant et des produits de première nécessité a provoqué un vif mécontentement de la population soudanaise. De nombreuses et massives manifestations pacifiques ont eu lieu dans plusieurs grandes villes du pays. Le régime a répondu par la violence, les gaz lacrymogènes et en tirant à balles réelles sur les manifestants.

Cinquante personnes ont été tuées parmi lesquelles des personnes touchées à la tête ou à la poitrine, des dizaines de blessés, de nombreuses arrestations. Et le black-out médiatique a été instauré. Parmi les personnes arrêtées, se trouvent Sidig Yousif, dirigeant du Parti communiste soudanais et Mirghany Atta Almanan, leader syndical.

Aujourd’hui, malgré la répression c’est le régime lui-même et ses dirigeants dont les manifestants demandent le départ. Le Parti communiste français, solidaire du peuple soudanais et des forces progressistes soudanaises, exige la libération de tous les prisonniers politiques et exprime son soutien aux voix populaires dans leur combat pour un Soudan démocratique et de justice sociale

A) Après l’Egypte, la Tunisie... mouvement social au Soudan ?

Les manifestants protestent contre les mesures d’austérité...

Des milliers de personnes ont manifesté ce jeudi au Soudan pour appeler à la chute du régime, au 4e jour d’un mouvement de contestation d’une ampleur inégalée contre des mesures d’austérité qui a déjà fait une trentaine de morts.

Les manifestations, provoquées par la levée des subventions sur les carburants et qui ont parfois pris une tournure violente avec des biens publics et privés attaqués, sont les plus importantes contre le régime islamiste du général Omar el-Béchir depuis son arrivée au pouvoir en 1989.

Le président Béchir, qui devait prononcer un discours jeudi à l’Assemblée générale des Nations unies à New York, est resté dans le pays, faute de l’octroi d’un visa par les Etats-Unis, selon la diplomatie soudanaise.

« Liberté, liberté »

Des rassemblements ont eu lieu en soirée à Oumdurman, la ville voisine de Khartoum, où des centaines de personnes ont été dispersées par la police avec des grenades lacrymogènes.

« Liberté, liberté », « le peuple veut la chute du régime », scandaient les manifestants, selon le correspondant de l’AFP.

Une petite manifestation s’est également déroulée à Khartoum et a aussi été dispersée par la police.

Manifestations

Alors que des appels à manifester ont été lancés sur les réseaux sociaux pour vendredi, le gouverneur de Khartoum, Abdel Rahman Al-Khidr, a averti que le gouvernement frapperait « d’une main de fer » ceux qui portent atteinte aux propriétés publiques.

Reprenant le slogan phare du Printemps arabe, environ 3.000 personnes avaient défilé plus tôt dans la journée dans le quartier d’Al-Inqaz à Khartoum, mettant le feu à des pneus pour couper des routes, selon des témoins.

La police a tenté de les disperser à l’aide de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, ont-ils précisé.

« Non à la cherté de vie »

Les écoles sont restées fermées par décision du gouvernement. Même les stations-services n’ont pas ouvert, les protestataires ayant mis le feu à plusieurs d’entre elles la veille.

A Port-Soudan, à 1.000 km au nord-est de Khartoum, un millier de personnes ont également manifesté, selon des témoins. Elles brandissaient des pancartes proclamant « Non à la cherté de vie » et ont été, là encore, dispersées.

Au moins 29 personnes ont été tuées entre lundi et mercredi, selon des sources hospitalières, un bilan confirmé jeudi soir par la police.

La TV accuse des « hors-la-loi »

Aucune indication officielle n’a été donnée sur les circonstances de leur décès mais des témoins et des proches ont affirmé que la plupart des civils avaient été tués par les tirs des forces de sécurité.

La télévision d’Etat a diffusé des images de véhicules, de bâtiments et de stations services incendiés ou endommagés, en accusant des « hors-la-loi » d’en être les responsables.

Face à l’extension des troubles, qui avaient débuté lundi dans le centre du pays, l’ambassade des Etats-Unis a appelé « toutes les parties à ne pas recourir à la force et au respect (...) du droit au rassemblement pacifique ».

Les manifestations ont jusqu’à présent un caractère spontané. Les dirigeants de l’opposition, dont l’ex-Premier ministre Sadek al-Mahdi, se sont réunis jeudi mais n’ont publié aucune déclaration.

Appels à des manifestations vendredi

Cependant, sur les réseaux sociaux, des appels à manifester ont été lancés pour vendredi après la prière de la mi-journée.

Dans un communiqué, « l’alliance des jeunes de la révolution soudanaise », qui contribue à l’organisation de la contestation sur les réseaux sociaux, a demandé « au peuple soudanais de poursuivre sa révolution », réclamant « la démission du chef de l’Etat (...) ainsi que du gouvernement corrompu ».

Les connexions internet, interrompues mercredi, ont été rétablies.

En revanche, un journal indépendant, Al-Jarida, n’a pas paru jeudi en raison de la censure imposée par les autorités, a déclaré à l’AFP son rédacteur en chef Idriss Al-Doumah, dénonçant cette décision « d’interdire la publication de toute information sur les manifestations ».

Avec AFP


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