M. Moscovici, l’embrouilleur en chef, la calinothérapie n’a pas de sens avec le MEDEF

lundi 14 octobre 2013.
 

« Libération » veut-il couper la tête des patrons ? C’est ce que fait penser sa une où l’on dénonce « les cadeau aux patrons » en montrant un homme sans tête. Comment le grand journal social-libéral (40 000 exemplaires vendus par jour) peut-il courir ainsi derrière Mélenchon et donner des gages au populisme qui-fait-le-lit-de-le-Pen-quand-on-critique-le-gouvernement ? C’est que la piétaille de la CGPME a levé des cartons jaunes pour Moscovici, qui lui a augmenté l’impôt sur les sociétés de 33% à 38 %. A titre provisoire, bien sûr. Où serait le problème si c’était à titre définitif ? Car j’ai connu ce taux à 42 % en France. Et ce n’était pas sous un régime communiste. En fait, le MEDEF s’est servi sur le dos des patrons de la CGPME. Mais comme les règles de la représentativité des syndicats patronaux n’ont jamais été changées, au contraire de celles des syndicats ouvriers, et comme j’ai été le seul à le dénoncer dans la présidentielle, maintenant la CGPME n’a plus qu’à japper quand le MEDEF le lui dit. Il s’amuse bien, le Gattaz, en ce moment. Il a froncé un sourcil, et Moscovici a reculé. Et pour lui dire merci, il lui envoie la piétaille de la CGPME mordre la main qui le nourrit. La situation commence à être connue.

Un nouvel épisode a eu lieu dimanche dernier. Suivez bien ! Le ministre de l’Economie a annoncé que le gouvernement renonçait à une nouvelle taxe sur les entreprises. Celle sur « l’excèdent brut d’exploitation ». Bien sûr, il n’est pas facile de comprendre de quoi il s’agit quand on n’est pas un expert fiscal. J’ai donc lancé mon alerte sur le réseau de la commission économique du Parti de Gauche, et attendu sagement qu’on m’explique jusqu’à ce que je comprenne. Comme un naïf que je suis, je pensais qu’on en parlerait le lendemain à France Inter. Bien sûr, ce n’était pas le sujet des pitbulls qui me recevaient. Pour ne pas avoir travaillé pour rien, je partage avec vous ce que j’ai appris.

Les prélèvements sur une entreprise sont calculés à divers niveau de l’établissement de ses comptes. C’est-à-dire à mesure que s’ajoutent les étapes de la formation de valeur et que se déduisent les prix à payer pour y parvenir. La nouvelle taxe se serait située à l’étage placé juste avant le moment où les combines sont possibles pour se soustraire au fisc. La taxe aurait cueilli dans « l’excédent brut d’exploitation ». Seules les grosses entreprises passaient à la caisse. Le MEDEF, qui ne représente que ce type d’entreprises, a aussitôt mis en action son énorme glande lacrymale. Aux premières larmes, Moscovici a tendu son mouchoir et demandé pardon.

Il faut dire Moscovici est passé maître du tango fiscal. Un pas en arrière, un sur le côté et ainsi de suite. Voyons d’abord le ridicule : voilà un homme qui crée une taxe pour récupérer 2,5 milliards d’euros. S’il a tellement besoin de cette somme, pourquoi donne-t-il 20 milliards de crédit d’impôts aux mêmes entreprises, avec promesse qu’il n’y aura pas de contrôle fiscal ? Vous cherchez 2,5 milliards, monsieur le ministre ? Gardez plutôt ceux que vous avez, au lieu de les donner sans contrôle !

Après quoi, restent l’incompétence et l’embrouille. En effet, la nouvelle taxe figure dans le projet de budget pour 2014. Ce projet a été approuvé le 25 septembre dernier en conseil des ministres. Moscovici détruit donc une mesure phare du budget 2014, moins de deux semaines après sa présentation en Conseil des ministres. Ce génie a lui-même déclaré dimanche, la bouche en cœur : "nous avons estimé au final qu’il ne fallait pas créer un nouvel impôt sans avoir réfléchi à l’ensemble de la structure d’imposition des entreprises". Doit-on comprendre qu’il n’avait pas réfléchi avant de proposer le budget de l’Etat pour l’année prochaine au Conseil des Ministres ? Il n’avait pas réfléchi avant de l’envoyer à la Commission européenne pour approbation ? Il n’avait pas réfléchi avant de l’envoyer pour avis au Haut Conseil des Finances Publiques, garant de la politique austéritaire de l’Union européenne ? Ni avant de le transmettre à l’Assemblée nationale. Non. Il n’avait pas réfléchi. Mais maintenant, il va le faire c’est promis. Mais comment le croire ? Un homme qui, de son propre aveu, a si peu d’habitude en la matière.

Donc, disais-je, sans aucune réflexion d’ensemble selon le ministre, il s’agissait de créer une taxe sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Les économistes de mon parti me disent : « En soi cela aurait pu être intéressant. Car cela aurait pu permettre de mieux répartir les impôts entre les petites entreprises et les plus grosses, entre celles qui gagnent beaucoup d’argent et celle qui en gagnent moins ». Soit. Ils précisent : « taxer l’excédent brut d’exploitation aurait aussi permis d’empêcher une partie de l’évasion fiscale des entreprises ». Ah bon ? Et pourquoi ? « Cette nouvelle taxe aurait eu une assiette plus large que l’impôt sur les sociétés, qui est aujourd’hui le principal impôt sur les entreprises. Or, l’impôt sur les sociétés est un véritable panier percé : les jeux d’écritures comptables permettent aux grands groupes de réduire artificiellement l’assiette sur laquelle est calculé l’impôt sur les sociétés ». Et comment cela cher camarade ? « Entre autres diableries, elles peuvent le faire en jouant sur l’inscription comptable de leurs investissements et de leurs financements sur plusieurs années, ou en déduisant des intérêts d’emprunts. Tous ces jeux comptables permettent de faire baisser l’impôt payé à la fin. Mais comme l’excédent brut d’exploitation est calculé avant ces opérations, une taxe fondée sur lui rend inopérants ces petits ajustements des comptes. » Comme c’est ce que j’ai déjà dit au début de cette section, on peut en déduire que j’ai compris ce qu’on m’a expliqué. Je vous en souhaite autant. Militer et polémiquer, c’est une autre façon de s’instruire.

Mais vous n’aurez pas tout compris tant que vous ne connaîtrez pas le reste de l’explication. En fait, son projet de taxe ne visait pas à dégager davantage de recettes fiscales pour l’Etat. Son idée était plus tordue. La nouvelle taxe était destinée à remplacer, après divers tripotages, trois autres taxes existantes. A la fin du compte, il s’agissait de récupérer la même somme que ces trois rapportaient : 2,5 milliards d’euros. Suivez le guide. D’abord, Moscovici entendait baisser l’impôt sur les sociétés. Ça fait toujours bon genre dans les affichages publics en Europe libérale. Au lieu de 33%, hop, juste trente pour cent. Tout ça étant en réalité de la frime. Car les statistiques montrent que si les petites entreprises payent bien leur 33%, les grosses et très grosses boites, elles, ne payent que 8% grâce à « l’optimisation fiscale » comme disent les belles personnes pour parler de leurs combines qui rapportent gros.

Après cet allégement pour nos amis les patrons, deux autres étaient encore prévus. Au passage, j’ai appris l’existence d’une cotisation sociale que je ne connaissais pas : la « contribution sociale de solidarités des sociétés » (C3S). J’ai d’ailleurs failli ne jamais la connaître, puisqu’elle a failli être supprimée. Que finance ladite taxe ? Le régime de protection sociale des travailleurs indépendants comme les artisans, les commerçants, un grand nombre des agriculteurs, etc. Les petits veinards ! En guise de réforme fiscale, Moscovici remplaçait donc une cotisation sociale par un impôt. Et sans que les entreprises ne paient un centime de plus à l’Etat. Le régime général paiera sans doute l’ardoise le moment venu. C’est-à-dire les salariés qui paient leurs cotisations.

Total, que veut dire tout cela ? Que le gouvernement de Jean Marc Ayrault et de l’embrouilleur en chef a fait une nouvelle reculade. Il détériore encore un peu plus le rapport de force pour les salariés dans le pays. Cette reculade intervient après plusieurs caresses du gouvernement au MEDEF. Le gouvernement a ainsi vidé de sa substance la promesse de taxe à 75% sur les revenus supérieurs à un million d’euros par an. Il a également reculé dès le premier battement d’ailes d’exilés fiscaux repeints en petits entrepreneurs "Pigeons". Et, je l’ai rappelé, il a surtout offert 20 milliards d’euros par an de cadeau aux actionnaires, sans contrepartie et "sans contrôle fiscal", sous prétexte de compétitivité. A chaque fois, le MEDEF engrange, puis réclame davantage.

Pourtant, avec le MEDEF, la calinothérapie n’a pas de sens. Il ne sert à rien de vouloir être gentils avec les grands patrons. Cette affection n’entre pas dans leur raisonnement. Pour eux, tout est coût, et tout coût est exagéré à part celui de leurs prestations et de leurs dividendes. Salaires, impôts, cotisations sociales : c’est toujours beaucoup trop ! D’ailleurs, à peine Moscovici avait-il reculé que déjà le MEDEF réclamait davantage. La nouvelle taxe n’existe plus mais le MEDEF veut quand même, en plus, la suppression de la recette fiscale qu’elle devait remplacer ! En attendant, il se frotte les mains de voir les petites et moyennes entreprises passer à la caisse à sa place. Loin d’exploiter la dénonciation de ce coup tordu entre patrons, le gouvernement… « réfléchit ». C’est-à-dire qu’il laisse faire. Même Libération doit protester ! Evidemment l’exercice est nouveau. D’où, je l’espère, l’amicale cécité de l’équipe des fabuleux « décrypteurs de chiffres erronés » qu’inflige à ses lecteurs ce journal. A toutes fins utile notez que le cadeau correspondant au crédit compétitivité est de 20 milliards en année pleine et non de 10, comme l’affirme le rédacteur de l’article qui en parle. Je sais bien que c’est difficile à croire quand on vient juste de se réveiller des nuages sucrés de la hollandomania ! Courage les gars et les filles, il vous reste encore Bayrou pour espérer. Selon vos goûts. Un jour vous apprendrez qu’il y a aussi « le Front de Gauche ». Et qu’à part injurier son porte-parole, on peut aussi y apprendre quelque chose. Ne serait-ce que pour faire semblant d’être ce journal de « toutes les gauches » dont se vantait Demorand. Mais le Front de Gauche est-il de gauche, hein, les amis ? « Y-a-t-il un bon populisme » commencent déjà à se demander Marie-violette et Jean Patou avant leur brunch…


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